Baz'art  : Des films, des livres...
13 avril 2017

Nos 10 questions à Jenny Rogneby , la formidable auteur de polars suédois

 On vous en a touché deux mots mardi dernier lors de nos chroniques des deux premiers tomes de la série Léona : on a profité de sa venue lors du récent festival Quais du Polar pour rencontrer l'épatante romancière suédoise Jenny Rogneby.

Cette dernière, grâce à Léona, son héroine particulièrement singulière et atypique a, en  deux romans publiés en quelques mois d'intervalle aux éditions Presse de la Cité, mis un bon coup de collier à la littérature policière et également au modèle social suédois, référence pour nous autre français.

Voici notre le rendu d'une interview qui aura duré plus d'une demi heure dans le cadre du très bel hôtel lyonnais où elle résidait pour l'occasion...

Vous verrez que Miss Rogneby a répondu à toutes nos questions, même les plus saugrenues,  avec une gentillesse et une disponibilité particulièrement jubilatoire : 

collagejennyitw

  1.  Baz'art  : Vous avez un parcours particulièrement atypique et déjà plusieurs vies professionnelles, alors que vous êtes juste quadragénaire : chanteuse (dans un girl band), enquêtrice dans la police puis enfin romancière..

Comment expliquez vous ce besoin de changer d'une vie à une autre?

Jenny ROGNEBY:  En fait, quand j'étais gamine je n 'avais qu'un seul rêve:  danser et chanter,  c'est vraiment cela que je voulais faire et du coup la première partie de ma carrière a sonné comme une évidence.
Mais en même temps,  même quand j'étais petite,  j'ai toujours été interessée par la psychologie et le comportement des individus, quelqu'il soit.
Il faut savoir que j'ai grandi dans le nord est de Suède dans une toute petite ville, pendant plusieurs années, puis ensuite à l'adolescence, j'ai déménagé à Stockholm qui est une grosse ville avec ce que cela charrie de délinquances, de criminalités,  d'histoires sombres, de misère aussi  : tout cela me fascinait terriblement. sans que je puisse en expliquer vraiment les raisons .
Lorsque j'ai eu une vingtaine d'années, j'ai commencé à me poser des questions , je voulais absolument savoir pourquoi la Suède,  ce pays riche et prospère  engendrait tellement de précarité..
Et c'est en tentant de résoudre ces  interrogations  que j'ai voulu, après ma brêve  carrière de chanteuse,  me lancer dans des études de criminologie à l'université , qui m'a ensuite amené à devenir inspectrice spécialisée dans ce domaine, puis après à écrire des histoires en lien avec ces études et cette fascination que j'avais. 
Quand j'ai appris qu'il y avait un poste pour devenir experte en criminologie j'y ai postulé sans hésiter car cela correspondait parfaitement à mes aspirations et ce que j'avais envie d'explorer...
Puis  enfin, au cours de mes 7 années en tant qu'enquêtrice en criminologie,  j'ai pu plonger encore plus  dans les bas fond  de la société suédoise, les crimes, les meutres, les casses, les viols,  et cela a forcément nourri mon imaginaire de romancière : j'avais plein d'histoires à raconter et j'avais très envie de les raconter, et c'est comme cela que j'ai commencé à plancher sur ce qui allait devenir les aventures de Léona...

 2. Baz'art : Un autre lien qu'on pourrait faire entre vos romans et vos experiences passées réside dans votre sens du tempo :  vos polars sont particulièrement bien rythmés, des dialogues particulièrement punchys et pas un seul temps mort:  pensez-  vous que cela est directement lié à votre passé de musicienne ou bien c'est un don inné?

Jenny ROGNEBY:  Ah c'est effectivement quelque chose qu'on m'a déjà fait remarquer plusieurs fois ce lien entre musique et ma façon d'écrire... 
Mais sincèrement ce n'est pas conscient.. 
J'imagine que la façon dont j'écris les phrases a quelque chose à voir avec la façon dont façon dont je sens le rythme,  de trouver les phrases percutantes, d'aller très vite à l'essentiel comme on écrit un rythmique et une mélodie...
Sincèrement, pour moi cela est vraiment inconscient, mais votre remarque n'en demeure pas moins tout à fait juste, c'est sûr.. 

jennyrogneby-1024x683-1160x773

 3. Baz'art :  Avec une telle  héroïne,  transgressive et atypique, le mythe suédois, ce pays qui est une référence aussi bien sur le plan social que sur le plan politique,  s’effondre quelque peu..

Est ce que c'était une de vos volonté de départ?

