A coeur ouvert: la passion au scalpel
Je ne vous ai jamais caché ce petit travers que j'assume tant et bien : j'ai une tendresse particulière pour les films sur la passion amoureuse sur le couple. D'ailleurs, en dehors même du cinoche, j'ai toujours été fasciné par les histoires d'amour passionnelles et/ou fusionnelles, et je suis de ceux qui auront toujours plus d'indulgence pour les crimes passionnels que pour les autres.
Donc, forcément, si le cinéma se propose de nous dévoiler les arcanes de la passion entre deux êtres, a priori, je suis tout de suite partant pour l'aventure.
En même temps, je peux aisément comprendre que l'idée voir pendant une heure trente voire deux heures, des gens s'aimer puis se détester, puis s'aimer encore, pour de nouveau se détester, peut vite sembler être un peu lassant pour d'autres que moi, surtout s'il n'y a pas un scénario bien charpenté autour de ce thème.
Mais, me concernant, entrer dans l'intimité d'un couple, en allant au plus près des relations de haine et de passion, m'a toujours passionné, encore faut-il bien évidemment que cela soit retranscrit de façon crédible et sincère.
A mes yeux, je retiendrais surtout deux chefs d'oeuvre dans ce genre là, l'immense Qui a Peur de Virginia Woolf?, avec le duo mythique Burton Taylor, et également plus récemment les Noces Rebelles de Sam Mendès, un film absolument prodigieux d'intensité et de véracité.
Cela dit, pour deux chefs d'oeuvre, beaucoup d'autres opus traitant du ce même sujet s'y sont cassés les dents, soit en étant trop aseptisés, soit trés caricatural, soit peu crédibles, soit un peu tout en même temps.
J'étais donc curieux de savoir si le dernier film qui s'est aventuré sur ce chemin là, à savoir A Coeur Ouvert, le second film de la jeune cinéaste française Marion Lainé, réussirait à bien retranscire le tourment de la folie amoureuse.
Adapté du roman de Mathias Enard, Remonter l'Orénoque (publié chez Actes Sud), le film est sorti en salles l'an dernier début août. Mais sa sortie en catimini et sa très mauvaise réputation (il fut bien assassiné par la presse dans sa grande majorité) ne laissait rien augurer de très bon.
Après avoir hésité, je l'avais finalement raté en salles, et j'ai donc profité de sa sortie en DVD ( le 9 janvier dernier, avec TF1 Vidéo), pour voir ce film, en partenariat avec CinéTrafic (dans le cadre de sa désormais fameuse rubrique un DVD contre une chronique)
Le film suit donc du début à la fin de son récit l'intimité d'un couple, et possède l'originalité de situer ce film dans un milieu qu'on voit rarement traité l'angle de la passion amoureuse au cinéma, à savoir le milieu hospitalier. En même temps, pour ce que j'ai entendu dire des chirurgiens, on comprend tout à fait que ces personnes, qui sont souvent dans l'adrénaline et qui mettent énormément d'enjeux dans leur travail, prolonge cette excitation permanente dans leur relation amoureuse (et souvent charnelle). Un chirurgien cardiaque se doit d'être calme et précis pendant les opérations, mais ensuite son caractère exalté et passionné doit bien s'illustrer ailleurs, et notamment dans les relations conjuguales.
Cela, le film nous le montre clairement et prend parfaitement ce parti pris : les deux héros du film, Mila et Javier s'aiment follement depuis 10 ans, animés tous deux par la même passion pour leur métier. Refusant les conventions et la banalité du quotidien, ils font tout pour préserver leur histoire hors norme, mais on se doute assez vite que le moindre grain de sable pourra venir basculer la donne.
Ce grain de sable sera d'ailleurs double: la grossesse inattendue de Mila et la suspension temporaire de Javier, qui succombe à ses démons de l'alcool menace leur liberté. Lorsque leur couple vole en éclat, Mila et Javier se retrouvent pris dans un tumulte de sentiments, qui n'aura de cesse de les ramener l'un vers l'autre.
Bref, on se trouve largement en plein mélodrame passionnel tel que je le présentais au début de mon billet, et je dois dire que, contrairement à ce que les critiques laissaient entendre, le film suit parfaitement bien cette route qu'elle s'est tracée en axant son histoire sur les affres de la passion entre cris et violences, entrecoupés de réconciliations tendres et sauvages à la fois.
Le film n'est pas exempt de défaut ( une réalisation parfois un peu neutre ou alors parfois un peu trop chargée en symboles), et sans nul doute, on aurait aimé parfois poindre un peu plus d'émotion dans cette histoire de déchirement amoureux.
Mais en même temps, on devine bien que le roman de Mathias Enard -que je n'ai pas lu- possédait un matériel de base assez magnifique et que Marion Lainé arrive à en garder la substantique moelle, qui permet de faire affleurer le film de quelques scènes de cruauté conjugales assez épatantes.
Le film peut déranger, mettre mal à l'aise, car les personnages sont assez peu aimables et attachants, mais du coup, cela rajoute à la réussite et la crédibilité de l'oeuvre, car lorsqu'on aime passionnément (et je sais de quoi je parle), on est rarement aimable et bien pensant.
Le film est traversé de questions essentielles qui a trait à la nature même des relations conjugales, notamment celle de savoir si on doit primer son interet professionnel et personnel à celui de son couple, ou encore de se demander si l'arrivée d'un bébé ne peut pas faire exploser un couple fusionnel, et si le film n'apporte pas forcément les réponses escomptées, au moins se permet- il de les exposer.
Et ce A Coeur Ouvert bénéficie également comme atout de l'investissement du couple d'acteur principal, qui se jette corps et âmes dans ce projet : Juliette Binoche, bien meilleure que dans le récent La vie d'une autre, montre toute l'ambivalence de Mila, et des cas de conscience qui s'imposent à elle.
Quant à Edgard Ramirez, que je découvrais, il impose ici une présence à la fois extrêmement virile et fragile à son personnage, et peu d'acteurs français contemporains oseraient aller aussi loin dans la perte de controle.
Enfin, la scène finale, filmée aux chutes d’Iguazú en Argentine, et qui a été beaucoup critiquée par son coté mièvre et ridicule, semble contenir à mes yeux, les germes d'une belle portée poétique qui conclut, en beauté et avec une certaine perversité, cette histoire passionnée.
Une histoire qui, si elle n'arrive évidemment pas au niveau de celles dont j'ai parlé au début de mon billet, n'est en rien infamante comme j'ai pu le voir ici et là, bien au contraire.
En revanche, concernant les bonus, l'édition DVD est peu fournie et, que ce soit le making off ou les scènes coupées, ce qu'on nous propose est faiblard et vraiment très banal... le fait que le film ait connu un si faible succès en salles est certainement une cause de la pauvreté de cette édition. Dommage!!
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