Quais du Polar 2017 : Aquarium: David Vann mettrait-il un peu de soleil dans son univers?
" Je faisais sans cesse des cauchemars dans lesquels elle était sous une grue au port, et un énorme conteneur fendait les airs au-dessus de sa tête. Nous savons que les poissons montent toujours la garde, cachés à l’entrée d’une grotte ou dans les algues, ou accrochés au corail afin de se rendre invisibles. Leur fin peut arriver de tous côtés, d’un instant à l’autre, une bouche plus grande qui jaillit de la pénombre et tout est aussitôt terminé. Mais n’en est-il pas de même pour nous ? Un accident de voiture à n’importe quel moment, une crise cardiaque, une maladie, un conteneur qui se détache et tombe du ciel, ma mère en contrebas qui ne lève même pas les yeux, qui ne voit ni ne sent rien, juste la fin. Le vieil homme me posa la main sur l’épaule. Tout va bien, dit-il. Tu es en sécurité."
On sait que maintenant que, lors du très prochain Salon Quais du Polar, la littérature policière allemande sera à l'honneur, de même que sera abordé le lien entre politique et roman policiers, mais je ne vous avais pas encore parlé d'une autre thématique importante de la manifestation, le focus sur la notion de « genre » : les genres littéraires avec la présence d’auteurs de polar et d’écrivains venus d’autres horizons littéraires que le polar plus traditionnel
Parmi ces auteurs, le nom le plus prestigieux est sans doute celui de David Vann l'inoubliable romancier de Sukkwan Island, prix Médecis étranger 2010 qui depuis dans Desolations ou Goat Moutain n'a cessé de pointer du doigt les déreglements familiaux et ces situations ou la violence des rapports humains et familiaux atteint son aopogée, et dans lequel l'abandon et l'impossibilité à pardonner sont des thèmes récurrents, souvent abordés sous l'angle du nature writing dont Vann est sans doute un des plus éminents représentants.
David Vann n'a pas son pareil pour crée un environnement clos comme un aquarium, donc on imagine bien que le titre de son dernier roman publié en France qu'il présentera lors du salon nous plonge dans un huis clos aussi étouffant et opressant que ces précédents romans dans laquelle la violence psychologique fait irruption de façon brutale et irréfutable..
Dans ce Aquarium, Vann continue d'user de cette plume tendue et sèche qui a fait son succès, et qui entre deux accalmies, sait ménager des moments de violence sourde avec cette montée en puissance de la tension narrative comme seule lui sait y faire,
"C’était un poisson si laid qu’il ne ressemblait en rien à un poisson. Une pierre de chair froide envahie de mousse, tachetée de vert et de blanc. D’abord, je ne l’avais pas vu, puis je pressai mon visage contre la vitre et tentai de m’approcher. Enfoui dans cette végétation impossible, la courbe de ses lèvres épaisses étirée vers le bas, une grimace en guise de bouche. Une petite perle noire pour l’oeil. Une queue épaisse striée de pointillés sombres. Mais aucun autre élément identifiable à un poisson. Mais aucun autre élément identifiable à un poisson...Il est sacrément moche."
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En effet, la jeune héroïne d'Aquarium agée d'a peine 12 ans, Caitlin, une teen touchante, sincère et pleine d'intelligente est sans doute le personnage le plus positif de tous les romans de son auteur et contribue à faire de cet Aquarium une oeuvre plus poétique, plus apaisée et plus féminine ( ceci expliquerait il cela) que ses précédents romans
Les superbes illustrations de poissons dessinés à l'encre, qui alimentent joliment les métaphores maritimes et animale sur l'étouffement familial et les sentiments éprouvés de Caitlin, parachèvent ce sentiment de sérénité et de poésie d'un livre aussi prenant qu'un thriller de haute facture..
Bref, une oeuvre sauvage et humaine qui peut permettre à ceux qui ne connaissent pas encore l'oeuvre de Vann de le découvrirà travers ce beau roman et cette très attendue présence lors du salon Quais du Polar
David Vann - Aquarium
http://www.quaisdupolar.com/auteurs/david-vann/
David Vann est né en 1966 sur l’île Adak, en Alaska, et y a passé une partie de son enfance avant de s’installer en Californie. Il a travaillé à l’écriture d’un premier roman pendant dix ans avant de rédiger en dix-sept jours, lors d’un voyage en mer, le livre qui deviendra Sukkwan Island. Pendant 12 ans, le roman ne trouve pas d’éditeur et David Vann se tourne vers la mer pour gagner sa vie. Après avoir traversé les États-Unis en char à voile et parcouru plus de 40 000 milles sur les océans, il échoue lors de sa tentative de tour du monde en solitaire sur un trimaran qu’il a construit.
Son premier roman sera finalement publié en 2008 aux Etats-Unis puis en France en janvier 2010 où il remporte immédiatement un immense succès. Auteur de six livres traduits en français, lauréat du Prix Médicis, traduit en dix-huit langues dans plus de soixante pays, David Vann est aujourd’hui considéré comme l’un des écrivains américains majeurs. Il partage son temps entre la Nouvelle-Zélande où il vit et l’Angleterre où il enseigne tous les automnes la littérature.