Si, lors des premières semaines suivant le dernier Festival de Cannes, j'avais réussi à aller voir tous les films présentés en sélection officielle ( Moonrise Kingdom, De rouille et d'os , Sur la route, La part des anges, Holly Motors), je n'ai malheureusement pas réussi à tenir le tempo et, ainsi, plusieurs films de la sélection officielle sortis sur nos écrans depuis la rentrée sont malheureusement passés à l'as.
Cela dit, il y en avait un que je ne voulais rater pour rien au monde, il s'agit évidemment de la Palme d'Or, le film de Michael Haneke intitulé tout sobrement Amour que j'ai vu dans mon cinéma de quartier un dimanche après midi ( la séance était remplie à ras bord, j'ai même bien failli ne pas pouvoir entrer dans la salle en question).
Haneke qui titre son film "amour", lui qui, jusqu'à présent, n'avait pas forcément noyé ses histoires et ses personnages sous des litres (d'amour), cela pouvait être étonnant et à visée ironique. Car ce qui pouvait me géner dans le cinéma d'Haneke, c'est outre sa froideur formelle, son peu d'humanité ressentie pour ses personnages, qu'il jugeait souvent avec un poil de condescendance et de jugement moral.
Ici, et c'est aussi dû à l'intensité du couple Trintignant/Riva, on perçoit une vraie tendresse pour ces deux personnes en fin de vie, qui se sont certainement follement aimés, et dont l'amour prend désormais une autre forme, qu'on voit rarement au cinéma, mais qui existe bel et bien: l'amour comme asservissement à l'autre, lorsque la maladie change les rapports, et que l'autre, partagé entre amour et obligation , se voit faire des choses éprouvantes et physiquement et surtout nerveusement.
Amour restitue en effet avec grande pudeur les sentiments humains dans toute leur complexité et fragilité. Sans l’amour qui relie ce couple, sans cette complicité que le cinéaste dépeint avec une vraie finesse , Amour ne serait pas supportable à regarder.
Cela étant dit, et malgré cette tendresse et cette complicité dont je viens de parler, j'avoue que le film n'a pas été une vraie partie de plaisir (c'est même un doux euphémisme) .
Même si je me doutais que j'allais pas me taper les cotes devant un film d'Haneke ( il parait qu'il s'est essayé une fois à la comédie en Autriche avec une pièce de théatre, mais que ca a été un vrai fiasco), je n'imaginais pas à quel point la vision de ce film pouvait à ce point m'éprouver.
La dernière partie du film, qui ne nous épargne pas grand chose de la souffrance , aussi bien du la malade, physiquement éprouvée, que de celle (mentale) de son compagnon, a quand même tout de l'épreuve forcée pour le spectateur.
Du coup, alors que tant de spectateurs du film l'ont trouvé absolument bouleversant, j'ai déploré à la sortie du film ne pas avoir ressenti autant d'émotion que j'aurais aimé. La faute à la volonté d'Haneke de privilégier l'intellectuel à l'émotionnel. Haneke n'a bien sur pas abandonné sa façon de filmer froidement et cliniquement une histoire d'amour , dans laquelle l'humanité se devine plus qu'elle ne se voit à l'écran.
Et pourtant certaines scènes, où Haneke laissait justement transparaitre une vraie sensibilité, sont magnifiques, tel Emmanuelle Riva contemplant un album photo et murmurant avec émerveillement : « C’est beau la vie, la longue vie » ou bien encore celle, où Trintignant raconte à son épouse ses souvenirs d’un film vu adolescent, expliquant combien ses mots qui évoquaient les scènes du film faisaient jaillir une nouvelle fois l’émotion.
Hélas, ces moments sont rares, et l'émotion, trop souvent étouffée par cette volonté de tout montrer, à tel point que l'on éprouve une sorte de masochisme morbide devant la dureté de certaines scènes volontairement étirés jusqu'à l'insupportable.
En résumé, un film parfaitement maitrisé, qui va au bout de son parti pris. Mais un parti pris qui nous fait en même temps sentir oppressé et vraiment mal à l'aise devant cette intimité brute et radicale dans laquelle on est plongé un peu malgré nous.
Auutrement dit, pour ce trop grand lien avec le réel et le coté oppressant du film, il n'est pas sur que, de mon côté, je lui aurais donné ma palme d'or. En même temps, je dois dire qu'aucun film de cette sélection officielle que j'ai pu voir cette année ne m'ait vraiment enthousiasmé....