Baz'art  : Des films, des livres...
11 septembre 2018

Rentrée littéraire en poche, notre deuxième tournée !!

  Il y a une dizaine de jours, on vous avait donné une petite sélections de romans qui sortaient en poches pour cette rentrée littéraire, et devant le succès de l'article, on récidive, avec pas moins de six nouveaux romans incontournables !!

1.Nos Richesses, Kaouter Adimi ( Points)

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« Á travers la grande vitrine des Vraies Richesses, il voit les nuages qui défilent dans les flaques. Cette ville est sinistre sous la pluie. Seuls quelques moineaux brisent la quiétude du matin. Il n’est jamais simple d’être heureux à Alger, même  débarrasser une librairie et filer se transforme en épopée ! »

Pour valider le stage ouvrier de son école d’ingénieur, Ryad, se retrouve à Alger afin de débarrasser, nettoyer et repeindre une ancienne librairie. Mais le jeune homme va vite s’apercevoir que, beaucoup plus qu’une histoire, la librairie « Les Vraies Richesses »  a une âme et les fantômes de grands écrivains habitent encore ses murs.

 

Ryad se plonge dans les carnets intimes du fondateur des lieus, Edmond Charlot qui à l’âge de 21 ans en 1935 devint libraire, bibliothécaire, galeriste, et éditeur. Edmond Charlot, passeur de livres, publie les premiers écrits d’Albert Camus, Jules Roy, Max-Pol Fouchet, André Gide, Federico Garcia Lorca…

 

Editeur des plus grands, éditeur de la France libre durant l’occupation, Edmond Charlot tente, à la libération, de conquérir Paris, mais au bord de la Seine, la vie n’est pas un long fleuve tranquille pour un éditeur venu d’Alger. D’autant que les prémices de ce que l’on a appelé  pudiquement  les « évènements » (sacré euphémisme !) d’Algérie se font sentir.

  Kaouther Adimi, en à peine deux cents pages, nous plonge dans la vie d’un  quartier d’Alger aujourd’hui, mais aussi dans une émouvante reconstitution de l’activité passée d’une librairie, une histoire irrémédiablement liée à la France et à l’Algérie, deux pays amis et ennemis dans une  époque charnière de l’Histoire.

 Par petites touches sensibles, la romancière nous conte vie d’un homme qui a su s’engager sans se tromper, Edmond Charlot, un honnête homme pour qui la littérature était au-dessus de tout, un amoureux des livres et des mots.

 « Nos Richesses » est aussi un récit de  transmission et d’apprentissage, après son passage dans la petite librairie et sa rencontre avec Abdallah, le gardien du temple, Ryad ne sera plus le même, et le lecteur non plus.

 Kaouther Adimi, Nos Richesses, éditions Points, septembre 2018, 192 p

G007862. BABYLONE, Yasmina Reza ( Folio)

  Tout le monde riait. Les Manoscrivi riaient. C'est l'image d'eux qui est restée. Jean-Lino, en chemise parme, avec ses nouvelles lunettes jaunes semi-rondes, debout derrière le canapé, empourpré par le champagne ou par l'excitation d'être en société, toutes dents exposées. Lydie, assise en dessous, jupe déployée de part et d'autre, visage penché vers la gauche et riant aux éclats. Riant sans doute du dernier rire de sa vie. Un rire que je scrute à l'infini. Un rire sans malice, sans coquetterie, que j'entends encore résonner avec son fond bêta, un rire que rien ne menace, qui ne devine rien, ne sait rien. Nous ne sommes pas prévenus de l'irrémédiable""

Huis clos bien dans la tradition des oeuvres précédentes de l'illustre Yasmina Reza, notamment de ses pièces de théatre  avec une peinture de la grande bourgeoisie lors d'une soirée où tout va déraper, un peu comme dans "Art", sa pièce la plus illustre-  mais  cette fois ci pour des raisons totalement différentes..

 Comme dans la plupart de ses oeuvres précédentes, on s'incline devant le sens de la formule de Reza et cette facon à la fois ironique et amère de mettre le doigt sur les absurdité de nos existences finalement si ordinaire. Les relations de couple, de voisinage, les apparences que l'on montre aux autres, tout cela est passé au grill de la causticité de l'auteur qui s'en donne à coeur de joie de teindre un miroir un peu cynique et désenchanté des relations humaines.

Cela dit, Reza tente   et   pour la première fois dans son oeuvre, une petite incursion plutôt audacieuse vers le roman policier avec  cette soirée entre voisins a priori bien intentionnée va virer au tragique un meurtre commis dans un appartement de banlieue, après une fête printanière, un crime d'origine passionnel commis par le voisin  de la narratrice, un homme pourtant irréprochable  de prime abord..

