Sortie DVD : Hauts Perchés Critique et Extrait d'entretiens avec les cinéastes
Hier, le 17 décembre 2019 est sorti chez Epicentre films le DVD du film Haut Perchés réalisé par Olivier Ducastel et Jacques Martineau
Olivier Ducastel et Jacques Martineau aiment les projets singuliers et particulièrement casse gueules.
Vingt-et-un ans après Jeanne et le garçon formidable, et deux ans après leur dernier long métrage Théo et Hugo dans le même Bateau, belle déambulation nocturne dans Paris (et qui avait marqué les esprits par son très long plan séquence inaugural dans un background), le duo continue d'oeuvrer et de proposer un cinéma un peu à la marge de la production standartisée et officielle .
A l'instar de Théo et Hugo, Haut Perchés, est proche du film concept centré autour d'une unité de temps et de plusieurs dispositifs forts : filmer toute l'intrigue dans un seul lieu, ici , un appartement parisien (celui d’Olivier Ducastel) qui voient réunir 5 personnages, 4 hommes et une femme, a priori assez dissemblables .
Quatre hommes et une femme qui possèdent un point commun, celui d’avoir été la victime d’un seul homme, un pervers narcissique qui s’est joué d’eux et dont ils veulent se venger.
Ce pervers narcissique (qui ne sera jamais vraiment cité comme tel, mais qui en porte cependant toutes les stigmates) est enfermé dans la chambre de l'appartement, visiblement, séquestré et ligoté, mais on ne saura jamais vraiment les mystères qui entourent cette chambre, toutes les scènes se déroulant dans cette pièce étant filmées hors champs.
En fait, seul importent les confessions des victimes , dans un film très inspiré à la fois du cinéma de Fassbinder, mais encore plus certainement du théâtre de Jean-Luc Lagarce ( que Dolan avait adapté avec " Jusque la fin du monde») où le verbe prime largement sur l'action.
Chacun à tour de rôle, les cinq personnages du film vont raconter leurs souffrances respectives, et les confidences de ces cinq protagonistes paprviennent souvent à émouvoir, tant les réalisateurs montrent bien à quel point les marques indélébiles que le bourreau a imprimé en chacun d'entre eux sont prégnantes, même pour ceux qui semblent en avoir été victime il y a longtemps.
On sent dans ces scènes de dialogues, parfois anodines, parfois très intimes, à quel point l'amour et la duperie peuvent parfois se mélanger, et combien on peut être vulnérables lorsqu'on est sous le joug de l'être aimé, le texte des deux auteurs/ réalisateur touche la plupart du temps par sa justesse et sa pertinence
Si le récit peut donner l'impression de tourner un peu en rond à mi parcours et que les prestations des comédiens sont assez inégales (on retiendra surtout celle de l'inconnue Manika Auxire et de Françiois Nambot déjà présent dans Hugo et Théo, ce "Hauts Perchés" intéresse et force le respect par sa maitrise et son ambition.
HAUT PERCHÉS - Bande Annonce
BONUS Rencontre avec Olivier Ducastel et Jacques Martineau
Rencontre avec les comédiens
Galerie photos
Bio-filmographie des réalisateurs
Film-annonce
Olivier Ducastel et Jacques Martineau, nous avons eu la chance de les rencontrer sur Lyon lors de leur sortie et il nous ont à leur tour dévoilé quelques confidences sur le film et sa fabrication assez singulière :
Baz'art: Ma première question est pour Olivier, j'ai cru comprendre que le film a été tourné dans votre propre appartement et qu'il puise sa source dans des histoires qui vous sont très personnelles. Comment Jacques a t- il pu trouver sa place dans ce projet qui vous est si intime ?
Olivier Ducastel : Oh je pense que Jacques a facilement trouvé sa place (NDLR: Jacques opine du chef à côté)!
Il faut dire qu'il a désormais l'habitude,cela fait pas loin de 25 ans qu'on travaille ensemble (sourires) et je crois c'est souvent comme cela qu'on fonctionne même si on ne dévoilera pas nos secrets de fabrication, désolé (rires).
En effet, à l'origine j'avais très envie d'utiliser mon appartement comme décor principal car je trouve que c'est un lieu très cinématographique, avec des néons lumineux et un espace ouvert, un endroit à la fois chaleureux et en même temps assez anxiogène, où il était possible de tourner quelque chose dedans et Jacques a rapidement validé l'idée.
Par ailleurs, j'ai eu en effet cette idée d’essayer d’utiliser certaines expériences personnelles récentes que j’ai pu avoir avec des garçons manipulateurs et narcissiques.
Pour rentrer dans les détails de l'histoire, disons que j'ai rencontré coup sur coup trois garçons manipulateurs.
