Quand viendra la vague : Une dystopie zeniteriesque et onirique d’une fin proche – Théâtre de Belleville (Paris)
Dès que nous nous asseyons dans la salle envahie par la fumée, une annonce est passée : nous allons devoir nous partager deux gilets de sauvetage pour environ 100 personnes (car oui la salle est déjà pleine pour la troisième date !). Va-t-on se battre ou se résigner à une lente agonie vers l’apocalypse ?
Ces questionnements occupent Alice Zeniter et ses personnages tout au long de la pièce. Zeniter se distingue comme analyste des débuts, traitant de ses propres origines avec L’art de perdre (qui lui avait valu le Prix Goncourt des lycéens 2017) ou le récent Frapper l’épopée en 2024 qui met en scène une jeune femme revenant sur les lieux de ses origines Kanaks. Mais aussi d’une certaine fin, celle de notre condition humaine avec les degrés et les eaux qui montent.
Le décor est planté, la catastrophe climatique est ici devant nos yeux. Au sommet du Monte Cinto, point culminant de la Corse, Mateo fixe le ciel depuis le toit en tôle de l’ancienne bergerie de son aïeul. Letizia tente de trouver le sommeil, de grapiller quelques minutes loin de l’angoisse de l’inconnu. Iels observent et attendent désemparés la montée des eaux qui submergent villes, champs et vaches.
La radio l’affirme : la vague arrive et emportera tout. Mateo craint pour son couple, seul radeau auquel il se rattache. Est-ce le moment de faire des enfants ? Leti va-t-elle se barrer à l’approche de la fin pour se réfugier avec d’autres hommes ? La vague va-t-elle emporter le couple aussi ? Le débordement n’est pas que climatique, il est aussi intérieur puisqu’il est temps pour les deux de confronter deux visions du monde, deux systèmes de valeurs assez opposés comme une sorte de bilan comptable.
Quand iels réalisent la liste des personnes qu’ils pourraient, le clash arrive : Letizia veut accueillir tout le monde face à un Matteo revanchard priant ceux.celles qui ont accéléré cette catastrophe d’y passer les premiers.
Alice Zeniter réécrit-elle « En attendant Godot » ? On peut se le demander car regarder de loin les conséquences irréversibles du réchauffement climatique sans action collective des Etats revient se retrouver dans une salle d’attente où l’angoisse monte à géométrie variable. L’autrice réinvestit la question climatique et d’un monde possible sans oublier ceux.celles qui traversent la Méditérrannée au péril de leur vie, au travers du sort des réfugiés climatiques.
Dans une ambiance de fable dystopique créée par les lumières de Vincent Lefèvre, le duo Marianne Thiery et Damien Prévot est plus que convaincant.
La mise en scène minimaliste fait ressortir la richesse des mots de Zeniter qui nous interroge, nous public, sur l’avenir de l’humanité et notre eco-anxiété. En sortant de la salle, on demeure toujours impressionnée de voir comment on peut créer très grand avec très peu !
Crédits photos : Rodolphe Haustraete
Quand viendra la vague
Écrite par Alice Zeniter
Mise en scène par Florian Westerhoff
Interprété par Marianne Thiery, Damien Prévot et Florian Westerhoff
1h
Lundi à 19h15, mardi à 21h15, samedi à 16h, dimanche à 17h
Jusqu’au 29 octobre
Théâtre de Belleville (Paris 20ème)
En tournée :
Le 15 mars 2025 à la Grange Dîmière - Théâtre de Fresnes
Jade SAUVANET