Sans jamais nous connaître (Critique) : quand Andrew Haigh nous déçoit
Du réalisateur anglais Andrew Haigh , on avait beaucoup apprécié son Week-end, brève rencontre gay touchante et sensible aux accents réalistes, un peu moins -mais quand même pas mal- son 45 ans, chronique d’un couple en crise, porté par Charlotte Rampling et Tom Courtenay ;mais surtout on avait énormément fondu devant La route sauvagerécit d’apprentissage , tourné aux États-Unis, qui déchirait le cœur.
On plaçait du coup pas mal d'espoirs dans Sans jamais nous connaître, son nouveau long métrage, sorti en salles mercredi dernier, dont le pitch, la bande annonce et les quelques échos glanés ici et là avant la sortie du film, donnait énormément envie.
Dans ce long métrage, on suit la destinée d'Adam , scénariste anglais de 45 ans qui vit dans un immeuble complètement abandonné en plein centre de Londres. On comprend rapidement qu’Adam a des choses à régler avec son passé et notamment avec le décès de ses parents. En parallèle il débute une histoire avec son voisin., Harry, venu frapper un soir à sa porte.
Adapté du roman Présences d’un été (Strangers) de Taichi Yamada, Andrew Haigh a adopte un point de vue assez radical et courageux, loin de tout naturalisme, tout en offrant une perspective unique sur la vie, la perte et la rédemption.
Le réalisateur britannique y livre une vision personnelle et universelle de la souffrance et du deuil et de la possibilité d'une rédemption.
Malheureusement, malgré ces belles intentions, de départ le projet global ne convainc pas vraiment.
Le film, censé se passer de nos jours, brouille les frontières spatio-temporelles, raconté au conditionnel passé ou au futur antérieur, dans un entre-deux, entre passé, présent et futur, qui oblitère toute notion de réalisme.
Andrew Haigh joue d’emblée cartes sur table en dévoilant des éléments qui jurent avec une représentation réaliste de l' histoire afin de représenter l’immense solitude entourant le personnage principal.
Malheureusement le cinéaste nous perd assez vite en route, et l'ensemble de manquer cruellement d'incarnation; Haigh préférant capitaliser sur l' atmosphère tout à fait hypnotisant du film plutôt que sur un Canvas narratif digne de sce nom.
Car à force de mêler les temporalités, les morts et les vivants, le rêve et la réalité, Sans jamais nous connaître perd le fil et l’attention envers ses personnages, dont la trajectoire dépressive et linéaire finit par sonner comme un aveu d’impuissance face aux grands thèmes de l’isolement et de l’identité.
Ce récit de fantômes contemporain qui échoue à trouver le ton juste à force de vouloir jouer sur tous les tableaux entre romance LGBT, drame fantastique aux contours de science-fiction, et méditation sur le temps qui passe., le cinéaste préférant une seule tonalité, celle de la mélancolie, sans cesse au bord des larmes qui réteint son personnage principal joué par le pourtant charismatique Andrew Scott.
Préférant conserver le récit dans une accumulation de non-dits vaporeux Haigh rate sa cible: le spectateur qui l'attendait n'aura pas vraiment à ressentir l'intensité du désir et des sentiments et le bouleversement de la confrontation entre défunts et vivants.
Sur un sujet proche, étonnamment, le Bis de Dominique Farrugia ou Noémie Lvovsky avec Camille redouble arrivaient à rendre ces rencontres entre vivants et morts plus poignants.
Dommage car quelques séquences- notamment celles, soit émouvantes, soit glaçantes, avec les parents laissaient entrevoir une vraie et puissante réflexion sur l'évolution de la condition gay entre les années 80 et aujourd'hui. Le reste du temps, ce Sans jamais nous connaître s'avère être un trop long récitatif mélancolique où les larmes sont réprimées et les émotions réfrénée et malgré le vernis surnaturel du film, le sous texte du film est traité de façon trop simpliste et convenu pour aller plus loin que ce qu'on le voit à l'écran.
Une déception !