Il faut croire qu' à 50 ans passés, naïvement, je me suis un peu comporté comme un ado qui ne se rend pas compte qu’il est en train de se faire manipuler.
J'avais d'abord l'envie de raconter comme un garçon passe d'un pervers à un autre sans s'en rendre compte, j'en ai rapidement parlé à Jacques.
On a eu ensemble cette idée de faire en sorte que ce soit cinq personnes qui ont été en contact avec le même pervers et qui, du coup, se rencontrent, font connaissance par l’intermédiaire de cette personne, cela nous a semblé apporter une richesse plus cinématographique à cette idée de départ et surtout moins centré sur ma petite personne ( rires) .
Baz'art: Et le titre "Hauts perchés", qui en a eu l'idée et surtout comment on peut l'interpréter ?
Jacques Martineau :Je ne sais plus qui exactement en est à l'origine , mais au départ les titres qu'on avait était plus gratinés, plus ciblés LGBT on va dire ( sourire) ...
Disons que ce titre possède une double lecture :forcément se passe au 28ème étage,l'appartement où se situe le film se trouve au 28e étage, donc très haut, cinq individus haut perchés réunis pour une soirée macabre.
Evidemment, le titre du film renseigne aussi sur l'état des personnages, de ces sentiments intenses qui traversent tous les personnages, ces personnes ont quand même eu un plan un peu tordu, et donnent l'impression d'être un peu en haut des cimes -( sourires) .
Baz'art: Votre film parle de "pervers narcissiques"; sujet maronnier des magazines féminins, pourquoi avoir eu envie de traiter de ce sujet, mais sans en même temps ne jamais vraiment utiliser ce terme et surtout sans jamais filmer le pervers narcissique en question?
Jacques Martineau : Vous savez, quand on fait un film, c'est avant tout pour se poser des questions; questions diverses et variées qui peuvent se poser sur le cinéma, sur le monde, sur ses personnages..Forcément, si on raconte cette histoire, cela ne nous intéresse pas de filmer le pervers , il est bien plus préférable de se concentrer sur celles et ceux qui ont été confrontés à sa perversion et qui vont, par le biais de la parole et de la rencontre, tenter d’avancer.
Après comme vous le signalez, ce sujet a été tant de fois traité par une presse assez futile.
Ce sont eux qui ont inventé ce terme de "pervers narcissique", un terme qui n'existe pas en terme de science ou de psychologie ; on est soit pervers soit narcissiques.
Nous avons ainsi trouvé plus judicieux de l'aborder sous l'angle des victimes, cela permettait aussi de nous affranchir de ce terme "pervers narcissiques; pour parler du personnage qui est dans la chambre interdite du film.
Olivier Ducastel : Pas un instant, on a vraiment songé à accorder plus d’importance au rôle du manipulateur.
On imagine sans moi ce que cela peut avoir de frustrant pour le spectateur de ne jamais voir ce qui se déroule dans cette chambre et de ne jamais matérialiser cette figure du mal, mais c'était vraiment un principle de base auquel il ne fallait jamais déroger.
« Haut perchés » doit agit sur le spectateur tel un miroir de ses propres fantasmes et ses propres paranoias : si on lui donne trop de clés pour y répondre, on cadenasse trop son imaginaire et on rate notre coup.
Baz'art: Est-ce qu'on peut dire que « Haut perchés » est conçu comme une sorte de réponse à « Théo & Hugo dans le même bateau », notamment dans la manière très chaste dans la façon dont vous montrer ces corps, qui tranche forcément avec cette scène de sexe explicite de vingt minutes du précédent qui avait tant défrayé la chronique? ,
Jacques Martineau : C’est vrai qu’au fond de nous-même,on peut dire qu'on a un côté mauvaise tête, on nous l'a reproché parfois.
Cette fois, on a pris un malin plaisir à ne rien montrer.On s’est presque interdit tout contact physique entre les personnages.
Le personnage de François annonce même la couleur" cela ne se finira pas en partouze", on y tenait à cette phrase, car on sait que dans un bon huis clos, soit on s’entretue, soit tout le monde finit par baiser, et on tenait totalement à déjouer ces attentes là ..
Olivier Ducastel : Pour rajouter un mot là dessus, disons que ce qui nous interessait avant tout dans ce film, c'était comment avant tout on peut représenter le fantasme, sans qu'il ne perde de sa force du réel.
Il y a deux pendants du fantasme : quelque chose de 'sale' et qui peut déranger quand on en parle, et quelque chose dans l'acte même.
Or, le cinéma ce n'est pas de l'acte, c'est de la représentation, et c'était là dessus que tout le film devait se jouer, d'où notre parti pris de ne rien montrer.
Pour retrouver l'intégralité de l'interview cela se passe ici ...