On cerne facilement le parrallèle entre la narratrice et l'auteur  d'après les pensées et les réflexions que cette dernière  lui prête tant Elizabeth  épingle, à la manière que Reza pourrait le faire facilement- si on connait un peu la personne d'après ses interventions médiatiques, les petites hypocrisies  et autres faux semblants de la vie en société

Babylone se lit avec plaisir, grâce à la plume aguisée et tranchante de l'auteur, mais il se lit hélas sans passion démesurée non plus. On a  en effet au fur et à mesure de la lecture comme l''impression que le roman n'arrive jamais vraiment  à dépasser le simple exercice de style  et que  Reza ne va jamais vraiment  au delà de ce qu'elle sait-brillamment faire- et on cloture le livre en se disant que tout cela semble finalement un peu vain, malgré le tournant tragique pris par l'histoire.

Un beau roman, mais pas forcément une oeuvre incontournable de la rentrée, et pas sur que les prix littéraires de l'automne décident de le récompenser..

 3 Hiver à Sokcho; Elisa Shua Dusapin ( Folio)

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 " Le bruit de la plume s'est fait continu, lent comme une berceuse. Avant de m'endormir, j'ai essayé de retenir les images qu'il avait fait naitre en moi, de ne pas les oublier car je savais qu'elles auraient disparu quand je pénetrais dans la chambre le lendemain".

 Dans la lignée de L'éveil de Line Papin, sur lequel on avait longuement disserté  lors de la rentrée littéraire de septembre 2016 ( un article qui a été très lu, mais plus pour des raisons people que littéraire), cet Hiver à Shocko cultive quelques points communs avec L'éeil.

Comme Line Papin, l'auteur Elisa Shua Dusapin est très jeune - 24 ans-, son premier roman a été courronné d'un prix  prestigieux (le Prix Robert Walser), son intrigue se déroule en Asie où elle a également passé une partie de sa jeunesse, et il est aussi question d'un triangle amoureux.

 Le décor de ce roman est très singulier, cette ville de Sokcho située pile poil entre les deux corées, est une sorte de no man's land maritime  qui apporte énormément de mystère  et de puissance à ce court récit sentimental.

 

 Un récit qui voit se rapprocher une jeune coréenne  tenancière d'une pension de famille et un auteur de BD français en cruel manque d'inspiration.

 

 

 Choc des deux cultures,  apprentissage réciproque et mutuel, ce récit d'une beauté et d'une sensibilité singulière  parait à la fois doux et exalté, pour une trame simple en apparence mais qui revèle des trésors de délicatesse et de justesse.

 Comme pour l'Eveil , les médias ont fait le rapprochement avec Margerite Duras mais ici la comparaison semble plus adéquate, par cette même façon qu'avait l'auteur de l'Amant de sonder l'intimité  et les différences culturelles, tout en éllipses et en non dits.  La jeune romancière  Elisa Shua Dusapin voyage régulièrement , et encore maintenant , en Asie de l'Est , et on voit bien à travers la description des paysages qu'elle connait formidablement cette région et ce continent.

 Sans jamais  verser dans le sentimentalisme et la guimauve, cet "Hiver à Sokcho", enivrant et fin, est une des belles surprises  de cette rentrée littéraire en poche .

 A noter qu'un nouveau roman de l'auteur vient de paraitre en cette rentrée Les Billes du Pachinko

 

 jour4. Le jour d'avant, Sorj Chalandon ( Le Livre de poche)

 Je n'ai pas relu les 42 noms. Je les connaissais depuis ma jeunesse, appris par coeur comme les lettres de l'alphabet. Celui de Jojo n'était pas dans la pierre, rejeté par les Houillères et par la mémoire. Mort trop tard pour être des martyrs. Mort trop loin pour être célébré. Mort entre deux draps pas entre deux veines. Mort en malade de la ville, pas en victime du fond."

 L’auteur s’inspire d’un fait réel, une catastrophe ayant eu lieu dans le Nord de la France en 1974 : le 27 décembre, au petit matin, un coup de grisou tue 42 mineurs dans la mine de Lens-Liévin Ce.fait historique  a laissé une empreinte à jamais dans le coeur des familles endeuillées ou meurtries par les blessures des mineurs descendus à la fosse 3 bis ce 27 décembre et dans celui de l'auteur à l'époque des faits jeune journaliste à Libé qui rend donc 40 ans plus tard .justice à ces victimes qui n'ont pas reçu l'hommage et la reconnaissance nationale qu'ils auraient dû connaitre.

Si ce point de départ évoque forcément "Germinal" de Zola en version contemporaine , et que l'auteur nous parle bien avec justesse et précision  de l'histoire douloureuse d'une classe ouvrière meurtrie car sacrifiée pour le profit,  et portant ses blessures profondément incrustées dans sa chair, il est aussi question aussi largement d'autre chose dans ce jour d'avant.

En effet,  la plume de Chalandon n'aura de cesse de nous réserver de bien belles surprises et de rebondissements très forts et inattendus, qu'on ne dévoilera évidemment pour ne pas gacher la découverte pour tous ceux et toutes celles qui ne l'ont pas encore lu.

