Rencontre avec Thomas Lilti pour son film "Un métier sérieux"
Le 25 août dernier, le réalisateur Thomas Lilti était sur Lyon pour présenter en avant-première Un métier sérieux. Un film qu'on a énormément apprécié comme on l'a dit dans la critique du film .
Avec son 5e long métrage, Thomas Lilti a décidé de mettre en avant un autre "métier sérieux" : celui de professeur de collège.
Dans son nouveau film qui sortira le 13 septembre prochain, il a eu envie de "rendre hommage à ceux qui font tenir cette institution fragilisée" et plonger les spectateurs dans la vie, les espoirs et les engagements d’enseignants d’un collège.
-
C'est un secteur très important pour moi, j'ai grandi avec une mère enseignante et d'autres membres de ma famille sont aussi dans ce milieu.
J'avais envie de mettre en lumière l'univers des professeurs de collège que l'on n’entend pas souvent. Le film est tourné dans un vrai collège, loin des clichés.
Ce n'est ni un collège de banlieue défavorisée ni un collège élitiste pour les personnes aisées.
Avec "Un métier sérieux", je voulais parler d'un autre métier d'engagement après avoir montré les médecins.
Il y a des similitudes car dans toutes ces professions, il est difficile de concilier la vie professionnelle avec la vie intime.
Le réalisateur Thomas Lilti a décidé de mettre en avant un autre "métier sérieux" : celui de professeur de collège.J'ai voulu réaliser une sorte de focus et de "rendre hommage à ceux qui font tenir cette institution fragilisée.
Bref, c'est complétement fini d'ausculter la médecine sous toutes ses formes?
Mais vous savez les médias ont parlé de 'trilogie de la médecine" que j'ai faite après mon premier long les yeux fermés que personne n'a vu Hippocrate le film et la série, Médecin de campagne, Première année, .parce que ca arrangeait tout le monde de me faire un raccourci de la sorte, on pourrait me penser obsédé par mon passé de médecin généraliste et que j'avais besoin d'exorciser ma culpabilité de ne pas être médecin.
Mais en fait, avant tout c'est vraiment la question de la jeunesse et ses questionnements qui m'intéressent, bien qu'il les placent dans un milieu médical qui m' est forcément quelque peu familier. Quand je fais le film Première année sur les étudiants, finalement, ce ne sont pas encore des médecins.
Ce que j'aime avant toute chose, c'est demontrer des jeunes gens qui doutent, qui cherchent, qui ne sont pas désœuvrés...
Et pour répondre plus précisemment à votre question, je ne sais pas du tout à ce jour si j'en ai fini avec des films sur la médecine, je n'ai jamais eu de plan de carrière et navigue au gré de l'instinct, si ca se trouve mes films parleront d'un tout autre sujet comme peut etre encore une fois de médecine sous un angle différent...
Adèle Exarchopoulos et Vincent Lacoste jouent deux professeurs des collèges.Certains observateurs du milieu scolaire reprochent à votre film de ne pas assez montrer la difficulté du métier et la rigidité de l'institution, c'est quelque chose de complétement assumé de votre part?
Oui tout à fait . Un métier serieux est un film important pour moi et sur mon rapport au corps enseignant mais je n'ai jamais cherché à en faire un film militant.
J'évite toujours de faire des films à charge, ici j'ai voulu prendre un contre-pied et dire que oui l'Ecole va mal mais que des gens, les professeurs, croient encore en ce métier et tentent de faire au mieux au quotidien.
J'ai envie que l'on arrête de critiquer les professeurs et qu'on comprenne que c'est un métier complexe et montrer tout ce qui se fait de bien dans leur profession.
Je voulais parler de l’histoire d’un collège, chose dont on ne parle jamais vraiment sous cet angle. J'ai conscience de décrire un système qui tient sur la bonne volonté des gens, mais que cela ne pourra pas durer, car la passion ne suffit pas .
A travers les doutes, les joies, les remises en question que traversent mes personnages , j'ai concu le film comme une succession de tranches de vie aussi agréables que convenues dans lesquelles il est aisé pour des spectateurs de s’y retrouver.
On retrouve ici les mêmes acteurs que dans vos longs-métrages précédents, comme Vincent Lacoste ou William Lebghil, pourquoi ce choix ?
Ce sont des acteurs qui me font confiance et à qui je fais confiance. C'est toujours une joie et un plaisir de les réunir.
Pour ce film, j'avais aussi envie de réunir Vincent Lacoste et François Cluzet, mon étudiant de première année avec le médecin presque à la retraite de Médecin de campagne, je trouvais que ce mélange intergénérationnel avait quelque chose de vraiment réjouissant à voir et l'osmose a fonctionné comme je le souhaitais.
J'avais aussi le souhait d'intégrer Adèle Exarchopoulos et d'autres acteurs moins connus mais si importants.C'est une volonté de me détacher de l'écriture classique et d'assumer cette dimension chronique que je revendique, il n'y a pas de grandes envolées romanesques dans mon films, de rebondissements inattendus, il fallait rester au plus proche du réel et pour cela faire un film de personnages en choississant des acteurs qui ne sont pas trés loin de leurs rôles .
Quel a été votre travail de préparation pour réaliser ce film ?
Forcément, comme je n'ai pas été enseignant, contrairement à la profession de médecin que j'ai exercé, j'ai énormément bossé en amont pour ce film, c'était très important pour moi d'avoir une connaissance solide de l'institution pour pouvoir en parler.
Je me suis beaucoup renseigné sur le sujet des professeurs en écoutant des interviews, en lisant des ouvrages et aussi en me rendant dans des collèges.
J'ai également récolté des souvenirs, des sensations, des impressions pour façonner mon écriture.
J'ai beaucoup apprécié tout ce travail préparatoire où j'ai rencontré des enseignants, des élèves, des principaux d'éducation, etc. Le film a été tourné dans un vrai collège avec notamment une scène au cœur de la salle des professeurs, lieu assez peu montré en général.
Le film est très axé sur la passion du métier et la solidarité entre les professeurs, pensez-vous que c'est quelque chose de généralisé ?Évidemment, ce n'est pas dans tous les établissements qu'il y a une parfaite harmonie entre les professeurs mais il y en a beaucoup où c'est le cas et j'ai voulu montrer ce cas-là.
Tout comme médecin, le métier d'enseignant est difficile alors il faut se soutenir et vivre collectivement, partager les difficultés et s'entraider.
C'est pour cela que j'ai voulu mettre en avant cette solidarité qui aide à mieux vivre son métier, souvent choisi par passion.
J'ai voulu montrer la solidarité que l’on trouve dans les équipes, ce qui fait que cela marche encore dans les écoles quand on affaire à un groupe d’enseignants engagés et soudés c'est un parti pris qu'on pourra me reprocher mais que je revendique à 150%.
Est ce que quand comme vous on a taté de la série de huit épisodes, on ne trouve pas trop frustrant de faire un film choral de moins de deux heures, au risque de ne pas développer tous les personnages?
J’en avais un peu marre des histoires à deux personnages.
La série m’a donné confiance pour écrire quelque chose d’un peu plus foisonnant mais plutot que de film choral je préfere utiliser l’adjectif « collectif » pour parler du film...
Merci au distributeur Le Pacte et au cinéma Pathé Lyon BellecourCrédit photo Fabrice SCHIFF