Balèze- Kiese Laymon : un cri du coeur littéraire d'une grande puissance
« Comme la plupart des jeunes présents à la fête de Donnie Gee, j’ai dû vous écouter, toi et tes amis, me sommer des centaines de fois de ne pas porter de capuche sombre dans certains quartiers, de ne pas courir la nuit, de garder les mains bien visibles à tout moment en public, de ne pas nouer de relations intimes avec des Blanches, de ne jamais dépasser la limite de vitesse autorisée, de bien marquer l’arrêt aux stops, de toujours parler un anglais impeccable en présence des Blancs, d’être toujours plus performant qu’eux à l’école et en société en général et, plus important que tout, de ne jamais oublier qu’en toutes circonstances les Blancs seraient toujours prêts à tout pour nous avoir. »
C’est l’histoire d’un gros garçon noir qui, devenu grand, écrit à sa mère. Une mère universitaire qui lui a mené la vie dure. Mais n’est-ce pas un truisme de mener une vie dure lorsque l’on nait noir dans l’état le plus raciste des États-Unis?
Être américain dans l’état du Mississippi fait déjà de vous un américain à part mais être un américain noir dans l’état du Mississippi fait de vous un américain à part écorché vif.
Kiese, petit garçon intelligent, devra se fabriquer de sacrés boucliers pour affronter les injustices et les humiliations qui sont le quotidien d’un écolier, d’un étudiant puis d’un professeur noir dans les états du sud des États-Unis.
« J’avais seize ans J’étais devenu quelque chose dont la violence dépassait largement celle d’un Hulk. Je mentais ; trompais ; manipulais ; j’étais un gros garçon noir, gaitriste et chauve, avec un souffle au cœur ; et, selon toi et la fille blanche à laquelle je racontais tous les jours des bobards, un type bien. »
« Ils chercheront à te distraire. Ils essaieront de te tuer. Ne te laisse pas distraire. Garde ton cap. Ecris à et pour notre peuple. »
« Balèze « c’est beaucoup plus qu’une simple autobiographie. «Balèze » c’est le cri sourd d’une révolte intérieure. C’est aussi et surtout une très grande œuvre littéraire, une autofiction sans concession et un style bluffant.
Un témoignage vibrant comme un passage de relais. En 1945, Richard Wright écrivait « Black Boy », en 2020, Kiese Laymon nous livre « Balèze ».
Un récit bouleversant et un puissant témoignage.
Un auteur vraiment à suivre.
« Je te rappellerai que je ne t’ai pas écrit ce livre uniquement parce que tu es une femme noire, ni parce que tu es née dans le Sud profond, ni parce que tu m’as appris à lire et à écrire. Je t’ai écrit ce livre parce que, même si nous nous sommes fait du mal comme le font parents et enfants en Amérique, tu as fait ton possible pour t’assurer que le pays et notre État ne meurtrissent pas leurs rejetons les plus vulnérables. Je te dirai qu’à cause des Blancs et du pouvoir blanc je me suis souvent senti dégoutant, criminel, en colère, et effrayé quand j’étais petit, mais qu’ils n’ont jamais réussi à me donner le sentiment d’être incapable intellectuellement, parce que je suis ton fils. »
Balèze - Une histoire américaine, Kiese Laymon, Philippe Aronson, Emmanuelle Aronson, Les Escales.