Disons simplement que ce formidable roman est plein,  comme souvent chez Chalandon  de ce  sentiment de culpabilité qui sert de fil rouge du récit :   ce Michel Flavent est un être perdu, animé par le vengeance et la réparation , mais qui est également terriblement dévasté par la douleur et le remords, et qui suit cette ligne directrice un peu ambivalente : "Aller au bout de l'irrationnel oblige parfois à se confronter à la raison."

Est ce que culpabilité et le désir de vengeance peuvent-ils cohabiter  ? Et jusqu’où la douleur de la perte d’un être cher peut-elle conduire ? : telles sont les profondes interrogations que posent cette oeuvre littéraire construite magistralement, comme un puzzle aux multiples rebondissements, dans lequel la vengeance, la culpabilité, la solitude et le mensonge en constituent les ingrédients phares .

Bref une histoire bouleversante, traversée par la tension et pleine de cette émotion qui nous  prend aux tripes et ne nous lache pas.

5.« Me voici"; Jonathan Safran Foer.( Points)

 mevoici

 "Le désir d'extraire quelques gouttes supplémentaires de bonheur détruisait presque toujours le bonheur qu'on avait la chance d'avoir, bien qu'on soit trop bête pour l'admettre."

« Me voici »  sorti l'an passé en grand format était très attendu par tous les fans de Jonathan Safran Foer. En quinze ans, Jonathan Safran Foer n’aura produit que trois romans " dont Tout est illuminé », ou le best seller sur le 11 septembre « Incroyablement fort et extrêmement près" complétés d’un essai  qui a fait pas mal de bruits sur la surconsommation de la viande animale.

 Ce pavé de 750 pages est un roman tragi comique qui est l'oeuvre d'un écrivain en crise, qui a traversé l’explosion de son couple et son divorce d’avec la romancière Nicole Krauss et on peut facilement retrouver dans le couple Julia-Jacob au bord de la rupture  une partie autobiographique évidente.

  "Eparpillés parmi les décombres, se trouvaient les fragments du  vitrail de son Présent juif, chaque tesson illuminé par la destruction."

  Les Bloch semblent constituer une  famille juive américaine typique et plutôt soudée jusqu’au jour où Sam, le fîls aîné âgé de 13 ans, est renvoyé du collège pour avoir écrit un chapelet d’injures racistes, et où Jacob, le père, est surpris en train d’échanger des textos pornographiques avec une inconnue, deux micro événements a priori, mais qui vont tout faire basculer dans la vie de Jacob.

 De ce roman fleuve qui sonde avec fougue les difficultés de la vie de couple,  mais aussi celles d'être père, d'être fils, et la relation au judaïsme dans notre société actuelle, on notera avant tout la qualité exceptionnelle des dialogues et la virtuosité de certains passages.

Une oeuvre très brilante,  traversée, on l'imagine par une vraie sincèrité, mais  qui a le défaut d'être parfois aussi agaçante, foutraque et boursouflée car elle donne l'impression de partir dans tous les sens, surtout dans sa seconde partie, un peu trop absurde et qui se teinte de géopolitique dont on a du mal à comprendre tous les tenants et aboutissants.

Bref,  une oeuvre aussi foisonnante que roborative qui pourra autant rendre béats d'admirations les uns qu'en laisser d'autre sur le bas côté.

 6. A la mesure de l'univers; Jon Kalman Stefansson ( Folio)

G00961 Ari jure en silence.

Il frappe à la porte.

C'est un commencement."

A baz'art on aime beaucoup l'univers de  Jón Kalman Stefánsson aussi intime que  lyrique et dense.


« A la mesure de l’univers » poursuit la chronique familiale débutée avec le sublime et flamboyant « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds ", qu'on avait découvert avec un immense plaisir en 2015.

ON y retrouve Ari où l'on avait quitté précédemment ,à la recherche de son passé entre Keflavik et le Norđfjörđur,et l'on
revoit Đorđur, Oddur,Margret,Gunnarson et les autres avec  des alternances entre passé et présent que  Jón Kalman Stefánsson maitrise avec un brio assumé.

En fait il n'y a que  deux solutions : vous connaissez les précédents ouvrages du romancier, « Entre ciel et terre » « La tristesse des anges » et « Le cœur de l’homme » et bien évidemment ce « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds » et vous êtes déjà en train de dévorer « A la mesure de l’univers" et cette chronique ne sert à rien, ou alors vous n’avez rien lu de ce grand auteur islandais et si c’est le cas fermez votre ordinateur courrez chez votre libraire préféré et plongez-vous sans tarder dans la prose ample et poétique de ce formidable romancier.

 Ici sans doute l’écriture y est plus apre que d'habitude et l'amplitude plus contenue,   mais on  y retrouve cependant la même ambiance et les mêmes personnages qui nous avaient tant séduit .

Jon Kalman Stefansson nous embarque toujours avec la même maitrise  dans l’histoire de son pays qu’il aime tant et qu'il nous fait tant aimer.

 

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