Nos vies formidables (critique) : un très beau film qui nous rend accro
Après "La Prière" de Cédric Kahn et "La fête est finie "de Marie Garel Weicz (voir critique), le cinéma français continue d'arpenter les rives de l'addiction, en prenant l'angle de la désintoxication.
Dans "Nos vies formidables", qui sort ce 6 mars, la réalisatrice Fabienne Godet (qui avait déçu avec son dernier long métrage, Une place sur la terre) revient à un cinéma moins mainstream et calibré et donc plus audacieux.
Son scénario suit plusieurs personnes, qui ont entre 18 et 50 ans et qui se retrouvent tous dans le même centre de soins, un peu isolé de tout, afin d' apprendre à vivre ensemble et à lutter contre les affres de la dépendance.
Si le scénario de "Nos vies formidables" n'élude a priori pas vraiment les passages obligés de ces oeuvres sur la drogue ; des crises de manques qui entrainent une souffrance terrible à la parole comme vertu libératrice, la façon singulière dont Fabienne Godet a monté le projet force l'admiration..
.En entrainant toute son équipe- comédiens et techniciens- un mois avant le tournage dans le lieu même ou aura lieu le film, la cinéaste va mettre en place un processus créatif où tout le monde a été associé, et où chaque échange nourrit un scénario qui se construisait un peu au gré des différentes improvisations et interactions..
Ce mode de tournage plutôt étonnant insuffle un vrai sentiment de liberté au film, qui donne une bonne part d'imprévu, un peu comme un documentaire..
En effet, si tous les comédiens sont professionnels, à part le thérapeute, Régis Ribes qui joue son propre rôle dans le film et qui ne connaissait pas du tout le scénario et les pathologies des personnages avant de commencer le film, ce procédé donne au film un élan de vérité assez incroyable, et donne à la notion de solidarité, qui imprime tout le film, tout son sens.
Certes, le film suit surtout un personnage Margot- exceptionnelle Julie Moulier, également co scénariste du film- , que l'on découvre au début du film comme nouvelle pensionnaire et dont chaque journée au centre ponctue une nouvelle scène.
Cependant, "Nos Vies formidables est avant tout un film de troupe puisque chacun des personnages du centre- Margot, mais aussi Léo, Salomé, Sonia, Dylan, Jalil, César, Daniel va pourvoir s'exprimer, souvent lors de réunions de groupe face au thérapeute sur ses souffrances, ses manques, ses espoirs, ses secrets...
Cette plongée dans l'univers du sevrage est aussi sombre que légère au gré des hauts et des bas de ces écorchés vifs, qui ont besoin les uns des autres pour tenter de sortir la tête sous l'eau...
Margot, complètement fermée à son arrivée, comprendra que pour se libérer de ses démons, elle devra apprendre à écouter les autres et s'écouter soi également..
Comme pour le récent Grâce à dieu, le long métrage de Florence Godet loue les vertus de la libération de la parole et du sens du collectif pour s'en sortir individuellement... un sens du collectif formidablement mis en avant par des prestations de comédiens totalement habités.et venus d'univers différent ( on y retruve un ancien comédien des Deschien, ou un membre du groupe " la rue ketanou" ..
S'il est difficile de dégager du lot un comédien plus qu'un autre, relevons cependant la performance de Cédric Maruani, dont c'est le premier long métrage, et qui donne à Jalil énormément de chaleur et d'humanité...
Si le film manque sans doute un peu de densité romanesque et patit parfois de son parti pris en huis clos ( comparé au chef d'oeuvre de Cédric Kahn qui se permettait des envolées dans la montagne) "Nos vies formidables" n'en demeure pas moins une oeuvre précieuse et importante, par ce qu'elle dit sur la beauté de l'âme humaine et la capacité de résilience qu'on a tous ancré au plus profond de nous...
Nos vies formidables, sortie le 6 mars
Film vu dans le cadre des avant première des Cinémas Lumière à Lyon