Notre rencontre avec Michaël Dichter pour son film Les trois fantastiques
Michaël Dichter, croisé en mars dernier au Festival des rencontres du Sud d'Avignon , a réalisé le très beau «Les Trois fantastiques» en salles depuis mercredi, chronique adolescente qui nous relate l’histoire d’une belle histoire d’amitié qui explose lorsque le frère aîné sort de prison.
Il signe un véritable thriller avec en background un problème sociétal intéressant : celui de la désindustrialisation de certaines régions françaises.
Les Trois Fantastiques fait suite à un court métrage, Pollux (2018). Portait-il déjà en germe votre long ?
Michaël Dichter : Au départ, j’ai écrit Pollux avec Marie Monge. C’est l’histoire de cette même bande de copains qu’on retrouve dans le long métrage. Sauf que le personnage principal, c’était Vivian — le plus grand des trois. À la fin du court, je savais que j’avais encore envie de travailler sur l’amitié, sur la loyauté, sur la trahison et sur la famille mais je pensais que j’allais continuer sur Vivian.
Mais en tournant la dernière séquence (qui était aussi chronologiquement la dernière séquence) je me retrouve face à Max et son grand frère. Et je me suis dit qu’il fallait que Max soit mon personnage principal : c’est lui qui allait générer le plus de conflits. C’est comme ça qu’est né Les Trois Fantastiques.
Pourquoi ce décor des Ardennes?
En fait, personnellement, j’ai grandi en région parisienne. Mais j’avais tourné le court métrage dans les Ardennes, en région Gand Est, à Revin, d’ailleurs. J’ai grandi dans un milieu social modeste et je me suis rendu compte en parlant avec les gamins et les adultes qu’on parlait le même langage.
Les territoires oubliés se comprennent et dialoguent en écho.
Peu importe si j’avais grandi en région parisienne et eux en province, à la campagne, ou alors dans des zones désindustrialisées : on avait le même rapport à l’enfance et à l’accélération — le basculement de l’enfance à l’âge adulte est plutôt rapide dans les milieux modestes.
Le système D est très vite mis en place et on est aussi très vite confrontés aux problèmes d’adultes.
Même si dans le film, ils font tout pour l’écarter — le déni, c’est aussi la force de l’adolescence, de l’enfance — à un moment, ça éclate.
Donc on a tout tourné dans le Grand Est. Tous les décors étaient sur 50 km autour de Charleville. Les gamins viennent de la région eux aussi.
Les trois fantastiques, c'est avant tout une belle histoire d’amitié qui doit prendre source dans votre propre cinéphilie, non?…
Oui, en effet, j’ai grandi avec Les Goonies, avec Stand by Me — je l’ai vu très jeune avec mes deux grandes sœurs, qui m’ont fait découvrir le cinéma.
C’est toujours nos aînés qui nous mettent devant des films qu’on n’a pas forcément le droit de regarder mais on y va parce qu’elles ont le droit. Stand by Me ne m’a pas lâché pendant très longtemps : j’ai continué à le regarder au moins une fois par an.
Ces histoires d’amitié hyper fortes, liées à un drame comme dans Stand by Me, ont évidemment aussi inspiré Les Trois Fantastiques, consciemment et inconsciemment. Et j'ai aussi pensé à Mud de Jeff Nichols également
C’est un vrai parcours initiatique, qui se termine au lac, aussi avec une arme et aussi avec un cadavre…
Raphaël Quenard et Emmanuelle Bercot, des stars en acteurs secondaires, c'est facile à apprivoiser?
Raphael quand je lui ai proposé le role, je l'avais préparé dans un court métrage , Les Mauvais Garçons. Dans ce film, c’est horrible ce qu’il fait et en même temps, il me faisait énormément de peine.
Tu as envie de l’aimer et tu n’as pas envie de le détester. Et même si tu le détestes, il a un sourire, un truc qui fait qu’on peut tout lui pardonner. Un personnage autant ambivalent, quelqu’un qui arrive autant à jouer avec mes émotions sur un court, où il n’est même pas personnage principal, il fallait que je le rencontre.
On a bu un café à Paris, je ne lui ai même pas fait de casting. Il a lu, ça correspondait à son planning chargé — il faisait Yannick quelques semaines plus tard. On s’est tapé dans la main, c’était aussi simple que ça.
Pour Emmanuelle Bercot, ça s’est passé de la même façon. On s’est vus dans un café, on s’est tapé dans la main, on s’est dit : « on le fait ». Et elle a même décalé ses vacances. Elle ne s’est jamais immiscée dans la mise en scène.
Elle s’est immiscée dans le jeu mais c’est ce qu’il faut pour un comédien. C’est l’intelligence du comédien qu’on vient chercher. Elle a un instinct qui est très fort. Emmanuelle donne tout de suite le truc qu’il nous faut. Dès la première prise, elle est très forte.
Raphaël, lui, est toujours très en demande de faire des prises et il va toujours apporter quelque chose de nouveau.
Ce qui est déstabilisant pour les autres comédiens parce que les dialogues changent, surtout quand c’est des jeunes comédiens qui n’ont jamais tourné. Mais c’est rigolo parce que ça marchait à chaque fois et il donnait toujours, toujours, toujours plus.
C’est une force de travail et un esprit très, très créatif. Je pourrais dire de ça de tous les comédiens, même les ados.