Restless, le meilleur Gus Van Sant?
Lundi soir, j'ai eu le plaisir d'être invité par le magazine de cinéma "Première" (dont je suis abonné depuis + de 20 ans, mon dieu que le temps passe vite) pour visionner, deux jours avant sa sortie salles (donc ce mercredi) Restless, le tout dernier film de Gus Van Sant, présenté au Festival de Cannes.
D'ailleurs, j'avais été assez surpris que ce film ne soit présenté que dans le cadre de la sélection "Un Certain Regard", et non pas dans la sélection officielle, alors même que Van Sant a déja eu la palme en 2003 pour Eléphant. Ce changement de sélection pouvait apparaitre comme un déclassement laissant augurer d'une baisse de qualité chez un des cinéastes américains les plus hétéroclites, pouvant passer d'un film arty trés difficile d'accès ( Jerry, Last Days) à un blockbuster peuplé de stars et au scénario plus balisé ( Will Hunting, joué et écrit par Matt Damon et Ben Afleck ou Harvey Milk, avec Sean Penn dans une grande fresque historique),
Personnellement, je ne suis pas un grand fan du cinéma de Van Sant, surtout de ses films issus de sa veine "arty" , que je trouve esthétisants en diable, avec une lenteur de plan et une minceur de scénario qui me plongent dans un profond ennui. J'allais donc voir ce Restless avec une certaine appréhension, mais je dois reconnaitre que ce film m'a beaucoup séduit, et qu'il est surtout une parfaite synthèse entre les deux différentes branches de cinémas de Van Sant.
De ses films underground - si plébisicités par la critique-, il a gardé une mise en scène jouant sur le décalage et une certaine poésie urbaine, tandis que de son cinéma plus grand public, il en a tiré 'une histoire assez conventionnelle, peuplée de personnages qui existent réellement à l'écran et avec une narration assez classique sur le papier.
Ces personnages en question, ce sont Enoch Brae, un jeune américain qui a perdu ses parents dans un accident de voiture, et qui depuis, passe ses journées à fréquenter les enterrements d'illustres inconnus, et Annabel Cotton, une jeune fille qu'il rencontre à un de ses enterrements, et qui cache un terrible secret: atteinte d'un cancer en phase terminale, il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Ces deux êtres vont se rapprocher, car ils sont tous les deux un peu marginalisés, un peu excentriques, et ils arriveront progressivement à méler leurs solitudes respectives pour fusionner et affronter leur funeste destin.
Un troisième personnage viendra se méler à ce couple d'amoureux condamnés à vivre leur amour naissant en un temps record, et ce personnage n'est rien moins qu'un fantôme d'aviateur japonais, mort pendant Nagazaki, et qui ne cesse de conseiller et de dialoguer avec Enoch. Et ce fantôme est à mon sens, une trés jolie idée, qui amène une vraie poésie et une vraie originalité au film, et qui contribue à faire de ce Restless un "anti Love Story", alors que le sujet s'y rapproche pourtant dangeureusement.
En effet, comme dans La guerre est déclarée chroniquée ici lundi dernier ( les deux films ont été tournés en même temps, aucun n'a donc pompé sur l'autre-ouf!), le film ne cesse d'éviter à tout prix de traiter frontalement un sujet tellement casse gueule, ce qui fait que le film reste constamment totalement pudique et jamais larmoyant. Si je l'ai quand même trouvé moins bouleversant que le film de Donzelli, (trop de retenue à mon goût), Restless reste quand même trés beau, et notamment les dernières scènes, vraiment superbes.
Merci donc au journal "Première" de m'avoir - en partie- fait changer d'avis sur ce cinéaste, et du coup, je me prends à vivement attendre les prochains films de Tarantino, Lynch ou Cronenberg, pour que là aussi, je fasse mon mea culpa.