Rentrée littéraire 2020 : Térébenthine : Carole Fives possède l'art...et la matière!!
"Lucie hausse les épaules : « Je ne vous comprends pas tous les deux, comment pouvez-vous continuer à peindre de façon si épidermique ! Comme si Duchamp n’était pas passé par là ! Plus personne ne peint depuis des siècles et vous vous obstinez ! C’est fini la peinture, mes potes, c’est mort ! »
Contrairement à la grande majorité de la presse qui avait été emballé, et malgré un sujet assez inattaquable sur le fond, nous n'avions pas été très convaincus par "Tenir jusqu'à l'aube", le précédent roman de Carole Fives sur le sujet des mères célibataires dans des situations très précaires.
Notre chroniqueur avait en effet trouvé ce roman un peu artificiel pour convaincre totalement, l'auteur semblant se placer un peu de haut pour regarder ses personnages issus d'un milieu différent du sien.
Avec son nouveau roman « Térébenthine », du nom de cette huile utilisée comme solvant pour la peinture, on ne pourra lui faire aucun procès d'intention de ce genre .
En effet, on devine aisément que l'auteur parle d'un sujet qu'elle connait vraiment personnellement, puisqu'elle a été elle méme étudiante aux Beaux arts de Lille, comme les protagonistes de son nouveau roman.
Au début des années 2000, la narratrice de son roman et deux amis à elle, Lucie et Luc, s'inscrivent aux Beaux-Arts, la tête pleine de rêves et d’envie créatrices.
Hélas, ils vont vite être confrontés à des désillusions, actées par des orientations que les étudiants semblent devoir inévitablement suivre, qui vont souvent à l'encontre de leurs choix inititiaux et leurs convictions profondes.
A cette époque- ce qu'on pouvait ignorer quand on est pas dans le milieu - la peinture est considérée comme has-been.Et les professeurs , préférant se tourner vers l'art conceptuel, n'y vont pas avec le dos du pinceau ( sic) pour décourager et anéantir les rêves des peintres de nos jeunes étudiants plein d'illusions.
Les professeurs considèrent la peinture comme morte, et qu'il n'y en a plus que pour les installations vidéos ; la peinture étant devenue quelque chose d'assez underground, qu'on fait dans les sous sols cachés de la vue de tous.
Tentant de se défaire de ses dogmes arbritaires, les trois protagonistes de Térébenthine vont tenter de se battre pour leurs croyances, quitte à devoir faire des compromis et perdre au passage quelques sérieuses illusions sur l'art, l'amitié et la vie.
Questionnant l'avenir de l'art dans sa globalité , le roman de Carole Fives parle également du fait qu’on semble souvent mettre de côté les artistes femmes. De façon subtile et profonde, le roman de Carole Fives nous fait en effet grandement réfléchir sur la des femmes dans le monde de l'art.
Une peinture ( c'est le cas de le dire) d'un monde de l'art particulièrement snob, condescendant, dogmatique et aussi assez misogyne, mais d'où effleure quand même une certaine tendresse et une belle émotion, amenant le livre plus loin que du coté de la charge trempée dans le fiel.
Un roman d'apprentissage aussi cruel que captivant et un portrait au vitriol d'une institution rarement décriée avec une telle férocité .
Térébenthine; Carole Fives; Éd. Gallimard, 176 p., 16,50 €.
Avec son roman « Térébenthine », du nom de cette huile utilisée comme solvant pour la peinture, @carolefives fait le portrait d'un monde de l'art particulièrement snob, dogmatique et misogyne, mais d'où effleure quand même une certaine tendresse et une belle émotion... pic.twitter.com/EfjwTBfOhe
— Baz'art (@blog_bazart) September 10, 2020