Rentrée littéraire spécial romans étrangers: La marcheuse, Dans la cage, une jeune fille perdue dans le siècle..
Après notre sélection de la semaine passée, plus marquée USA on vous propose une nouvelle revue de trois romans étrangers qui ont marqué cette rentrée littéraire mais on diversifie les horizons géographiques en allant du coté du Portugal, du Canada et de la Syrie :
1. Dans la cage; Kevin Hardcastle (Albin Michel)
Si l’histoire n’est pas très originale, il faut reconnaitre que Kevin Hardcastel a le sens du rythme et un sacré souffle qu’il tient la distance. Petit polar efficace et bien écrit.
2. Une jeune fille perdue dans le siècle à la recherche de son père; Gonçalo M. Tavares ( Edition Viviane Hamy)
« Objectivement, les personnes qui souriaient étaient beaucoup plus nombreuses lorsqu’elles étaient proches de nous. On aurait pu croire à un pur hasard, qu’il se trouvait simplement que les gens les plus éloignés étaient juste plus neutres ou plus malheureux, mais en réalité Hanna semblait avoir un truc, sans en être consciente, pour faire apparaitre des expressions bienveillantes.
Presque, immanquablement, les gens que l’on croisait laissaient tomber quelque chose qui, une poignée de seconde plus tôt, verrouillait leur visage et, renonçant à toute attitude défensive, souriaient, tendrement, ouvertement, soit à Hanna, soit à moi, soit à nous deux. »
Impossible de savoir où nous sommes et à quelle époque. Que s’est-il passé pour que Marius fuit sa vie, on ne le saura pas non plus.
En tout cas, si c’était simplement une envie de liberté, elle est vite entravée par Hanna, une jeune fille trisomique qui attire son attention.
Une jeune handicapée dans ce monde troublé ne peut rester seule. Hanna a besoin d’aide et Marius en la prenant sous son aile va regarder le monde différemment et chaque rencontre va ouvrir une porte et laisser s’engouffrer un vent de liberté.
Fable initiatique, errance philosophique, conte féérique pré ou post apocalyptique, cauchemar éveillé, rêve de désirs enfouis, récit gothique, à travers le miroir du XX è siècle partons avec Marius et Hanna à la rencontre des hommes-mémoire.
Oublions tout ce que nous avons lu, refusons nos certitudes, bousculons nos habitudes et laissons-nous emporter par la prose hypnotique de Gonçalo M. Tavares. « Une jeune fille perdue dans le siècle à la recherche de son père » est un livre étrange, envoutant et Oulipien en diable.
3. La marcheuse, Samar Yazbek ( Stock)
"Le fait de me retrouver à la bibliothèque de l’école a bouleversé mon existence. J’y suis restée à partir de l’âge de cinq ans, avant même de savoir former les lettres de l’alphabet. Je n’arrêtais pas de marcher, tournant et tournant encore dans la pièce, sans quitter des yeux la bibliothécaire."
Samar Yasbek est une roomancière syrienne réfugiée en France depuis quelques années pour sa lutte contre les extremistes qui a participe dès 2011 aux manifestations contre le régime de Bachar Al-Assad.
Après "les portes du néant "qui a connu un beau succès en 2016, Samar nous livre un beau roman empreint de conte oriental, autour d'une petite fille qui perd l'usage de la langue dans l'enfer de la Syrie.
"Tu peux imaginer, cher lecteur, les odeurs étranges qui pouvaient s’exhaler du bus. Pour m’exprimer correctement, je devrais plutôt parler d’autobus ou d’autocar, mais ce sont des mots que je n’aime pas."
La marcheuse, c'est un peu comme si le Petit Prince et Alice au Pays des Merveilles rencontraient une petite fille plongée dans l'horreur de la guerre en Syrie.
A noter que l'auteure dédie ce vibrant récit à l'avocate Razan Zaitouneh enlevée dans la banlieue de Damasdont l'histoire racontée par Justine Augier dans le très beau livre de l'ardeur .
Centré autour d'une jeune héroïne qui ne peut s'arrêter de marcher et qui a perdu la faculté de parler, "la marcheuse" est un flamboyant récit de la guerre en Syrie porté par le souffle de l’espoir mais aussi celui hélas de la violence.