[Interview] Gauvain Sers «J'aime beaucoup la place que j'occupe dans la chanson française"
Gauvain Sers est de retour en cette rentrée 2021 avec un troisième et formidable album, Ta place dans ce monde, qu'on a récemment chroniqué sur ce site.
Contacté par téléphone la semaine passée Gauvain Sers revient avec nous, avec la gentillesse et la générosité qui le caractérise, sur la conception et sur l'écriture de ce 3e album, inspiré en partie par le confinement.
Baz'art : Bonjour Gauvain et bravo pour ce très bel album. Est-ce qu'on peut dire pour commencer notre entretien, que, sans ce confinement qui a tant bouleversé l'année 2020, ce 3e album n'aurait peut-être pas vu le jour, du moins sa conception ne serait pas venue aussi rapidement ?
Gauvain Sers: Non, c'est sûr. Au départ, je ne ne pensais pas me remettre si tôt à la conception d’un nouvel album, ce sont vraiment les circonstances qui ont accéléré le mouvement...
Au début du premier confinement, j’avais certes quelques chansons dans les tiroirs et j'ai profité du fait que ma tournée fut stopée d'un coup et de cet isolement contraint pour en écrire d'autres.
J’étais à la maison dans un grand élan d’inspiration où je pouvais aller au bout de ce que j’avais commencé.
Tout est venu assez naturellement. Plutôt que de me morfondre à regarder les actualités en boucle à la télévision, j'ai préféré travailler tranquillement sur l'écriture de cet album.
Baz'art : Et en quoi précisemment cette période particulière fut fertile pour votre écriture ?
Gauvain Sers: (silence) Ce n’est pas forcément évident d’avoir une réponse toute faite à cette question.
Ce qui est certain c'est que je n'ai jamais écrit autant de chansons en si peu de temps.
Disons que j'ai essayé de rendre prolifique ce moment totalement inattendu, qui n'était pas forcément agréable au départ.
Alors certes, certaines des chansons de l'album ont été directement inspirées par cette période qui m'a semblé propice à la réflexion.
Il y a bien sur le titre « en première ligne », dans laquelle j’ai voulu aborder toutes ces professions, éboueurs, aides-soignants dont on a vanté les mérites au début du confinement et qui sont vite redescendus dans l'anonymat ensuite.
Cette chanson, c'était ma façon à moi de leur rendre hommage, de les remettre sous les projecteurs. On s'est quand même rendu compte pendant des mois qu'ils étaient essentiels à la société et qu'il était temps de les valoriser avec un meilleur statut et un meilleur salaire sur la durée.
Alors, certes, ils ont eu peut être au bout quelques toutes petites revalorisations mais sincèrement, en comparaison à ce qu'ils apportent, ce n'est pas grand chose du tout.
Pour la petite anecdote, j'ai écrit d'autres chansons directement liées à la crise sanitaire, mais j'ai conservé uniquement celle-ci qui à mon sens, traverserait mieux les années.
Baz'art :Par rapport à votre inspiration justement, il y a dans l'album deux morceaux qui en font explicitement référence (L’imprévue, La France des gens qui passent). On a en fait comme l’impression qu’elle n’est jamais tarie chez vous, vous confirmez ce sentiment?.
Gauvain Sers: Oui vous avez raison, je crois (sourires).
Pour l’instant, je n’ai pas vraiment de problème de manque de sujets mais en même temps je suis encore jeune, heureusement que j’ai encore des choses sur lesquelles chanter, non ?
En plus, nous sommes plongés dans une époque et une société où tout évolue tellement vite qu’il y a des sujets de chansons quasiement à portée de main.
En tout cas, c'est vrai que, pour l’instant, je ne pense ne pas vraiment connaitre le fameux syndrome de la page blanche (rires), je touche du bois pour que cela dure encore un peu...
Baz'art :Concrètement, comment l'inspiration vous vient ?
Gauvain Sers: Disons que cela varie énormément. Parfois, c’est très autobiographique, parfois ce sont des choses peut-être plus observées, en essayant de capter le quotidien des gens et cette société qui évolue constamment.
Je peux tout autant être inspiré par un article dans un journal, un fait-divers, un documentaire que j'ai vu, ou une scène dans un film avec une image qui va me toucher et que je vais avoir envie de décrire dans une chanson.
