" Regarder le sujet de l'immigration en face », on s'en souvient,  c'était le souhait d'Emmanuel Macron dans un discours prononcé  fin 2019.

  Les écrivains, eux, n'ont pas attendu ce propos présidentiel et n'hésitent pas depuis quelques années à s'intèresser au sort des migrants.

Ils continuent, en cet hiver littéraire, de sonder les vécus singuliers et de chercher à nous ouvrir les yeux avec deux romans particulièrement forts et étonnants qu'on vous présente de suite.


1/ La traversée Patim Statovci, Buchet Chastel 

traversée

Comment réussir à se construire en quittant ses racines?

"Quand tu te fiches de ta vie, tu te fiches aussi de ta mort, et quand tu te fiches de la vie en général, alors sa fin inéluctable et implacable, tu la vois aussi clair qu'en plein jour à l'heure où la lumière coule à flots."

 Butar et Ajim, deux adolescents albanais décident de s'échapper de leur miseres pour partir dans un périple périlleux et tourmenté.

Ces deux copains choississent de rompre  avec leur vie de misère et tenter l'aventure d'un quotidien totalement inconnu  et qui sera bien différents pour les deux compagnons d'infortune 

 Mais peut-on se construire en se coupant de ses racines qui nous ont vu être ce que nous sommes ? 

Au cours de leur périple, Bujar et Agim se verront durement  confrontés au racisme, à la discrimination, à la violence et devront continuellement expliquer d'où ils viennent et  qui ils sont.

Le romancier finlandais né au Kosovo  Patim Statovci  rassemble ses souvenirs de jeune déraciné.

 "Je ne comprendrais pas encore non plus que le mieux, pour moi, serait de rester ici, suspendu au bord de mon désir, ardent, aspirant stupidement à obtenir ce qui m'échappera toujours."  

Il nous livre un récit tout aussi  lucide qu'éprouvant avec une question qui sert de fil rouge  à ce périple : Comment se faire un chez soi quelque part?".

Emouvant et sincère et belle traduction du finois par Claire Germain.  

2/ Le passeur, Stephanie Coste; Gallimard  

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Peut-on  éprouver de l’humanité quand son fonds de commerce repose sur la misère et les faux espoirs?

"Il hésite entre perplexité et inquiétude. Il file vers l’entrepôt en se retournant une ou deux fois. D’habitude, j’évacue assez vite mes défonces nocturnes à coup de thé et de gueulantes. Ce matin, une sensation désagréable me colle à la peau comme une pellicule poisseuse."

Contrairement au roman finlandais, le sort des migrants est vu ici non pas par le regard de ceux qui font la traversée que ceux qui aident à le faire, avec des motifs souvent plus pécuniaires qu'humanistes.

Seyoum est l’un des plus importants passeurs de la côte libyenne. À Zouara, face à l’île de Lampedusa, il fait embarquer sur des bateaux de fortune des hommes et des femmes qui rêvent de jours meilleurs.

Seymoun se fait de l'argent sur le dos  de tous ces hommes et femmes fuyant leurs pays devenus inhospitaliers, au premier rang desquels l’Erythrée. 

À la veille de la dernière traversée de la saison, la tempête fait rage sur la Méditerranée, et Seymon se voit ramené à sa propre humanité, par la grâce d'une rencontre à part qui le ramène à son passé.

Pour son premier roman, Stéphanie Coste,  qui a vécu en Afrique nous livre un roman aussi réaliste que romanesque, qui mine de rien nous dit pas mal de choses sur la géopolitique .

Un roman immersif, au réalisme  qui dévoile avec énormité de vérité les travers  d'une humanité vacillante .  

On découvre comment un homme qui a bâti son commerce sur le malheur de l’humanité n'est finalement pas le monstre qu'il parait être. Une écriture d'une grande puissance qui n'hésite pas à forcer le lecteur à regarder les plaies de notre société , mais qui n'oublie pas non plus de montrer l'espoir et la rédemption.