Interview de Marianna Brennand, réalisatrice de Manas : "La fiction m'a permis d'aller plus loin que le documentaire sur le sujet de l'abus sexuel !"
Marianna Brennand était de passage au cinéma Le Comoedia de Lyon dernièrement pour présenter son premier long métrage de fiction, le magnifique et bouleversant Manas. Interview.
Marianna, vous pouvez vous nous expliquer ce que veut dire Manas ?
Au Para dans cette région du Brésil, là où ce film est tourné, les femmes entre elles s'appellent manas, c'est la façon dont elles s'interpellent les unes les autres. On peut aussi dire manas pour un homme. C 'est une façon de parler, de montrer la proximité avec les gens.
Vous venez du documentaire, quel est le point de départ de votre de votre idée de création de film de fiction ?
J'avais déjà fait un documentaire sur l'exploitation sexuelle au Brésil, et lorsque j'ai appris ce qui se passait dans cette région, j'ai voulu retravailler sur ce sujet, j'ai enquêté. Cela m'a pris 10 ans.
Je me suis rendu compte assez rapidement que je ne pouvais pas me permettre de faire un documentaire parce que cela aurait obligé ces femmes à se retrouver dans une deuxième forme de violence parce qu'elles auraient été poussées à parler. Je suis passée sur un projet de fiction basé sur la réalité. Lorsque nous avons tourné dans la région, les habitants ne connaissait rien du sujet du film.
La fiction vous permet aussi de toucher un autre public…
Oui, la fiction permettait à la fois d'aborder cette thématique qui est extrêmement violente, sans rajouter de la violence. Mais aussi ça me permet d'avoir un champ de travail beaucoup plus profond, parce que c'est une thématique qui est extrêmement tabou. A travers la fiction, on a pu élargir le travail, et le public.
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Vous avez montré le film au Brésil ?
Il sort le 15 mai en salles, il a été montré en festival au Brésil, en Allemagne, en Espagne, à Cuba, en France et aux États-Unis. Les réactions sont universelles, similaires, quel que soit le festival, quel que soit le pays, l'exploitation sexuelle et intra familiale est un fléau qui n'a pas de frontière.
Comment le documentaire a nourri votre travail de fiction et comment la fiction nourrit le documentaire ?
Oui il y a une véritable connexion entre le documentaire et la fiction, l'un se nourrissent l'un de l'autre.
En fait, le documentaire amène la réalité et la fiction joue sur le sensoriel et sur le côté psychologisant en évitant deuxième trauma pour les personnes.
L'idée, c'était à la fois d'amener un son le plus réel possible, extrêmement sensoriel, qui se transforme petit à petit en un mouvement psychologique. Tout ça. La fiction le permet notamment en utilisant beaucoup l'ellipse.
C'est pourquoi il n'y a pas de musique dans votre film…
Oui, il n'y a que des bruits de la nature en fait, au moment où j'étais en train d'écrire le scénario, j'étais incapable d'entendre de la musique, d'imaginer de la musique. Parce que le problème, c'est que la musique, ça force l'émotion, je reste sur cette question éthique, de respect des situations qu'ont vécues ces jeunes femmes. C'est aussi pour ça que c'était très important de ne pas utiliser de musique.
Parlez-nous un peu des jeunes actrices qui sont formidables, elles sont déjà jouées au cinéma ou au théâtre ?
Aucune des jeunes filles n'avait joué et nous avons effectué un très long casting pour les trouver. Mais elles sont toutes de la région, et des alentours des îles qu'on voit dans le film.
Merci à Sylvia Da Rocha pour la traduction du portugais.
Merci au cinéma le Comoedia
et à Bodega films
Retrouvez notre chronique du film ci dessous
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