Trois bons romans policiers français pour bien commencer l'année
Rappelez vous si les agapes n'ont pas trop altéré votre mémoire : on avait fini l'année 2016 pour une chronique balayant l'actualité des polars avec notamment un focus sur le prochain Festival Quais du Polar qui avait plutôt bien fonctionné.
On garde les bonnes vieilles habitudes et on commence la nouvelle année en vous reparlant de ce genre tellement fédérateur qu'est le roman policier avec trois critiques de polars français qu'on a lu dernièrement pendant nos vacances de Noël, avec notamment deux d'entre eux qui sont le troisième volet de trilogies se déroulant dans des steppes lointaines avec les romans de Ian Manook et Olivier Truc, deux valeurs sures du genre :
1.Cabossé ; Benoit Philippon ( Série Noire, Gallimard)
« Tu sais, la vie c’est bien plus chiant que le cinéma. Il s’y passe jamais rien, en fait. Pourquoi tu crois qu’ils ont inventé les clichés?. »
Guillemette, fleur de pavé, qui a pris pas mal de coups de son mari et ex prince charmant, voit arriver dans sa vie, Roy, 110 kg de barbaque avec dessus une tête de tomate écrasée. Petite
Ces deux-là sont fait pour s’entendre, ils trainent chacun de grosses gamelles liées à quelques saloperies que la vie dispense à certains humains. Bon, ce pourrait-être la Belle et la Bête mais nous sommes à Belleville et pas dans un conte de fée. Justement, le prince charmant, tyran domestique, n’aurait pas dû insister, c’est pour cela qu’il se retrouve l’œil vitreux, un bout de mâchoire dans le caniveau.
Alors Roy et Guillemette tracent la route… se racontent… baisent… se racontent… baisent et tracent la route… ces deux-là ont tellement de temps à rattraper, mais malheureusement, du temps ils n’en ont plus beaucoup, la police et quelques malfrats voudraient bien discuter avec eux.
C’est pas du Ronsard, c’est plutôt de l’Audiard, période Blondin ou Simonin version XXIe siècle.
Benoit Philippon ne s’embarrasse pas de phrase superflue, il écrit vite, il écrit cru, il écrit noir. L’écrivain découvre la beauté cachée des laids, abimés, accidentés, et l’expose sans délai. « Cabossé » est un road movie où les héros ne sont pas propres et nets et c’était une gageure de rendre le lecteur empathique.
Pari réussi, on referme ce polar en ayant partagé une bonne tranche d’humanité avec ces deux-là. Mais reconnaissons que l’on est plus proche d’un scénario que de littérature.
2.Olivier Truc; La montagne rouge ( Metailié)
-"Donc pour vous, les Sami n'ont pas à prétendre qu'ils ont droit à ces paturages d'hiver le long de la vallée.
Qu'ils y aient droit de nos jours n'est pas de mon ressort, monsieur le Président, c'est l'affaire entre eux et les fermiers d'aujourd'hui. Je réponds seulement à l'affirmation selon laquelle les Sami auraient été dans la vallée longtemps avant les scandinaves. Rien ne vient le prouver."
Olivier Truc, journaliste français vivant à Stockholm et correspondant pour divers journaux français, ne cesse de nous donner régulièrement de nouvelles par ses polars qui se déroulent en Laponie qu'on dévore avec avidité tous les deux ans.
Dans La montagne Rouge, on retrouve peu de temps après L'excellent dernier Lapon puis dans ,son second essai Le Détroit du Loup, le troisième roman d’Olivier Truc, toujours paru chez Metailié , Klemet et Nina, les deux policiers de la patrouille P9 de la police des rennes mais cette fois non pas en Norvège comme les deux précents livres, mais en Suède, sur les traces d'un tas d'os très ancien qu'on a retrouvé.
Ce squelette inconnu et non identifié se retrouve dès lors au centre d'un litige se déroulant à la Cour suprême de Stockholm: lesquels, des éleveurs sami ou des forestiers suédois, étaient là les premiers et sont donc propriétaires des terres? Klemet et Nina vont mener l'enquête pour retrouver l'origine du crane.
Une enquête plus ouvertement judiciaire, politique et historique que les deux premières, et du coup sans doute légèrement moins romanesque et captivante
Mais ce troisième opus avec la police des rennes nous prouve quand meme la capacité de son auteur à nous emmener sur des terrains peu usité par la littérature, policière ou traditionnelle.
3.La Mort nomade, Ian Manook ( Albin Michel )
"Il allait bientôt venir sur lui dans la brume mauve qui transpirait de l'eau noire. L'apercevoir. Puis le surveiller d'un oeil. Et s'inquiéter. Ne pas y croire. Cet idiot qui rame de dos, et glisse sa grosse barque contre la sienne. Jurer. Paniquer. Remonter sa ligne avant d'écarter sa barque ou démarrer le moteur et perdre sa ligne. Il hésite. Trop tard..."
Là encore, comme pour la trilogie d'Olivier Truc il s'agit d'un troisième volet d'un roman policier que nous avions énormément défendu à sa sortie et qui nous amène sur des contrées particulièrement exotiques et dépaysantes
Le premier Yeruldegger, oeuvre d'un auteur à l'époque inconnu dénommé Ian Manook ( pseudonyme de Patrick Manoukian, ancien journaliste de 65 ans qui a déjà écrit sous d'autres pseudos) était un roman haletant, original et parfaitement dépaysant,puisqu'il avait pour décor la Mongolie, un pays peu usité par la littérature, policière ou générale.
Après un second volet de bonne facture, on retrouve pour la troisième fois avec plaisir le commissaire Yeruldelgger qui donne son nom à la série, dans la Mongolie des nomades et des chamanes
Retiré dans les plaines mongoles, loin d'Oulan-Bator, notre cher commissaire pensait pouvoir trouver la paix, mais c'était sans compter ces 2 femmes nomades , trainant dans leurs sillons une multitude de crimes commis dans différents endroits du globe, de New York, à Knowlton au Canada ou encore à Perth en Australie.
L'enquête policière est toujours chez Yeruldegger passionnante et pleine de surprise, et l'on retrouve avec plus de plaisir encore les descriptions des paysages et les spécificités de cette culture si différente de la notre sur pas mal de points.
Traversé, comme les précédentes enquêtes de Yeruldelgger, par de passionnantes réflexions géopolitiques et scientifiques, Manook n'en a pas finit de nous montrer une Mongolie partagée entre valeurs ancestrales et développement économique trop radical.