5 questions à Jacques Audiard pour son film Emilia Perez
Emilia Perez sort ce mercredi en salles- retrouvez notre chronique du film ici même Comment le cinéaste à l’origine d’« Un prophète » ou de « De battre mon cœur » s’est arrêté a-t-il pu enfanter une comédie musicale sur une narcotrafiquante mexicaine transgenre ? On a essayé de le poser au grill de 5 questions qui nous turlupilinait pour essayer de sonder le mystère Audiard sans y réussir totalement
Comment l’idée initiale du film vous est-elle venue ?
Il y a six ans, j’ai lu le roman de Boris Razon, Écoute. Au milieu du livre apparaît un
personnage de narco trans désirant se faire opérer. Le personnage n’étant pas vraiment développé dans les chapitres suivants, j’ai décidé d’en faire le point de départ d’une histoire.Durant le premier confinement, j’ai écrit rapidement un traitement et me suis aperçu, chemin faisant, que cela prenait plus la forme d’un livret d’opéra que d’un
scénario de film : division en actes, peu de décors, personnages archétypaux …
Emilia Pérez est votre dixième film. Qu’avez-vous appris, depuis votre
premier long-métrage en tant que réalisateur, en 1993 ?
Je crois qu’avec mes trois premiers films, j’ai appris des choses précises. Depuis,
j’applique et je restitue la connaissance acquise, tout en découvrant d’autres
choses. L’expérience permet d’approfondir le travail avec les comédiens, de produire
plus facilement le type d’image qu’on a en tête, de mieux exprimer, sur le plateau, ce
que l’on veut aux gens qui ont besoin de savoir, c’est-à-dire à l’équipe. En gagnant
en assurance, j’ai gagné en liberté. Je sais où je vais, mais jamais trop non plus..
Situer votre film au Mexique supposait d’entrée de jeu de quitter une
nouvelle fois votre langue. Après Dheepan (2015), dont le personnage principal parlait tamoul, et Les Frères Sisters (2018), entièrement en anglais, pourquoi avez-vous eu de nouveau envie de travailler dans une langue étrangère ?
En français, je m’attache à la syntaxe, au choix des mots, à la ponctuation…
Plein de détails qui ne servent pas à grand-chose. Alors que dans une langue
que je ne comprends pas ou mal, mon rapport avec le texte de cinéma devient
exclusivement musical. Et en effet je ne parlais pas non plus très bien l’anglais pour Les Frères Sisters, et pas un mot de tamoul sur le tournage de Dheepan (2015). Ne rien comprendre du tout vous place dans une observation quasiment musicale.
C’est ce que je trouve très intéressant : ne plus du tout s’encombrer strictement du sens, de la ponctuation et de l’accentuation des phrases. Cela simplifie presque les choses pour moi, je pense que je m’attache moins aux détails et plus à l’essentiel.
Si je travaille dans ma langue, je donne presque la becquée à mes comédiens et ça ne m’intéresse pas tant que ça.
Comment avez-vous construit, avec les différentes équipes, le personnage de Manitas ?
Nous en avons beaucoup parlé avec Virginie Montel, directrice du casting. Pour ce personnage, la question était : comment déduire Manitas d’Emilia, et jusqu’à quel point ? Virginie a fait pas mal d’essais avec son équipe (maquillage, effets spéciaux, costumes), jusqu’à parvenir à ce physique de brute douce à
voix d’ange. Et je m’y suis moi-même fait prendre : quand j’ai vu les premières photos
de Manitas, je n’ai pas reconnu Karla Sofía.
Vous pensiez prendre un risque particulier avec une comédie musicale ?
Non. Un risque de quoi ? De gros ratage ? Il y a toujours un risque de gros ratage. Bon, là, c’est vrai qu’il y a des couches, comme autant de possibilités supplémentaires de ratage sur tout : le scénario, la musique, la chorégraphie…
Je serais tenté de dire que ça s’est résolu en très large partie au moment où j’ai été sûr de mon casting. Quand vous êtes assuré que vous ne pourriez pas faire ce film-là avec une autre personne que cette personne-ci, à partir du moment où vous avez des alliances très fortes, des communions artistiques très fortes, une partie du problème est résolue.
Emilia Perez de Jacques Audiard (2h10, Pathé Distribution, coproduit par Saint Laurent productions), sortie le 21 août
dans ce roman découvert en 2019, dedans il y avait un chapitre qui traitait d’un personnage de narco qui voulait devenir une femme j’ai tourné des pages, des chapitres, et l’auteur n’en faisait rien. Donc j’ai appelé l’auteur et je lui ai dit : Je crois que je vais prendre, si tu le veux bien, ces idées-là, et je vais les développer à ma façon » D’abord pensé sous forme d’opéra dans les premiers mois d’écriture et après un long travail avec les musiciens, le scénario avait ensuite plus évolué dans le sens cinématographique du terme...
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