King Kong Théorie au Théâtre de l'Atelier : du Despentes qui dépote
Whaouh. Quel show ! Le trio de femmes qui sévit en ce moment au Théâtre de l'Atelier dans une adaptation du King Kong Théorie de Virginie Despentes, dépote.
N'étant pas une fan absolue de la plume souvent trash de Virginie Despentes, j'étais curieuse de voir ce qu'une mise en scène de son travail pouvait donner. Et j'en ai pris plein la figure. En 1h15, on en aura vu, entendu, senti, des choses. On en aura pris des claques. On nous en aura asséné des coups de fouets.
Dans cette mise en scène, le trash est là, bel et bien là, mais comme un moyen et non une fin, c'est un outil de dénonciation, c'est un poing que l'on brandit, c'est une voix que l'on hausse pour être entendu.
Cette adaptation interroge sur ce qu'est le féminisme : est-ce l'émancipation de la femme sur l'homme ? La conquête de l'égalité des sexes ? La volonté de sortir de carcans devenus "normaux" ? Être féministe, pour Virginie Despentes, c'est aussi s'assumer en tant que femme, revendiquer sa place dans la société, sa liberté, comme celle, de parler et d'user de son corps sans en rougir, sans la crainte de se faire traiter de putain, de salope, de traînée.
La mise en scène de Vanessa Larré rend hommage au texte de Virginie Despentes, à son histoire personnelle, et nous bluffe par son originalité : vous en verrez des scènes qui vous feront penser à du cabaret sexy avec ce rouge et ce noir dominants, avec des Barbie chevauchant des Ken, des essayages de bas-résille et de gode-ceintures, de déguisements de singe, des tournages de scènes en live projetées sur le mur, puis orientées vers le quatrième mur qu'elles abbattent d'un seul coup de caméra en s'adressant directement à nous et en nous mettant face à nos contradictions.
Vous en entendrez des mots qui pourront vous mettre mal à l'aise, vous choquer, vous gêner, des mots comme "viol", "pornographie" ou "masturbation."
Les trois comédiennes Anne Azoulay (actuellement à l'affiche de la nouvelle saison du Bureau des légendes), Marie Denarnaud et Valérie de Dietrich sont sublimes de sensualité, d'audace, de prestance. Leur manière de dire des choses crues mais jamais vulgaires, des choses que l'on préfère taire parce qu'elles touchent trop à l'intime, m'a sidéré.
On a un mal fou à se dire que ce texte a été écrit en 2006, tellement il résonne encore aujourd'hui, dans cette époque où le #MeToo se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux et s'épanche dans la nouvelle littérature, où les cas de harcèlement sexuel sont légion, dans cette société où le machisme et le sexisme sont rentrés dans les moeurs. Alors, on peut se demander, quand est-ce que tout ça va changer ?
Devant un spectacle aussi dense, aussi jouissif, aussi puissant, on a bon espoir de se dire qu'avec des mots, des gestes, des symboles, on peut continuer à la mener, la rébellion féministe.
King Kong Théorie, au Théâtre de l'Atelier, 1 Place Charles Dullin, 75018 PARIS