L'empire de la poussière: Francesca Manfredi , la nouvelle (jolie) voix de la littérature italienne
"De tous les enfants de mon âge j avais la mère la plus jeune et souvent les professeurs ou mes camarades me le repetaient. On dirait ta grande sœur me disaient ils. Je ne trouvais pas. Je ne me rendais pas vraiment compte de sa beauté non plus : C était quelque chose à laquelle je ne faisait pas attention, une chose pas évidente : je n y pensais pas en la regardant."
Valentina a douze ans, une grand-mère pieuse et sévère, une mère sauvage, sublime et insaisissable.
Le père est absent la plupart du temps et se contente de faire des apparitions dans la vieille maison de campagne où les trois femmes cohabitent. Dans la région, la maison est surnommée « la maison aveugle » : ses murs sont épais et n'arborent que de rares fenêtres, ses fondations sont imposantes, elle est un empire de poussière qui semble exister depuis toujours.
C'est l'été 1996 et un événement décisif s'invite à la fête : le corps de Valentina change et tout autour d'elle semble vouloir crier le secret qu'elle a choisi de garder pour elle.
La mère et la grand-mère deviennent de plus en plus distantes et énigmatiques, tandis que la maison elle-même semble vibrer et s'animer d'étranges présages, au rythme du sang qui s'écoule de ses murs et des mystères qu'elle abrite.?
"Ce soir-là ma mère voulut aller au restaurant. Cela arrivait de temps en temps, quand mon père était encore là. Grand-mère ne venait jamais, sauf s'il y avait une raison valable- mon anniversaire ou l'anniversaire d'autres petits-enfants, un baptême ou une communion. Alors nous y allions souvent entre nous, et l'absence d'occasion particulière rendait la chose plus belle.
Une nouvelle et très intrigante voix de la littérature italienne arrive en France en cette rentrée de l'hiver littéraire de 2021 : il s'agit de Francesca Manfredi .
Cette jeune romancière italienne nous propose un récit d'apprentissage a priori classique mais dont les inspirations, entre Goliarda Sapienza et William Faulkner, donnent une vraie plus value et une poésie , gothique, voire mystique, assez étonnante .
Dans ce récit à la fausse simplicité, l'auteur laisse par petites touches deviner les secrets et mystères qui hantent le lieu .
Une dimension biblique teinte avec finesse ce parcours initiatique de passage à l'age adulte d'une jeune femme entourée quasi exclusivement de figures maternelles fortes et un peu étouffantes.
Entre découverte de la sensualité et des premiers bouleversements hormonaux, et avec une nature qui ne cesse de surprendre, entre grenouilles et sauterelles envahissantes, "L'empire de la poussière" fait s'entrecroiser surnaturel et réalisme social avec une maîtrise qui force l'admiration.
Une plume assurément à suivre !
Francesca Manfredi, L’empire de la poussière, traduit de l'italien par Lise Caillat, Robert Laffont, 19 €