" Clint et moi » quand Eric rencontre (Dirty) Harry..
" Il entre et il est grand. Peut-être immense. Je l'attends depuis quelques minutes dans la suite d'un grand hôtel parisien pour un entretien en tête-à-tête. Je l'attends aussi depuis des années. Clint et moi, c'est une longue histoire dont il n'a même pas conscience. »
On aime bien le critique de cinéma Eric Libiot, qu'on a pu apprécier aussi bien dans la revue spécialisée Première ou plus récemment dans l'Express où il était le responsable du service culturel.
On avait noté la plume plutôt bien trempée, adepte de l’humour et de la formule choc, tranchant avec la discrétion de l'homme qu'on a pu voir sur une ou deux émissions de TV.
On savait qu'il aimait particulièrement le cinéma américain , mais pas forcément qu'il voulait un culte à l'immense Clint Eastwood. ce qu'on découvre dans « Clint et moi », le tendre et émouvant récit littéraire , sorte de déclaration d'amour cinéphilique de 200 pages sorti pour cette rentrée littéraire.
L'écriture de cette déclaration d'admiration est l'occasion pour le journaliste de revoir chaque film de Clint et de faire le point sur la filmographie.
On y ressent alors au fil des pages son immense fascination et son affection pour l’acteur et réalisateur , l'artiste presque autant que l'homme et même si on n'est pas obligés de la partager à 100 ( on a un peu de mal avec les derniers films du grand clint et ses prises de position politique) on ne peut que louer le sens du portrait et de la dévotion de M Libiot.
Clint a quasiment toujours fait partie de la vie du critique de cinéma, et de " UN monde parfait" qu'il considère comme son préféré, à Sur la route de Madison », , « Bird », « Impitoyable », American Sniper, Eric fait une analyse détaillée et clairvoyante du cinéma de Clint Eastwood
Surtout il prend bien soin de battre en brèche l'image de cinéaste ultra patriote , ultra républicain fou d'armes à feu et incarnant une virilité à l'ancienne un peu dépassée et qu'il a eu tendance à véhiuler avec ses premiers roles notamment dans l'inspecteur Harry
Pour Libiot, , Clint est bien plus que l'image qu'il donne, loin du nationaliste borné , et surtout il constitue à ses yeux une des rares légende d Hollywood encore vivante, une sorte d'icone reconnaissable entre mille.
" Nous nous serrons la main et Clint me demande 5 minutes pour téléphoner. Cent ans ne seraient pas trop longs, faites comme chez vous, de toute manière vous y êtes.Je l'entends bientôt raccrocher avant qu'il ne m'appelle. Que mon prénom est doux lancé par cette voix reconnaissable entre mille, qui s'étire dans un souffle éraillé à la fois émouvante et gentiment injonctive.... Hé, ho, on se calme et on se reprend, merci. J'entre dans la pièce, il m'indique le canapé, se lève de son fauteuil et descend les persiennes. Le bureau est plongé dans une semi-obscurité. C'est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup : c'est exactement dans cette lumière, ou pénombre, que Clint filme les plans qu'il affectionne. Là, oui, il y a de quoi rêver."
Libiot a rencontré Clint Eastwood plusieurs fois, la première pour Minuit dans le jardin du bien et du mal, la dernière pour American Sniper et pour qui ont déjà réalisé des interviews de grands noms du cinéma, la decsription touche par sa justesse et son a propos et ne font que dresser un portrait tout en nuances du réalisateur d'iMPITOYABLE.
Mais bien plus encore qu'une simple et belle ode au grand Clint, "Clint et moi" est aussi et surtout un portrait en creux de Libiot lui même, de ce jeune brestois un peu timide un peu banal comme il aime à se décrire, qui va être atteint par une maladie incurable, la cinéphilile qui va lui changer la vie à jamais .
Et la fin du livre où il dévoile la ressemblance entre son père récemment décédé et le grand Clint parachève le bien fondé de ce récit et donne une vraie émotion à ce livre qui donne envie de foncer au cinéma, masqué ou non masqué pour voir les films de Clint et tous les autres aussi !!
" La cinéphilie est un drôle de truc. Un pays sans frontières que chacun habite seul et qu'il est possible d'arranger à sa guise : y faire pousser des plantes ou des montagnes, y construire des villes, des ponts ou des maisons habitées selon les saisons et les envies, les goûts et les couleurs. »
Clint et moi, Eric Libiot, JC Lattès, aout 2020, 19 €