Baz'art  : Des films, des livres...
17 juillet 2019

Festival Avignon OFF #Jour2 : Bérenice 34-44" et Marx et la Poupée : de superbes portraits de femmes

Et hop,  voici ,  à peine 48 heures après le premier, le compte rendu de mon deuxième jour au Festival d'Avignon placé sous le signe de l'émotion et des très beaux portraits féminins ... 

1/ Bérénice 34-44 : Le bouleversant destin d'une comédienne juive pendant la Seconde Guerre Mondiale

Bérénice

Comme le titre de la pièce le laisse présager, nous allons suivre, de 1934 à 1944, l'héroïne, Bérénice Kapelouchnik, une jeune femme juive qui réalise son rêve d'épouser le théâtre, en rejoignant le Conservatoire, puis la Comédie Française. Un prénom tout trouvé pour une future tragédienne.
Adapté par la comédienne Violette Erhart elle-même et mis en scène par Pierre-Olivier Scotto, le premier roman d'Isabelle Stibbe paru aux éditions Serge Safran en 2013, nous fait entrevoir le destin du Français pendant la Seconde Guerre Mondiale, à travers le portrait de cette femme prête à tout pour vivre sa passion : rompre avec sa famille, et surtout avec son père pour qui le métier de comédienne est tout sauf respectacle, à renier son propre nom pour prendre celui d'une comédienne qu'elle admire et qui la prendra sous son aile - ce qui lui vaudra d'échapper un temps à la persécution -, sa religion, en se faisant passer pour une non-juive, et même, pour une aryenne, avant d'être dénoncée et contrainte de partir. 

Violette Erhart m'a totalement convaincue : elle est, selon moi, totalement habitée par le personnage de Bérénice, par ses émotions, ses contradictions. Dans ce seule-en-scène où elle joue tous les protagonistes de cette tragédie, elle arrive à donner à chacun une couleur, sans forcer le trait. Elle parvient même à créer des moments de légereté à travers ses interprétations de prétentieuses comédiennes du Français, de ses parents dotés d'un accent yiddish à couper au couteau, tous deux campés dans leurs traditions et leur volonté farouche de les respecter.

L'efficace mise en scène signée Pierre-Olivier Scotto nous permet de nous plonger tout à fait dans l'atmosphère lourde qui régnait à cette période. Grâce à de sommaires éléments qui ne quitteront jamais la scène au cours de la progression de la narration, matérialisant les époques que Bérénice traverse et traversera, le décor est planté : une machine à coudre et un mètre autour du cou de la comédienne pour son adolescence dans l'atelier de couture de son père ; un simple paravent pour ses années d'étude au Conservatoire où elle chantera (très joliment) dans un cabaret ; une table à maquillage bientôt recouverte du drapeau nazi pour ses années de Sociétaire au Français. Les musiques yiddish et les morceaux de violon contribuent à ajouter à la beauté et à la tension de certaines scènes. 

À noter que cette pièce est éligible aux P'tits Molière Avignon 2019 et que l'interprétation de Violette Erhart doit y être pour beaucoup, on souhaite à la compagnie du Belvédère tout le succès possible !

 2/ Marx et la poupée : mon plus grand coup de coeur du OFF !

Sacré Goncourt du Premier Roman en 2017 et récompensé notamment du Prix Ouest-France Étonnants Voyageurs la même année, Marx et la poupée de Maryam Madjidi a eu un tel succès qu'il a été traduit en douze langues. Et en treize, voire en quatorze, à présent, dans le cadre d'une magnifique adaptation qui se joue en ce moment, à l'Artéphile, en langue des signes et en musique. 

marx

À travers une mise en scène sobre signée Raphaël France Kullmann, l'histoire de l'auteure prend vie sous nos yeux, incarnée par trois jeunes femmes vêtues de noir qui vont, chacune à leur tour, composer une partition, nous transmettre cet émouvant récit dans un certain langage, nous le restituer à leur façon. Il y a d'abord celle des mots, entonnés par Elsa Rozenknop, ceux écrits par Maryam qui, n'ayant pas la patience d'attendre d'être sortie du ventre de sa ventre pour s'exprimer, nous parle sans discontinuer des premières heures de la révolution iranienne.

Puis de son départ précipité de Téhéran à l'âge de six ans, de son exil à Paris avec sa mère pour rejoindre son père. De son enfance dans ce pays totalement étranger au sien, de cette langue si différente de la sienne qui restera pendant longtemps un mur auquel ses mots se heurteront violemment. Et enfin, de son retour au pays natal, des retrouvailles avec sa famille, de sa rencontre avec cet homme dont la peau abîmée lui fait penser à l'Iran.

Il y a ensuite la langue des signes, des mots traduits en direct par Aude Jarry, interprète français/langue des signes française (LSF) qui s'attèle pour la première fois à l'exercice d'une adaptation littéraire. Et il y a enfin, celle de la musique, des sons, qu'illustre la guitare électrique de Clotilde Lebrun.  

J'ai été tellement émue par le récit de cette petite fille irrésistiblement attachante, sa drôlerie, sa sensibilité à capter les bizarreries de ce nouveau monde qui l'entoure, que je m'y suis attachée avec force, ai été prise de l'envie de la suivre partout dans ses aventures, dans la poursuite de sa vie. J'ai été bouleversée par ce sublime hommage au langage que nous offre ce spectacle.

Je ne saurais assez vous recommander, vous conseiller ardemment, vous sommer, vous supplier, taper des pieds pour être entendue et lue, d'y courir, à ce petit théâtre. D'aller applaudir ces trois comédiennes qui vont vous toucher, chacune à leur manière.

Vous ne le regretterez pas. 

Tous les jours à l'Artéphile, à 11h45, sauf le 21 juillet au 5 bis, rue Bourg Neuf

 

 

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