Critique d'album- A nous : Noé Preszow la colère et le ( très grand) talent en bandouilière
L’album «A nous » de Noé Preszow est disponible depuis plus d'une semaine et dire qu'on l'attendait depuis quelques temps déjà est un doux euphémisme.
En fait, cela fait presque un an que l'on patiente devant la sortie de ce premier album.
Peu ou prou depuis qu'on a découvert l'artiste au tout début de la pandémie avec sa chanson éponyme qu'on a écouté en boucle pendant de longues semaines.
"A nous," comme les trois titres qui composaient ce premier EP, nous a ainsi fait l'effet d'une fulgurance et d'une évidence rares , comme il en existe finalement assez peu en matière de chanson française, enfin francophone pour être plus précis, puisqu'on rappelle que Noé Preszow (à prononcer Préchof, comme on nous l'indique un peu partout) vient de Bruxelles, la belle, celle que chantait avec tant d'intensité Dick Annegarn.
Ce coup de foudre, que l'on ressent donc depuis un an, à l'égard de Noé Preszow , est évidemment partagé par une bonne partie de la presse musicale, écrite ou audiovisuelle, qui ne tarit pas d'éloges sur ce qui est sans doute une des plus grandes révélations de la scène musicale francophone depuis plusieurs années.
Les comparaisons sont flatteuses et nombreuses pour parler de A nous puisque sont notamment convoqués Renaud (un artiste que Noé a confessé avoir énormément écouté étant jeune) Saez, Miossec, en passant par les monstres sacrés que sont Higelin, Lavilliers, Ferré ou même le grand Jacques (Brel), provenance du plat pays oblige...
Les références (et parfois influences évidentes) sont légions et pourtant l'univers de Noé Preszow semble ne ressembler qu'à lui même, avec une symbiose entre les textes et les mélodies d'une perfection remarquable.
La colère de ses idoles Renaud, Ferré donc, mais aussi car il a aussi beaucoup écouté de musique anglo saxonne de Dylan en bandoulière, le jeune belge de tout juste 26 ans nous propose un album d'une maturité et d'une qualité qui forcent l'admiration en tous points.
Dans "A Nous", Noé Preszow livre un portrait sans concession et d'une grande lucidité d'une époque actuelle qui ne semble pas vraiment lui convenir, mais dans laquelle il veut croire à une force contestataire collective et contagieuse prompte à l'amener, lui et cette jeunesse qu'il représente un peu malgré lui, vers un avenir plus radieux.
Modelées par un phrasé souvent scandé, presque slam, des mélodies à l'énergie rythmique indéniable et les chœurs de son amie Leila Lachterman (qu'on entend en duo sur le titre Faire les choses bien), les textes viscéraux et réfléchis de Noé Preszow restent très longtemps en mémoire.
Des morceaux tels que À nous, Les armes que j'ai Les poches vides (sublime évocation de retrouvailles entre deux amis des années 70 trente ans après, entre nostalgie et mélancolie) ou Le monde à l'envers- sur les violences policières- retranscrivent avec une profonde acuité les incertitudes et les questionnements de sa génération, en les sublimant grâce à des textes et des compositions d'une grande beauté.
Les 13 titres de ce A nous revisitent notre époque avec une révolte et un lyrisme indéniables, somme toute assez éloignés des pamphlets rageur à la Saez .
Sur d'autres morceaux pas encore cités, comme Je te parle encore, Exils, Ce silence, Faire les choses bien ou La Vie courante, on y décèle un talent d'évocation qui convoque quantités d'images pour l'auditeur et qui réussit aussi parfaitement à éviter le didactisme ou le dogmatisme avec juste les mots qu'il faut.
Peuplés d'anti héros souvent solitaires et mal à l'aise en société, peu enclin au lâcher prise et à la désinvolture, les textes de Noé Preszow mettent en avant les fragiles, les asociaux, les hypersensibles, bref tous ceux qui tentent de survivre et d'apporter une réponse différence à ce monde où le consumérisme et l'individualisme semblent être les maitres mots.
Si les mélodies, souvent accompagnées de sons électro du meilleur effet, sont d'un niveau nettement supérieur à ce qui se fait habituellement, l'arrivée de Noé Preszow sonne surtout le beau retour au texte avec une écriture qui semble placer en haute estime le sens des mots et l'humanisme qui s'y cache derrière.
En mariant la magie de la langue avec des mélodies émouvantes ou et entrainantes, Noé Preszow ravive la flamme de la chanson française avec brio et humanisme , des qualités dont on a bien besoin actuellement.
Ni vraiment chanson à texte, parfois un peu trop élitiste et métaphorique ni variété grand public trop consensuelle et mièvre, A nous confère à Noé Preszow une place à part dans le marché musical d'aujourd'hui; place qu'il saisit avec d'autant plus d'aisance, que malgré son jeune âge, il semble avoir eu du mal à imposer auprès des professionnels son univers à part.
Et si l'artiste n'a pas reçu la victoire de la musique de la révélation qu'il méritait amplement, gageons qu'on n'a pas fini d'entendre parler de Noé Preszow, comme du reste la grande majorité des artistes qui signent sur le label Tôt ou Tard.
Noé Preszow - "À nous"
Sortie le 2 avril 2021
Chanson. Distribué par Tot ou Tard
Noé Preszow sera en concert en co-plateau avec l’artiste Clou (même label), à La Cigale (Paris), le 18 novembre 2021. Réservations ici