Rencontre avec le réalisateur Guillaume Renusson pour Les survivants
"Les Survivants », premier long-métrage du réalisateur Guillaume Renusson est en salles depuis ce mercredi 4 janvier 2023.
On avait eu la chance de réaliser une interview en visio avec lui en fin d'année dernière, un jour de Grève des trains entre Paris et Lyon et même si on a pas eu le contact physique, cette rencontre était l'occasion idéale pour faire connaissance avec lui et avec son projet de long métage ambitieux et audacieux.
Une passion pour le cinéma nourrie depuis l'enfance
Ma passion pour le cinéma vient de trois éléments différents qui se retrouvent en un seul et même élan :
D'abord évidemment, les films qui viennent nourrir une cinéphilie, d'abord les gros films américains des années 80, de Spielberg aux Goonies puis petit à petit, des films d'auteurs plus exigeants.
Ensuite il y a le rapport à la salle de cinéma : quand on est gamin, au moment où les lumières s'éteignent, j'ai une relation quasi vertigineuse avec la salle, c'est un endroit unique au monde.
Et puis, je dirais aussi le moment du générique : j'ai compris que tous ces noms-là m'avaient offert un tour de magie auquel j'ai cru.
Je rajouterais aussi peut être la découverte de making-of quand je suis ado et de ce qu'est un plateau.
Je me disais alors que c'était ça aussi être réal, en dehors du côté artistique il y a aussi un côté aventure, à motiver les troupes à 6h du matin pour aller tourner dans la neige, en altitude si on veut prendre un exemple en lien avec les Survivants (rire) .
Au-delà de la mise en scène, il y a cette dimension aventure collective du cinéma que je trouve méga stimulante.
L'histoire du film Les survivants
C'est l'histoire de Samuel qui, suite à un drame récent, décide de s'isoler dans un chalet paumé dans les Alpes italiennes.
Il est dans la vallée où les exilés essaient de passer la frontière pour aller en France.
Une nuit, une jeune femme s'introduit chez lui, perdue, glacée, et malgré lui, il se retrouve à lui montrer où passer.
À partir de là, ils vont devoir se méfier l'un et l'autre autant de la nature que des hommes.
Là où le film est une sorte de drame intime, il devient aussi un thriller, un western intime, un film de traque, de survie.
Faire d'un sujet social un vrai film de cinéma
L'idée de départ, c'était vraiment de me servir en toile de fond d'une actualité brûlante. Je me suis rendu plusieurs fois sur place à la frontière italienne dans les Alpes.
Il y a eu un long temps de recherche, de rencontres pour parler de ce sujet et il y a eu une évidence pour arriver à un film qui raconte des gens qui passent leur temps à être traqués.
Le sujet est politique, il a une dimension sociale mais à aucun moment, je ne voulais que ça résume le film, la volonté était de faire un film de cinéma.
Quand j'ai vu de mes propres yeux des exilés dans la nuit passer en haut dans les montagnes, telles des ombres près des dameuses, avec la police aux frontières, des gens qui les aidaient, qui les en empêchaient, et puis des faits divers comme Génération identitaire* qui avait pris un hélicoptère et dénonçait les exilés qui passaient et certains restés sur place qui s'improvisaient milice….
Tout ce parfum entre solidarité, indifférence et xénophobie, a été un point de départ.
On raconte la haine de l'autre, la banalisation de la violence, du racisme ambiant.
Un tournage interrompu longtemps pour cause de Covid
J 'ai commencé à tourner en mars 2020 et puis arrêt à cause de la pandémie.
En annonçant à l'équipe qu'on remballait pour se confiner, je savais qu'il fallait que la neige retombe et que l'on parlait de 10 mois d'arrêt.
On a repris en janvier 2021 et je peux vous assurer que redire « action » 10 mois après, c'est très émouvant.
Ça a créé dans l'équipe une forme de résilience, de foi dans le projet, ça fait partie de l'aventure du film et ça a greffé une intensité collective.
Denis Ménochet & Zar Amir Ebrahimi, deux comédiens en osmose
J'ai eu la chance d'avoir travaillé avec deux comédiens exceptionnels.
Denis c'est un comédien qui constamment cherche à se dépasser . Ce qui se passe chez lui, c'est toujours dans les tripes : quelqu'un qui devient son personnage à ce point, c'est bouleversant.
Quant à Zar, qui n'avait pas encore joué dans "Les nuits de Mashhad", quand je me suis interessé à elle, elle m'a dit lors du casting que Chehreh , c'était elle .
Chehreh a fui l'Afghanistan, Zar a fui l'Iran en 2008, elle ne peut plus y retourner pour des raisons politiques, alors que c'était une star là-bas.
On a formé un trio très soudé pour affronter ces montagnes.
Il y avait parfois dix pages sans texte où on racontait la galère dans la montagne.
Au-delà de l'effort physique que le film allait demander, il y avait aussi le souhait profond de raconter cette histoire à la frontière franco-italienne, le monde au bord duquel on est de violence et de haine de l'autre.
Ce que l'on racontait se déroulait là, il y avait une conscience du sujet.
Je reste profondément bouleversé plusieurs mois après la fin du tournage par l'investissement qu'ils ont mis.
Un film qui a marqué les esprits en festival
On a fait des festivals importants : celui d'Angoulême avec la première du film où le film était compétition, mais aussi celui d'Arras, de Sarlat, les Arcs.
Le rêve de gosse que j'avais s'incarne lors de ces présentations, car c'est vraiment quelque chose de montrer pour la première fois un film terminé au public.
Un réalisateur qui tâte aussi de la série
Oui j'ai la chance de réaliser aussi la saison 2 de 3615 Monique (sur OCS) dans un tout autre registre .
On est venu me chercher pour cette saison 2. J'ai énormément ri en voyant la saison 1 qui raconte l'essor du minitel rose d'une telle façon.
C'est marrant de faire de la comédie potache dans cette décennie que je n'ai pas vécue.
Faire un film d'époque, il y a un côté voyage à l'étranger, c'était génial de me plonger dans les années 80.
J'ai mieux compris en tournant cette série où la nostalgie des années 80 trouve son point d'ancrage.
On a un rapport effrayé au futur, là où le rapport au futur était fantasmé.
Au festival de La Rochelle, la série a fait exploser de rire les gens !
Et hasard des calendriers, j'ai la chance d'avoir deux projets aussi différents qui sortent quasi en meme temps !!
Merci au cinéma le Comoedia et a Ad Vitam distribution pour l'entretien ..
* groupuscule d'extrême droite dissous en 2021