Le dernier enfant; Philippe Besson : une mère face au syndrome du nid vide
On avait fait un billet de présentation en photos sur la rentrée littéraire de cet hiver pas plus tard que lundi dernier : il est donc temps de présenter désormais les romans de cette rentrée littéraire un à un et on commence par un auteur très reconnu dont la dernière livraison nous a enchanté et qui sort des demain en librairie:
" Maman, faut couper le cordon, tu sais"
Ah non, pas ça, pensa t-elle. Pas cette expression toute faite qu'on lui serine.Chaque fois, elle a envie de répliquer : un, il a été coupé le cordon, deux, pas par moi et on s'étonne après. Pourtant, elle ne balance jamais cette réplique. Les gens lui objecteraient qu'elle n'a rien compris, qu'il s'agirait d'une métaphore. Comme si elle ignorait ce que c'était une métaphore! Et sa réponse à elle, elle ne serait pas métaphorique par hasard? Elle dit : " oui, oui, je sais"
Sans se l’avouer, Anne-Marie redoutait cette échéance depuis des mois. Aujourd’hui, Théo, son plus jeune fils, quitte le nid familial. Du dernier petit déjeuner à trois, autour de la table de la cuisine, jusqu’au moment où la silhouette de son fils s’amenuisera dans le rétroviseur d’une camionnette de déménagement, il lui faudra affronter l’évidence : rien ne sera plus jamais comme avant.
Au fil de cette journée particulière, Anne-Marie, tour à tour chancelante et confuse, maladroite et touchante, revisite les moments décisifs d’une existence en grande partie consacrée à la maternité, entre oubli de soi et joie intense d’être le centre de gravité familial.
Tandis que son dernier enfant vole désormais de ses propres ailes, comment réapprendre à vivre seule aux côté de Patrick, son mari taiseux et taciturne, et redonner un sens à l’avenir ? À quels repères se raccrocher ?
Philippe Besson, auteur certes inégal - certains de ses écrits flirtaient avec l'emphase et la mievrerie, peut parfois nous livrer, comme avec " Arrête avec tes mensonges" de très belles pages pleine de douleur rentrée et d'émotion contenue prête à exploser à tout moment .
Son nouveau roman, qui parait pour cet hiver littéraire , appartient largement à la seconde catégorie, bien que "le dernier enfant " soit a priori plus éloignée de la fibre très autobiographique d'"Arrête avec tes mensonges. "
"ll se rend compte que c’est probablement pour cette raison que son fils s’installe dans cette ville. Pour rencontrer des gens avec qui la connivence s’établira d’emblée, sans préalable, sans nécessité, sans manières. Et plus généralement, pour découvrir de nouvelles têtes. Il en a forcément assez de leurs voisins qui n’ont pas changé depuis sa naissance, seulement vieilli, de ses oncles et tantes qui racontent toujours leurs sempiternelles histoires."
Dans ce roman tout en nuances et en délicatesse, Philippe Besson parvient à hisser un événement a priori très banal ordinaire – le départ d’un enfant du domicile familial – au rang de moment d'une déchirante délicatesse .
Philippe Besson scrute avec énormément d'a propos le vertige d'une mère qui a construit toute sa vie pour ses enfants face à l’horizon inconnu qui s’offre à elle une fois que le petit dernier s'en va et qui doit apprendre à apprivoiser une liberté qu'elle n'imaginait pas posséder un jour.
Avec ce roman qui joue l'unité de temps et (quasiment) l'unité de lieu, Philippe Besson scrute avec énormément d'a propos le dérèglement intérieur d'une mère face à l’horizon inconnu qui s’ouvre devant elle.
De façon jamais démontrative, Besson nous fait comprendre à quel point que le sentiment que ressent une mère, très investie dans l'éducation de ses enfants, au moment de la séparation avec son dernier né, est finalement assez proche de la rupture amoureuse ou meme du deuil .
Avec énormément de précision et de justesse, Besson raconte dans les moindres détails les sentiments contradictoires, les failles psychologiques, les pensées secrètes d’une femme simple - on est dans une famille modeste que l'auteur connait bien pour avoir vécu dans ce milieu là- , pétrie de culpabilité et si touchante de vulnérabilité .
Dans ce roman tout en nuances et en délicatesse, Philippe Besson parvient à hisser un événement a priori très banal ordinaire – le départ d’un enfant du domicile familial – au rang de moment déchirant.
— Baz'art (@blog_bazart) January 3, 2021
Philippe Besson scrute avec énormément d'a propos le vertige d'une mère pic.twitter.com/a08CWKMPV2
LE DERNIER ENFANT;Philippe Besson
Éditions Julliard Parution 7 janvier 2021