Mais ce qui m’inspire le plus, c’est, comme je le dis dans le titre La France des gens qui passent, d’aller me poser dans un café et de voir les gens du quotidien aller au travail ou faire des choses de la vie de tous les jours.
Baz'art :Et ne pas pouvoir aller dans ces postes d’observations formidables que sont les cafés pendant les fermetures de ceux-ci a dû beaucoup vous manquer, j’imagine ?
Gauvain Sers: Ah ça, c’est peu de le dire….
Vous savez, c’est une sacrée source d'inspiration pour ceux qui écrivent d’aller s’asseoir en terrasse d’un bar et de capter des images pour les retranscrire en texte après. Pendant le confinement, cela m’a beaucoup manqué. Du coup, j'ai un peu fantasmé ça en chanson.
Je pense notamment au morceau "L’imprévue", un des titres les plus légers de l’album, où je parle de cette petite serviette en papier sur laquelle l’inspiration me vient d’un coup.
En tout cas j’ai trouvé cela assez intéressant et plutôt inédit , dans les deux morceaux que vous citez, de faire une sorte de petite "mise en abyme" pour parler de ces moments où l’inspiration me vient.
Baz'art :Avez vous le sentiment, qu’au niveau de votre plume et de vos sources d’inspiration,vous avez évolué depuis votre premier album il y a désormais 4 ans ?
Gauvain Sers: Pas tant que cela en fait : mon moteur, cela était et c’est toujours de raconter des histoires, de dévoiler des émotions au premier plan, tout en abordant des choses complètement différentes.
Ce qui m’intéresse depuis que j’ai commencé à écrire et à composer des chansons, c’est vraiment d’essayer de raconter des sujets qui m’ont touchés et que j’ai envie de mettre en musique.
Après c’est certain que sur le premier disque, il y avait dedans pas mal de fraicheur et d’insouciance, de fragilité : rien n’était finalement calculé comme c'est souvent le cas d'ailleurs dans les premiers albums des artistes.
Deux albums plus tard, forcément, il me parait assez logique que je cherche à rafraîchir et à donner une nouvelle orientation à mes textes.
Disons que ce 3e album, je le vois un peu plus comme un recueil de plusieurs courts-métrages qui ont un lien entre eux.
Ce sont des petites peintures de 3'30, qui parfois se répondent dans l'album. J'espère avoir fait la suite logique des deux premiers en essayant d'apporter une évolution.
Baz'art :Et en même temps, dans cet album, vous êtes allé un peu plus dans l’introspection avec ces titres "elle était là "et "sur les toits de Paris", où vous regardez un peu dans le rétroviseur et vous revenez sur le jeune provincial qui arrivait à Paris et qui a connu pas mal de galères finalement…On a eu l’impression de notre point de vue que votre succès a été fulgurant dès le premier album, mais en fait vous avez aussi connu les bars pourris ou vous chantiez devant 5 personnes et ces moments ou le téléphone sonnait très peu, c'est cela que vous avez voulu montrer dans ces deux titres ?
Gauvain Sers: Oui bien sûr; ces années-là ont existé mais, vous avez raison, mais elles n’ont pas duré non plus trop longtemps.
Avec le recul, et même si sur le coup, on ne pense pas forcément la même chose, je me dis que c'est une période qu'il fallait vivre.
Si je n'avais pas vécu tout ça, je pense que la magie aurait moins opéré et je mesurerais moins la chance que j'ai de vivre de ma passion.
Aujourd’hui je suis chanceux de faire le métier que j’ai toujours voulu faire depuis un moment, dans des conditions qui sont vraiment top.
Baz'art :Vous parlez de votre souhait de tenter de rester intemporel dans vos textes, afin qu’ils passent le cap des années. Vous avez la même préoccupation j’imagine, au niveau des compositions à savoir l'envie de sonner contemporain sans que cela devienne ringard au fil des années, non?
Gauvain Sers: Oui tout à fait : Ce qui est dur, mais ce qui me passionne à la fois, c’est vraiment de trouver cet équilibre entre le texte, la musique et la production générale, ce sur quoi on met déjà les accents.