Jenny ROGNEBY : Léona n'incarne pas la référence de  la femme suédoise, cela est évident,  et c'est vraiment ce que je voulais faire au départ de l'aventure: tracer un portrait d'une femme qui ne réponde pas aux attentes de la société suédoise.
Le plus important pour moi, c'était surement de décrire cette femme qui réagit et pense d'une façon peu conventionnelle, en rapport à ce que la société attend d'elle,  et ainsi  de" s'attaquer" au rôle prédéterminé de la femme tel qu'on l'imagine de prime abord..
En Suède,  sans doute encore plus qu'ailleurs,  le modèle d'une femme, c'est vraiment d'avoir un beau mariage, des jolis enfants un beau boulot vraiment une vie parfaite.
Le beau mari, les enfants, le job gratifiant : Léona  possède tout cela au début du premier volet, mais elle le  refuse au fond d'elle, car à  l'intérieur d'elle même, elle est à la recherche d'une liberté qui est le contraire de cette vie rangée qu'elle trouve finalement vide..
 Ecrire cette histoire a eu pour moi une vertu libératrice car dans la société suédoise traditionnelle, la femme reste un modèle de femme au foyer stable, secure et c'était interessant d'envoyer balader cette image.
Je  trouvais  vraiment intéressant de plonger mon personnage dans les interrogations existentielles qu'elle peut ressentir assez soudainement, aux abords de la quarantaine, cela constitue pour moi  tout le sel de cette saga.
Et la liberté que Léona  cherche ne pourra se faire qu'en franchissant la ligne interdite, car finalement à cause de son travail,  la seule voie qu'elle connaisse, c'est  celle du crime et de l'illégalité..
4. Baz'art : Mais à cause de cette dualité interne qui l'habite, on se dit que Léona ne pourra jamais être heureuse, et justement on vous retourne la question :  sera t- elle vraiment heureuse un jour?

Jenny ROGNEBY  :Ah ça,  vous verrez bien :  il faut continuer à lire la série pour  le savoir ( rires) 
leonafin
5. Baz'art : A ce propos, est-ce que savez vous déjà combien de tomes vous allez consacrer à ce personnage?
Jenny ROGNEBY : Non,  au jour d'aujourd'hui, je n'ai pas encore décidé combien j'allais écrire de romans autour de ma Léona.. Au départ j'étais partie sur une trlogie mais là je n'en suis plus si certaine..
En écrivant le second volet-je me suis dit que j'avais encore plein de choses à dire sur le personnage, et j'ai dit à mon éditeur qu'il y avait tant de choses à dire sur elle plein d'idées de scénarios différents donc je suis loin 'en avoir fini avec elle
La seule chose que je vous dire, c'est que là j'ai totalement fini d'écrire le troisième volet qui sort en suede en août.
6. Baz'art : Le fait que Leona donne le sentiment qu'elle ne pourra jamais être heureuse à cause notamment d'un terrible drame personnel ( que nous ne dévoilerons pas) donne une touche finalement assez moraliste à votre roman,  puisqu'elle a été tentée par le mal  et qu'elle en est punie .Est ce que vous vous voyez comme une romancière moraliste?
Jenny ROGNEBY :(longue réflexion).... Je ne sais si on peut dire cela...
Disons que depuis le début, j'ai voulu offrir à Léona  un passé sombre, une enfance avec des parents qui l'ont mal traité, donc un passé qui expliquent quand même son coté sombre ...
La  terrible épreuve qu'elle doit traverser est, à mes yeux, plus une cause qu'une conséquence de ces mauvaises actions..
Elle a besoin d'argent pour être libre et également pour tenter de surmonter cette épreuve dont vous parlez,  et ce besoin pécunier ne peut se régler qu'en empruntant une voie criminelle, mais je n'ai pas vraiment eu cette grille moraliste pour écrire mon personnage et mes situations..
Votre point de vue est intéressant, mais ce n'est pas vraiment le mien..
7. Baz'art : Gustave Flaubert a dit : "Madame Bovary c'est moi.". Et vous alors, quelle est votre relation profonde avec votre héroïne? Bref, Léona c'est vous ou ce n'est pas vous?
Jenny ROGNEBY : Non, Rassurez vous  : Léona n'est pas moi,  vous pouvez respirer,  car je sens bien que vous tremblez en me posant la question ( rires) ..
Il y a une partie de moi dans tous mes personnages, et évidemment il y en quelques points communs entre Léona et moi : nous sommes deux femmes, nous travaillons- ou avons travaillé en ce qui me concerne-  comme inspectrice en criminologie , mais il y a plus de différences que de points communs entre elle et moi..
Et la première et immense différence c'est que (sans trop dévoiler l'intrigue) elle peut être considérée comme une criminelle  et que moi, je vous l'affirme si jamais vous en doutiez encore,  je ne suis pas du tout une criminelle  (rires)...
Rogneby_juttu_miia_030716_vi
8. Baz'art  (en choeur) : OUF!!! et Sinon, lequel de vos deux premiers romans a été le plus difficile à écrire, le premier ou le second ?
Jenny ROGNEBY : Les deux ont été très différents à écrire, mais je dirais que le second a été un peu plus difficile à écrire encore que le premier..
Pour le premier, personne ne m'attendait au tournant donc, j'ai écrit à peu près tout ce que j'avais dans la tête , alors que le second, comme ca devient une série,  il faut forcément que tu réflechisses un peu plus  à ton personnage, son passé, son futur et prendre également un peu compte les réactions des lecteurs du premier volet... 
9. Baz'art On va finir par deux questions un peu plus anecdotiques,  mais quand même cette  interrogation nous turlipine quand on a lu le tome 2 de votre série : est ce que les policiers en Suède peuvent vraiment emmener leurs enfants au bureau, car en France, franchement, cela ne se passe pas comme cela? 

