Théâtre : Zai Zai Zai , l'humour au bazooka de FabCaro passe très bien la rampe de la scène!
Bien qu'il s'exerce à la BD depuis plusieurs décennies Fabrice Caro, dit Fabcaro, est connu au delà du cercle des initiés depuis le triomphe, il y a quelques années de sa BD, "Zaï Zaï Zaï Zaï" avec à la clé plus de 250.000 exemplaires vendus ( excusez du peu) et une adaptation théatrale triomphale qu'on peut retrouver actuellement au Théâtre des Celestins de Lyon.
Après le succès de cette bande-dessinée "Zaï Zaï Zaï Zaï" de Fabcaro, Paul Moulin et Maïa Sandoz ont décidé d'en livrer une adaptation en forme de fiction radiophonique aussi périlleuse que réussie .
Alignés en rang d’oignon derrière une table longiligne, huit comédiens, dont deux semblent plus particulièrement responsables des bruitages, sont chargés d' interprèter les 52 rôles de cette BD chorale aussi virevoltante que barrée.
"Au revoir Sophie. C’est fou comme la vie est un long chemin d’où partent plusieurs petits chemins et suivant le chemin qu’on prend, on va ailleurs que là où on serait allé si on avait pris l’autre chemin, tu trouves pas? »
Petit rappel de l'histoire : la vie de Fabrice bascule totalement quand il se rend compte qu'il a oublié sa carte de fidélité à la caisse d'un supermarché...
Une dystopie, certes mais pas si éloignée de la réalité, où ce qui semble a priori un délit plus que bénin peut vite, sous le joug de la vox populi, devenir le crime le plus abject condamné par la société dans son ensemble.
Les ingrédients de la BD - cynisme incisif, absurde poussé à l’extrême, des dialogues-logorrhées qui détournent les expressions et se nourrissent de poncifs qui, mis bout à bout servent un décalage grincant particulièrement joussif- se retrouvent parfaitement sur les planches .
L’histoire est inténsement burlesque, certes, mais dôté d'une seconde lecture politique et sociale très prégnante.
Les thématiques de la BD : la solitude, le sentiment d'être à l'écart de la société, une paranoïa larvée, et évidemment un humour corrosif totalement salvateur qui permet de faire largement passer la vision un poil nihiliste et désenchantée ( mais en même temps assez juste, reconnaissons le) du monde de Fabcaro sont parfaitement mises en valeur par la pièce de tout juste 50 minutes.
Au diable la bienséance, ici, on tire à boulet rouges sur scène sur les policiers, les adolescents, les artistes bien pensants, les théoriciens du complot, les journalistes, les hommes politiques, le tout dans une indifférence crasse et un dégommage au bazooka en règle .
Les comédiens sont alignés derrière des tables sur lesquelles sont posés des micros et divers accessoires. Ce dispositif avant tout sonore qui fait travailler l’imaginaire du spectateur en suggérant des décors, des intérieurs, des extérieurs et leur permet d’être aussi libre qu’un dessinateur.
De façon réaliste et légère, en s’inspirant des traits minimalistes de Fabcaro dans lequel les postures comptent plus que les visages Paul Moulin et son équipe fait revivre de façon très convaincante l’univers ravageur de Zaï Zaï Zaï Zaï, qui n’épargne personne.
Une véritable prouesse pour un spectacle survitaminé, à voir en cette fin d'année aux céléstins.
ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ
D’après la bande dessinée de Fabcaro
Mise en scène Paul Moulin
Adaptation Maïa Sandoz
Avec Aymeric Demarigny, Ariane Bégoin Emmanuel Noblet, Aurélie Verillon, Maxime Coggio, Élisa Bourreau, Christophe Danvin et Cyrille Labbé
Avec la voix de Serge Biavan
Régie son Jean-François Domingues / Samuel Mazzoti
Création sonore Christophe Danvin
18- 29 déc. 2019 HORAIRES 19h – dim. : 16h mer. 25 : 16h Relâches : lun. 23 et mar. 24 DURÉE 50 min.
Toujours au niveau de l'univers absurde et cinglant de Fabcaro, quelques mots sur sa nouvelle BD Formica – Une tragédie en trois actes – publié récemment aux éditions six pieds sous terre, qui fonctionne sacrément bien.
Le point de départ rappelle le repas de famille auquel est forcé d’assister Adrien dans Le discours, grand roman de Fabcaro mais les similitudes s’arrêtent là, Fabcaro étant dans ses BD toujours plus trash et radical que dans ses romans, où sa veine sentimentale est plus présente .
Une lecture cathartique à souhait, à lire avant un repas de famille, et pourquoi pas un repas du 24 décembre histoire de mettre tout le monde d'accord?