[CRITIQUE] Marie Line et son juge : faire tomber ses préjugés
Marie-Line, cheveux roses, mini-jupe destroy et Doc Martens à fleurs, a 20 ans, s’occupe de son père dépressif après un accident du travail, et pour gagner sa vie, elle sert des cafés en chantonnant dans un bar du Havre.
Elle sert aussi du whisky japonais à un magistrat grincheux et impatient, et à un jeune homme timide et séduisant qui vient régulièrement avec ses amis…
Au contact de Marie-Line, notre juge va s’adoucir, accepter de voir les choses avec un peu moins de dureté, même si on comprend que rien ne lui a été épargné.
De manière symétrique, Marie-Line va faire tomber ses préjugés, et accepter d’aller au-delà de sa zone de confort, de la facilité apparente dans laquelle elle se complait.
Pour son quatorzième long-métrage, notre cinéaste lyonnais préféré Jean-Pierre Améris adapte le roman de Murielle Magellan « Changer le sens des rivières ».
Rebaptisée Marie-Line et son juge, le cinéaste met en scène une rencontre entre deux êtres humains que tout oppose. Jean Pierre Améris revient à ce qu'il maitrise sans doute le mieux, à savoir sa veine de chroniques douces ameres entre le drame et la comédie retrouvant ainsi le brio des émotifs anonymes, son plus gros succes public à ce jour ...
Mine de rien, Marie Line et son juge pose de vraies questions de fond : Faut-il obligatoirement avoir des centres d’intérêts communs pour s’aimer ? Doit-on rester tel que l’on est coûte que coûte ou accepter peut-être de s’ouvrir à l’autre ? Est-ce vraiment l’amour qui peut conduire à la haine, à la violence, à la comparution immédiate ou bien est-ce notre partie blessée et rejetée qui s’exprime ?Qui peut juger ? Qui le fait sans tenir compte de tous les paramètres humains, sociaux …sans d’abord s’auto-critiquer, s’auto-analyser ?
Autant de questions qui surgissent à mesure que les personnages évoluent à l’écran. En acceptant le pas de côté que la vie va lui imposer, en acceptant de faire tomber ses préjugés trop solidement ancrés et de dépasser ses limites, tout son entourage va devoir lui emboîter le pas.
Marie-Line et son juge est avant tout une rencontre humaine où, s’élever humainement, prendre des risques, s’accomplir, devient une forme de résistance face à une vie où l’on ne jure que par l’ascension sociale, la méritocratie et le travail.
Les personnages sont ciselés et interprétés à l’émotion près. Michel Blanc, juge d’apparence piquant, dur, intransigeant, va petit à petit fendre l’armure et son duo avec une Louane qui a progressé depuis la famille bélier constitue une vraie plus value du film .
Enfin, notons le talent de Victor Belmondo qui donne à son personnage toute la fragilité, la maladresse, la finesse et la lâcheté d’un jeune étudiant en cinéma qui rêve de Paris mais ne quitte pas son petit confort. Son personnage aussi se dépasse en franchissant la ligne, lui aussi accepte de grandir un peu.
Jean-Pierre Améris parvient à dépeindre avec sensibilité et justesse les émotions contrastées, les liens entre les humains, ce qui se cache derrière chacun de nos masques sociaux.
Les protections que l’on dresse pour éviter de souffrir et combien il est facile de juger. La vie de Marie Line changera par la douceur, sans leçon de morale, sans oublier la culture.
En conclusion, ce récit d'apprentissage en forme de fable urbaine, prenante et émouvante vaut la peine d’être vu car s'il est classique en apparence, il laisse au spectateur des questions ouvertes et nous permet, si on s’en donne la peine, d en chercher les réponses.
Le film « Marie-Line et son juge » sortira en salles le 11octobre 2023
Avec Michel Blanc, Louane Eméra, Philippe Rebbot, Victor Belmondo