Amoureux de ma femme (critique) : Daniel Auteuil assure le service minimum
Au début du mois d’avril, l’immense Daniel Auteuil, ce comédien qu'on ne présente évidemment plus et qui a illuminé entre autres le cinéma de Claude Sautet ou d’André Téchiné, est venu sur Lyon présenter son quatrième film en tant que réalisateur Amoureux de ma femme, qui sort au cinéma aujourd'hui.
Cette venue aura été l’occasion d’échanger quelque peu avec cette personnalité incontournable du cinéma français, dont les films de metteurs en scène- la pas terrible trilogie de Pangol et celui là- resteront malheureusement un peu mineurs comparés à certains de ses performances d’acteurs.
Librement adapté d’une pièce de Florian Zeller, "L'Envers du décor", considérée déjà par les observateurs comme une pièce mineure d’un auteur qui a pourtant écrit de très beaux textes , « Amoureux de ma femme », qui se veut une comédie légère tendant à retranscrire les affres du désir masculin, rate un peu sa cible, à cause d’un parti pris ambitieux sur le papier ( mélanger scènes réelles et scènes de rêve et de fantasme) mais qui échoue à prendre forme et à convaincre à l’écran.
Reconnaisons le aisément : le concept de départ de la pièce de Zeller (déjà mise en scène par Auteuil) et du film est plutôt intéressant : nous entendons les pensées de chacun des personnages, car ils les énoncent à voix haute.
Si, dans la pièce, ces pensées étaient données aux spectateurs par le principe si usité au théâtre de l’aparté, Daniel Auteuil a préféré filmer ces scènes de rêves ou de fantasme de la même façon que les scènes réelles, afin de perdre un peu le spectateur, qui ne sait plus trop quand il se trouve dans le réel et quand il se trouve dans l’imaginaire de ses personnages principaux..
Si ce parti pris est totalement assumé par le réalisateur (comme nous le verrons lors de la rencontre qu’on a faite avec lui) cela semble être une fausse bonne idée au vu du résultat final : comme on ne sait effectivement assez vite plus si on est dans le rêve ou dans le réel, on commence à se dire que tout est fantasmé et donc tout semble un peu dénué du moindre enjeu et du moindre intérêt..
En fait, "amoureux de ma femme" se veut une radioscopie du désir masculin, celui qui s’érode quand le couple est installé, et celui qui surgit de façon impromptue quand un objet de désir particulièrement puissant apparait. Cela aurait pu être propice à des réflexions intéressantes sur ce sujet passionnant et o combien d’actualité, en plein tourment de l’affaire Weinstein et autres "balance ton porc."
Dommage qu’Auteuil n’ait pas trop voulu jouer cette carte-là, préférant rester sur le terreau plus confortable du vaudeville classique avec quiproquos et situation outrée ( la scène des choux au chocolat) et du coup traiter ce sujet ( la tentation de l’adultère) de façon convenue et souvent déjà explorée, en plus subtil qu’ici.
Comme le couple hôte et le couple invité n'ont finalement pas grand chose à se dire d’intéressant en dehors de leurs fantasmes, les dialogues sonnent assez creux et dénués d'intérêt.
En fait, Daniel Auteuil, comme il le dira dans notre interview, assume totalement le coté très léger de son film et n’a pas voulu réaliser une étude poussée et retorse sur les démons du désir masculin. On imagine bien que les chaines de télévision et les autres financeurs préfèrent aussi assurer leurs arrières pour faire venir quelques spectateurs…
Finalement le seul vrai atout de son film, réside dans le choix de son casting, qui pour des raisons certainement de rentabilité liée aux têtes d'affiches, est totalement différent de la pièce- à part Auteuil himself qui conserve son rôle au théâtre, un casting finalement assez judicieux notamment du point de vue féminin.
Si Sandrine Kiberlain, royale comme toujours, se sort parfaitement d’un rôle un peu ingrat sur le papier, la vraie révélation du film est assurément Adriana Ugarte déjà repérée dans le sublime Julietta d’Almodovar qui est plus qu’affriolante et particulièrement crédible en obscur et lumineux aussi objet du désir cher à Buñuel…
Pour elle(s), à la rigueur on peut aller jeter un œil sur ce mineur "amoureux de ma femme"...