Retour sur un classique du cinéma: Merci la vie- Blier ose le surréalisme
Dans l'interview qui figure dans le Blu Ray, le cinéaste Bernard Blier confie que l'intention de départ de "Merci la vie" , qu'il a écrit en 1990 dans une chambre d'hotel des USA entre deux festivals, était son désir de faire "des valseuses au féminin."
Les valseuses, premier succès de Blier et désormais film culte devait donc avoir son pendant féminin ; Anouk Grinberg et Charlotte Gainsbourg se substituant au couple mythique Gérard Depardieu/Patrick Dewaere.
Cependant, au fil de l'écriture, le résultat aurait donné quelque chose de complètement différent.
C'est quoi finalement Merci la vie" ? Une escapade de deux Lolita modernes dans un no man's land qui fait un peu penser à celui des Valseuses, ici situé entre littoral bordelais et arrière-pays languedocien; deux jeunes femmes libres et effrontées qui vont multiplier les folles rencontres.
Fidèle à son coté anticonformiste et provocateur et sa volonté de donner un coup de pied aux films bien pensants et trop consensuels, Bertrand Blier réalise un film où le surréalisme présent dans tous ses films n'aura jamais été aussi prégnant.
Le souci est louable, mais "Merci la vie" donne toutefois une impression permanente de joyeux bordel et de foutraque permanent : les personnages les époques, les genres, les tons, les couleurs ( le film commence en sépia, bifurque en couleur pour virer au noir et blanc) surgissent, s'entremêlent, on passe de la seconde guerre aux années 90, période ravagée par le SIDA) .
Le film tente parfois également d'aller du coté de la mise en abyme, et de la réflexion libre et échevelée sur le pouvoir du 7eme art ( réflexion que prolongera quelques années plus tard son film Les acteurs) qui tend à dire si on comprend les propos du réalisateur que la vie n'est rien d'autre qu'une mise en scène permanente.
Ainsi, les acteurs s'arrêtent pour commenter le film en plein milieu, le producteur se demande où est caché la caméra tandis que le réalisateur- Blier joué par Francois Perrot- piquant parfois des gueulantes à la manière de ce que pourrait faire le réalisateur de Tenue de Soirée lui même.
Bref, ceux qui préfèrent les films aux narrations linéaires et compréhensibles immédiatement passeront leur chemin, tant Blier va loin dans la fuite dans l'absurde et ne cherche jamais vraiment à rendre son histoire lisible et intelligible.
Les autres, moins accroché au rationnel, se délecteront de ce cri d'amour à la vie en pleines années SIDA, et de ce mélange entre récit abscons et scènes parfois d'une grâce absolue, grâce aux dialogues, d'une poésie indéniable et d'une technicité - image et sens du cadre- d'une grande beauté que la restauration de Studio Canal restitue avec beaucoup d'a propos.
Et "merci la vie" est sans doute avant toute chose un vrai plaisir d'acteurs. Il faut dire aussi que Bertrand Blier possédait à l'époque un carnet d'adresse très fourni et que le film est rempli d'immenses comédiens qui viennent faire des apparitions plus ou moins importantes- Gérard Depardieu, Michel Blanc, Jean-Louis Trintignant, , Catherine Jacob, et les régrettés Annie Girardot et Jean Carmet dans des scènes vérités très émouvantes et que cela suffit parfois à donner de jolis moments de cinéma ..
Et puis il y a deux fascinantes jeunes comédiennes de l'époque, Charlotte Gainsbourg au début de sa carrière mais déjà très expérimentée et la révélation (et trop rare depuis au cinéma) Anouk Grinberg
N'oublions pas non plus en accompagnement musical le rock d'Arno, ballades écorchées vives, qui enveloppe le tout .
Pas le meilleur Blier mais un film à voir pour sa cohérence avec une oeuvre singulière et unique en son genre.
Disponible en Blu-ray 4K Ultra HD chez Studio canal depuis septembre 2019
Contenu et Bonus
- Merci la vie – Exclusivité FNAC (StudioCanal); septembre 2019