Anatomie d'une chute :retour sur une Palme d'or qui cartonne au box-office
Anatomie d'une chute est la première Palme d'or made in Auvergne-Rhône-Alpes. Le film cartonne au box-office, contre toute attente, pour un film "d'auteur".
Anatomie d'une chute de Justine Triet démarre fort, très fort, deux fois plus fort que la Palme d'or de 2022 de Ruben Ostlund (Sans filtre). "Anatomie" caracolait en tête du box-office mardi 29 août avec 250 000 spectateurs en cinq jours.
Au 11 septembre, toujours en tête devant Equalizer 3, Anatomie d'une chute atteignait 800 000 entrées,on est clairement en route vers le million.
Ce qui montre que la sortie politique de la réalisatrice lors de la cérémonie cannoise n'a pas joué contre elle.
Ce qui fait la joie de l'équipe du film et d'Auvergne-Rhône-Alpes cinéma, le coproducteur. Le film est sorti dans 380 salles, dont 50 dans la région. A titre de comparaison, un blockbuster moyen sort dans 600 salles en France.
Anatomie d'une chute, film radical
Anatomie d'une chute est une étrange affaire. Est-il tombé seul et accidentellement ? Est-ce qu'on l'a poussé ? Est-ce qu'elle l'a poussé ? S'est-il suicidé ? Une enquête pour mort suspecte est ouverte pour le décès de Samuel Maleski, découvert par son fils de 11 ans, gisant dans son sang au pied de son chalet.
La question taraude le spectateur pendant les deux heures vingt du film : "J'ai cru que j'avais fait le film le plus radical de ma carrière, a confié Justine Triet à nos confrères de France Culture. Résultat : Anatomie d'une chute est en tête du box-office sur la première semaine."
Le mari joué par Samuel Theis, est mort en tombant du haut de son chalet. L'enfant de 11 ans, qui est mal voyant, a-t-il été témoin ? On apprendra qu'il a quasiment perdu la vue à la suite d'un évènement qui pèse lourdement dans les relations au sein du couple formé par ses parents.
Dissection d'un couple
Si l'on assiste bien à l'anatomie d'une chute du deuxième étage, c'est aussi un enterrement de première classe qui scelle le sort de ce couple à la dérive.
Le film procède à la dissection lente, cruelle et méthodique d'un couple où la femme est en train de réussir sa carrière d'écrivain, et ne rechigne pas à une ou deux coucheries extra-conjugales, alors que l'homme de sa vie patine, cherchant lui aussi à écrire, sans y parvenir, et se plaint d'élever leur fils tout seul. Évidemment tout accuse l'épouse…
La géniale comédienne allemande Sandra Hüller, s'exprimant tantôt en anglais, tantôt en français, est tout à la fois assez froide et assez émouvante pour laisser planer le doute dans la tête du spectateur de ce film de procès.
On est là, sur le fil ténu qui ne nous laisse aucune certitude. Comme le saisit le personnage de l'enfant de 11 ans, fils du couple qui doute de l'innocence de sa mère : "quand on n'a aucune certitude ni d'un côté, ni de l'autre, il faut choisir" (sous-entendu arbitrairement).
Le jeune Daniel, joué par Milo Machado, d'une étonnante maturité de réflexion et de vocabulaire pour un enfant de son âge, va choisir...
Anatomie d'une chute, un film de procès réussi
Le duo génial des frères ennemis au procès composé de l'avocat général joué par Antoine Reinartz (120 Battements par minute…) et de l'avocat de l'accusée, Swann Arlaud (Grâce à Dieu…), fonctionne comme une horloge.
L'incroyable scène de fin dans le restaurant chinois montre à quel point Justine Triet balaie tous les clichés du film de genre, dans un scénario écrit à quatre mains avec son compagnon Arthur Harari.
Justine Triet est raide dingue d'Autopsie d'un meurtre d'Otto Preminger (1959, avec James Stewart) auquel elle rend hommage. Dans "Anatomie", on est loin de Netflix (même si Justine Triet aime un peu trop les plans serrés). Il n'y a pas de FBI, pas "d'objection votre honneur", de "vous avez un mandat ?" On est dans une cour d'assises tout ce qu'il y a de plus provinciale et française. Beaucoup de spectateurs se demandent à quel point l'histoire est tirée de faits réels, ce qui n'est pas le cas.
Le film est la première Palme d'or à Cannes décrochée par un film coproduit par Auvergne-Rhône-Alpes-cinéma, et tourné en Isère et en Savoie (vallée de la Maurienne, à Villarembert, Fontcouverte-la-Toussuire, et Saint-Jean-de-Maurienne, ainsi qu’en région grenobloise). Le décor du tribunal est celui de Saintes en Charente.
La région porte chance à la réalisatrice Justine Triet qui avait en partie tourné son film Sybil avec Virginie Efira ( 2019) à Villeurbanne aux Studios Lumière sur le Pôle Pixel (intérieurs, cabinet de Sibyl).
Bienvenue avec cet article à notre nouveau rédacteur Romain Pingeat qui arrive on l'espère pour longtemps dans l'aventure Baz'art