En VOD /Thalasso de Guillaume Nicloux : L'âme de fond
5 ans après son enlèvement (L'Enlèvement de Michel Houellebecq du même Guillaume Nicloux, sorti en 2014) Michel Houellebecq en a toujours aussi gros, d'autant plus que sa femme lui offre une semaine de cure en thalasso à Cabourg.
Placé en formule diététique, eau plate et légumes à tous les repas, avec interdiction de fumer, l'auteur des Particules élémentaires enchaîne les séances de tortures censées le régénérer. Lors d'une pause clope clandestine, Houellebecq tombe sur Depardieu. Heureux hasard qui va sauver son séjour en le faisant passer à la formule éthylique.
Harcelés par des admirateurs sans gênes et les employés psychorigides de l'hôtel, broyés par les mains des masseurs, les deux compères se réfugient dans leurs chambres pour discuter Talmud, sexe et résurrection des corps. Grâce à ces conversations généreusement arrosées, Michel revit. Des corps, il n'est question que de cela dans le film. Refroidis, trempés, badigeonnés, ceux de ces Laurel et Hardy en peignoir immaculé refusent de se soumettent à la norme. On les voudrait fermes et toniques.
Celui de Michel est gris et malingre, celui de Gérard, rond et rosé. Le contraste est total entre les deux, y compris quant à leurs caractères : à l'amplitude bourrue de Depardieu répond le détachement spleenétique de Houellebecq.
Différents, les deux s'entendent néanmoins sur une même idée du plaisir, déraisonnable. Les cheveux tombent, les dents se déchaussent, les cœurs lâchent. Ces corps, marqués par les excès et la vieillesse, ont la forme d'un défi lancé à l'étouffante mesure prônée dans l'établissement, symbole de nos sociétés aseptisées.
Nos enveloppes périssables et hideuses abritent néanmoins une âme qui seule est digne d'intérêt et de soins. Au fil des discussions entre Michel et Gérard, vite rejoints par les anciens ravisseurs du premier, se dessine une transcendance qui prend de multiples formes : le vin, la religion, la superstition, une idylle amoureuse à 80 ans ou l'art, autant de moyen d'échapper à la péremption de nos corps dont la conservation, sans cesse repoussée, n'est de toute façon qu'illusoire.
La charge anar de Nicloux contre un diktat de la surface forcément superficiel épouse parfaitement les personnalités de Houellebecq et Depardieu, dont la rencontre est aussi drôle qu'émouvante.
La résistance de ces deux vieux, menée nonchalamment à coup de rouge et de cigarettes, est véritablement jouissive.
Si la vieillesse est un naufrage, autant danser sur le pont.
THALASSO - Bande Annonce