C’était comment quand j’étais dans ton ventre ? : une enquête de terrain captivante et touchante qu’on adopte direct - Théâtre de Belleville (Paris)
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Dans les hauteurs, il jaillit de la lumière un filet blanc suspendu. Il en tombe des fils, qui se croisent ou qui tracent leur propre chemin. Leur trajectoire amène en baissant le regard vers une commode détenant trésors d’enfants. Leurs voix seront-elles entendues ?
Pour Lou Attias et Jeanne Kleinman, chaque fil s’est mêlé progressivement les uns aux autres. La première maquette est sélectionnée et récompensée au festival Court mais pas vite (organisé par Rémi Prin et Emmanuelle Jauffret) avant que la pièce voie le jour dans la salle du Théâtre du Troisième Type à Saint Denis (sous la direction de Rémi Prin). Avant la scène, C’était comment, quand j’étais dans ton ventre ? s’est construite sur le terrain : les deux autrices et metteuses en scène sont liées à une histoire d’adoption partagée. Pour Lou, c’est son frère, et Jeanne, sa sœur. Elles choisissent de partir de leur proches pour recueillir des témoignages puis élargissent les portraits de personnes adoptées et d’acteur.rices des structures concernées. Le reste de la compagnie Memento s’en empare pour fictionnaliser et construire une écriture collective en plateau.
De cette écriture, il en sort un parti-pris, celui de visibiliser les récits des personnages adoptées ; l’adoption étant traité de manière récurrente sous le prisme des parents adoptants. Le premier tableau s’ouvre : une jeune femme, Faustine, découvre une boîte remplie de souvenirs, de photos qu’elle accroche sur le linge. Avec cette ouverture, viennent les interrogations. Un deuxième tableau s’enchaîne. Un groupe de parole se réunit deux jeudis par mois à l’initiative de Victoire alias Vickylives, qui a créé un compte instagram suite aux conseils de Maya, elle-même adoptée et présente chaque jeudi. Barbara, Manatui et Kaïs se sont rencontrés grâce à ce réseau. Iels s’écoutent, expriment leurs émotions contradictoires dans l’espoir de réponses sur des bancs inégaux, symbole d’une construction difficile. L’isolement peut être plus fort qu’on ne le voit, la tête sature, les mots se renferment comme c’est le cas de Kaïs. D’autres liens se forment, notamment Barbara et Faustine dès son arrivée.
Les deux femmes partagent la volonté d’ouvrir leur dossier et tout ce qui implique, pour enquêter sur leurs origines ; le seul moyen d’appréhender la colère en elles. D’autant qu’elles font face non seulement à leur déracinement originel mais aussi au racisme inhérent à ce sujet. L’adoption implique un blanchissement forcé des personnes adoptées racisées toujours dans une logique d’assimilation. Une dichotomie noir/blanc apparait en filigrane tout au long de la scénographie.
Les autrices élargissent l’éventail en insérant l’histoire de Lise et d’Antoine qui se lance dans le parcours sinueux de l’adoption, de l’agrément à l’orphelinat, après l’échec de la PMA. Accompagné.e.s par une assistante sociale, ils traversent les remises en cause et enfouissent ce qui deviendra un secret de famille.
La pièce se mue en une enquête de terrain captivante et touchante où les tableaux se font et se défont avec douleur. On ressent un soupçon d’influence des films de Jeanne Henry de part la construction des dialogues et le passage de la parole. Les comédien.ne.s par leur sincérité transmettent l’amour, la colère, la solitude que traverse chaque personnage.
Crédits photos : Jérôme Laurent
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C’était comment quand j’étais dans ton ventre ?
Écrite et mise en scène par Lou Attias et Jean Kleinman et avec la participation des interprètes
Interprété par Tom Almodar, Coline Barthélémy ou Brenda Broohm, Antoine Bourasset, Angelina Colombani, Yéri-Bérénice Ouédraogo, Néphélie Peingnez
1h15
Les lundis et mardis à 19h et le dimanche à 17h30
Jusqu’au 28 janvier 2025
Théâtre de Belleville (Paris 20ème)
Jade SAUVANET