Jenny ROGNEBY : (rires) Oui bien sûr, cela peut arriver ..Personnellement, je n'ai pas d'enfants de bas âge, mais j'ai vu pas mal de mes collègues amener leurs enfants avec eux au bureau lorsque vraiment, ils ne trouvaient pas de solution de mode de garde...
Attention, cela reste exceptionnel, mais oui, ils peuvent venir avec leurs loustics,  même dans un commissariat qui finalement ressemble beaucoup à un grand bureau..
10. Dernière question: Franchement, Jenny, pourquoi avoir pris un banquier français comme personnage très très méchant (dans le tome 2) ?Auriez vous par hasard  un mauvais souvenir de vacances en France qui est vous resté au travers de votre gorge? 
Jenny ROGNEBY : (rires) ah c'est une bonne question,  mais je ne sais pas quoi vous répondre, la nationalité de ce méchant garçon a surgi comme cela, très franchement, je ne sais pas pourquoi les idées arrivent sans qu'on puisse trouver une explication.
Peut etre parce que ce personnage vient de la légion étrangère et qu'il y a pas mal de français là bas, mais je ne pense même pas que ca soit lié à cela .. 
Il faut savoir que,  dans le premier volet, j'avais un personnage de  méchant qui était décrit comme possédant un fort accent finois,  et les finlandais me l'ont reproché quand je suis allé en Finlande promouvoir le livre..
Je n'avais pas pensé qu'en venant sur Lyon pour Quais du Polar, on allait une fois encore me parler de ce méchant français. (sourires) . ..
Mais rassurez vous , si c'était le but de votre question : je n'ai aucun problème avec la France et franchement, tous les hommes francais ne sont pas assimilés à des types horribles dans mon esprit (grand sourire) 
Baz'art  : Ouf,  nous voilà  une nouvelle fois pleinement rassurés, chère Jenny, car les deux french guys que nous sommes auraient été bien embêtés (rires)....
Sur ce , merci beaucoup d'avoir pris la peine de nous répondre et on attend avec une très grande impatience la suite des aventures de Léona..

 

  Un grand merci à l'équipe de Presse de la Cité pour l'interview et à Isabelle pour nous avoir un peu aidé dans la traduction de nos questions un peu emberlificotées... 

Commentaires
M
Merci pour cet article intéressant (et drôle) ...j'ai découvert cette autrice grâce à ce blog et j'ai vraiment vraiment hâte de la lire.<br /> <br /> <br /> <br /> Encore merci et bonne continuation
Répondre
Pour en savoir plus

Webzine crée en 2010, d'abord en solo puis désormais avec une équipe de six rédacteurs selon les périodes. l'objectif reste le même : partager notre passion de la culture sous toutes ses formes : critiques cinéma, littérature, théâtre, concert , expositions, musique, interviews, spectacles.

 

Contact de l'administrateur

Envoyer un mail à l'adresse suivante : philippehugot9@gmail.com 

Visiteurs
Depuis la création 7 563 969
MUSEE DES CONFLUENCES EXPOSITION EPIDEMIES PRENDRE SOIN DU VIVANT

 

MUSEE DES CONFLUENCES EXPOSITION EPIDEMIES PRENDRE SOIN DU VIVANT

(du 12 avril 2024 au 16 février 2025).

Peste, variole, choléra, grippe de 1918, sida et très récemment COVID-19… Depuis des millénaires, les épidémies affectent les sociétés humaines ainsi que les autres espèces animales. Comme une enquête historique, l’exposition revient sur ces événements qui ont bouleversé la vie sur tous les continents.

 

Jazz Day : 24 heures pour célébrer la diversité du jazz

Pour la 11e année consécutive, Jazz à Vienne coordonne la programmation du Jazz Day sur le territoire lyonnais et ses alentours.

Depuis le 36e congrès de l'UNESCO en 2011, à l'initiative d'Herbie Hancock, le 30 avril est une journée de célébration du jazz dans toute sa diversité.

Cette année, la programmation de cette journée compte une quarantaine d'événements festifs et musicaux à Lyon, Vienne, Saint-Etienne, Villefranche-sur-Saône et Bourgoin-Jallieu.

Jazz Day | Jazz à Vienne (jazzavienne.com)