Les frères Arnaud et Jean-Marie Larrieu Tralala ont réussi ce challenge fou celui de réaliser une comédie musicale par temps de Covid-19.
Tralala est sorti hier en salles et on en avait dit beaucoup de bien il y a quelques jours.
On a pu rencontrer les frangins du Sud Ouest la semaine passée sur Lyon lors de leur passage à L'institut Lumière ( ils ont dévoilé la plaque du tout nouveau mur des cinéastes) pour qu'ils nous en disent plus sur ce projet fou et réussi à 100% et ils ont accepté de le faire avec générosité et leur faconde habituelle :
La musique, un art profondément ancré dans votre cinéma depuis longtemps?
Notre rapport à la musique, on l'a depuis longtemps car même dans "Peindre ou faire l'amour" il y avait une chanson de Brel, sans que nous soyons d'ailleurs des fans de Brel on entendait aussi du Christophe dans l'amour est un crime parfait et évidemment dans "Un homme un vrai" où on avait déjà fait chanter Mathieu Amalric.
Il y avait donc quelques chansons promptes à tirer des émotions.
On appelle cela entre nous les "ambiances émotionnelles atmosphériques".
Des personnages se retrouvent à traverser des zones de lyrisme, d'exaltation, d'émotion.
Dès que la musique apparaît dans un de nos films, elle est toujours une zone à traverser, comme un nuage mélodique.
La comédie musicale: un genre léger entre d'autres projets plus lourds
Depuis quelques années, nous nous sommes investis dans plusieurs projets assez lourds en termes d’écriture, dont une série télévisée sur canal ; un polar à Lourdes qui nous plaisait bien or, on ne va jurer de rien pour l'avenir mais pour l’instant, ces projets n’ont pas abouti.
Par réaction, au printemps 2019, nous sommes partis à l’abordage d’un genre assez « léger » en esprit, la comédie musicale, autour duquel nous tournons depuis nos débuts.
Notre producteur Kevin Chneiweiss nous a encouragé à travailler cette idée de comédie musicale.
On avait commencé à l'écrire. Puis ensuite il y a eu l'appel du CNC qui a accéléré le travail.
C'était pour nous un encouragement d'avoir obtenu cette aide, une sorte d'accélérateur du processus, même si ce n'est pas cela qui a déterminé l'idée.
Un film léger mais pesant également
On voulait faire un film léger mais on s’en est vite rendu compte que ce type de production ne se fait pas sans contraintes de toutes sortes.
C’est un paradoxe assez stimulant, d’ailleurs : la comédie musicale doit rester légère tout en nécessitant une certaine ampleur de moyens.
Quand la comédie musicale US des années 50 rencontre la nouvelle scène française
Tralala réunit deux de nos amours les plus anciennes : la chanson française et plus précisément la « nouvelle scène française », et la comédie musicale à la Vincente Minnelli.
Après tout, l’âge d’or de la comédie musicale hollywoodienne et celui du néoréalisme ont coïncidé, dans l’immédiat après-guerre.
Il fallait inscrire notre conte musical dans la réalité précise du moment où il était tourné.
Nous avons aussi beaucoup pensé aux contes de Jacques Demy, ne serait ce que pour leur romanesque provincial.
Et, comme dans On connaît la chanson, d’Alain Resnais nous n’avons pas hésité à utiliser des chansons déjà existantes, comme les chansons de Philippe Katrine, Dominique A, Bertrand Belin qui pouvaient résonner avec notre récit.
Un film d'inspiration très "Katerinienne"
Philippe Katerine que nous avons sollicité très en amont, a donné les premières inflexions musicales.
Mais il était sorti lessivé d'une longue tournée et ne se voyait plus jouer dans le film.
Alors nous avons rebondi sur une deuxième idée, celle d’offrir un compositeur différent à chaque personnage.
Ainsi, d’autres chanteurs que nous apprécions se sont joints au projet : Bertrand Belin, Jeanne Cherhal, Etienne Daho, Dominique A, Keren Ann, les rappeurs Sein…
On a envoyé notre scénario de 90 pages aux chanteurs pour qu'ils aient l'ambiance du film.
Et chacun d'entre eux en a eu des lectures très différentes, par exemple si Daho a quasiment rien changé, Dominique A s'est tout réapproprié .
Un proche de Philippe, le réalisateur Renaud Letang, a unifié les arrangements musicaux.
Enfin, pour les scènes dansées, nous avons fait appel à la chorégraphe Mathilde Monnier, qui a également collaboré avec Katerine par le passé.
L'émotion de l'acteur qui chante
Ca nous interessait de jouer sur l'émotion de l'acteur qui chante : D'où l'idée de rencontrer des auteurs, on tenait à ce que chaque personnage ait son chanteur-compositeur.
Ça faisait peur aux gens, aux financeurs notamment, qui imaginaient des choses trop hétéroclites qui n'allaient pas s'homogéniser à l'écran.
Et bizarrement ou pas, nous, on n'était pas si inquiets de cela, entre autre par le choix des auteurs qui ont un vrai lien de famille entre eux.
Et il faut reconnaitre le travail formidable de Renaud Letang qui a harmonisé et arrangé tout cela.
Une fausse succes story?
Au départ on voulait faire de notre film allait être une success story.
Ce qui était le cas dans le premier scénario. Mais on n'en était pas très satisfait de cette version, un truc ne collait pas...
On s'est dit alors que Tralala qui est quasiment à la rue c'est mieux s'il se fait prendre pour un autre mais ne devient pas réellement un chanteur.
On s'dit que Mathieu Amalric qui n'était pas chanteur, face à Bertrand Belin qui joue son frère et qui est un chanteur qui a très peu joué l'acteur c'était pas mal comme idée. Ils échangent un peu leur rôle.
C'était l'idée de l'imposteur qui allait révéler celui qui était vraiment chanteur et c'est Bertrand, qui devient vraiment le chanteur.
Tout était basé sur cette phrase de Philippe Katerine qu'on entend à plusieurs reprises dans le film et qui sert un peu de mantra dans tout le film : "Surtout ne soyez pas vous-même".
Et au final ils deviennent vraiment eux-mêmes .
Tralala, un messie sans croix?
Tralala est porté par la folle intuition que quelque chose l’attend au bout de son chemin précaire.
Ce quelque chose c’est qu’il fait du bien à ceux qui le prennent pour un autre.
Il part à la recherche d’une sorte de consolation et c’est lui qui finalement console autour de lui.
C’est son côté christique… sans croix.