Musicalement, je crois que j’ai essayé de rester fidèle à ce qui m’a donné envie de me lancer dans la musique et d’écrire des chansons.
Ce que je voulais ici sur ce 3e album, c’est d' avoir plus de clavier que de guitare, très présente dans les deux autres albums.
J'espère avoir quelque chose de plus épuré, qui va à l'essentiel.
Je fais une forme de chanson française qui existe depuis des décennies mais il est important de tenter rafraîchir avec des sonorités nouvelles qui correspondent à l’air du temps.
Tout en essayant de garder une certaine forme assez classique quelque part.
Baz'art :Et c’est sans doute pour cela que pour cet album-là vous avez fait appel à Renaud Letang, le producteur de Jane Birkin, Alain Souchon ou Manu Chao, qui apporte un coup de frais à vos compositions, n’est-ce pas ?
Gauvain Sers: Ah oui tout à fait, c'est parfaitement dans cet esprit là que je suis allé chercher Renaud …
Vous savez, j'aime bien changer de réalisateur à chaque album, car c'est çela qui fait qu'il y a une évolution, une autre vision des chansons…
Pour ce disque, j'avais envie de quelque chose de plus moderne, aéré mais aussi d'aller plus à l'essentiel en mettant les chansons guitare-voix en avant.
Renaud, c'est une sorte de magicien du son.
J'ai écouté tant de fois les albums qu'il a réalisé ceux de Souchon, ceux de Manu Chao mais aussi celui de Feist, si on s’écarte un peu de la chanson française, que je n’avais pas de doute sur les chemins qu’il allait me faire prendre.
J'aime notamment la façon dont il fait sonner les guitares.
C’était vraiment une expérience formidable de pouvoir me rendre dans son propre studio. On peut dire en toute franchise que j'ai vraiment appris beaucoup de choses à ses côtés.
Baz'art : Mais plus concrètement; comment avez-vous travaillé tous les deux ?
Gauvain Sers: Disons qu'on est vraiment parti de guitare-voix, quelque chose que je n’avais pas forcément fait avant, et, ensuite, on a agrémenté ça avec les musiciens.
C’était vraiment Renaud et moi même qui étions au centre des décisions, de la recherche des tons.
Je le répète mais je trouve que Renaud a vraiment apporté quelque chose d’incroyable.
Et nous avions une nouvelle équipe de musiciens, ce qui a peut-être permis de casser la routine que j’ai pu avoir quand on commence à enregistrer beaucoup de chansons avec les mêmes personnes, du coup c’était vraiment formidable comme travail !
Baz'art : L’album s’appelle "Une place dans ce monde". Gauvain, il nous semble que vous l’avez trouvé votre place à vous dans le milieu de la chanson française, n’est-ce pas ?
Gauvain Sers: Oui, je partage également cette impression : je pense que je me suis un peu trouvé dans ce milieu-là. Comme tout le monde, je me suis cherché à l’adolescence, avec les études, les doutes, l'arrivée dans la vie professionnelle. …
Mais tout simplement je pense que mon rôle à moi, c’est faire de la musique, de transmettre des émotions aux gens, notamment en concert, raconter des histoires pendant peut-être 1h30, sortir du quotidien…
Bref, c’est une place que j’aime beaucoup et j’essaye de la garder, et c’est ça qui me rend heureux en tout cas.
Mais si je m'éloigne un peu de mon nombril, je dirais que la question de sa place dans la société, je crois bien que c'est une question que l'on se pose éternellement dans la vie, à tous les âges.
C'est d'ailleurs pour ça que j'ai donné ce titre à l'album, car on trouve dessus plein de personnages très différents…
Baz'art : Votre place à vous, si vous deviez choisir qu'un seul endroit où vous vous sentez le mieux dans ce monde, cela serait où?
Gauvain Sers: La scène, sans aucune hésitation....
La période que nous traversons a sans doute aussi surligné que ma place était celle de chanter sur scène et de partager mes émotions musicales avec les gens.
Ne pas pouvoir le faire m'a terriblement manqué et vous ne pouvez pas savoir à quel point j’ai hâte de retourner dès ce mois de septembre sur toutes les scènes de France.
Credit photo : Frank Loriou.
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