Frantz, le très beau mélo osé par Ozon
Je le disais dès 2012 dans ma chronique du génial Dans La maison que j'avais d'ailleurs classé tout premier de mon top de cette année : François Ozon fait partie de ces rares cinéastes dont tous les films ne sont pas aussi réussis , mais qui a le mérite de tenter toujours, au risque d'échouer parfois, et figurent parmi les rares cinéastes contemporains capables de tant d'imagination et d'inventivité avec un talent incroyable, mélangeant avec une extrême habileté réalité et fiction pour nous offrir des points de réflexion fascinante avec un cinéma souvent ambitieux et audacieux.
Et après une Nouvelle amie il ya deux ans qui m'avait bien déçu et ce malgré Anais D- Frantz" sorti le 7 septembre dernier nous permet de retrouver e très grand cinéaste qu'il reste la plupart du temps.
François Ozon prouve avec ce très beau film qu'il est un cinéaste éclectique, capable de réaliser des oeuvres majeures, comme "Sous le sable" " "Swimming Pool", "Jeune et Jolie" ""Le temps qui reste" ou bien sûr ce fameux "Dans la maison".
En effet, comme dans pas mal de ses oeuvres, et comme Almodvar parvient aussi à le réaliser sans doute avec le même éclat, le cinéma d'Ozon aime avant tout sublimer la femme.
L’exaltation de ses personnages féminins est un des piliers permanents du cinéma d'Ozon et ici encore plus que d'habitude, il est- contrairement à ce que le titre ou la promo autour de Pierre Niney pourrait le faire penser- au centre de ce "Frantz" de si belle facture.
On y suit le parcours d'une jeune femme taciturne et terne qui va évoluer progressivement pour devenir une jeune femme émancipée et folle amoureuse.
Et dans ce rôle la révélation Paula Beer, très juste, imprime totalement la pellicule pour incarner la fragilité, la force et la résilience humaine, en l'incarnant dans cette sublime actrice qu'est Paula Beer.
Son jeu touche totalement le spectateur par sa pureté et sa subtilité, qui colle parfait à ce que le personnage doit exprimer- à ses côtés Pierre Niney, un peu trop lisse, tient mal la comparaison. Son si charmant accent allemand lorsqu'elle s'exprime en français nous fait forcément penser à une jeune Romy Schneider, mais attendons de voir si ces belles promesses seront remplies ...
Outre cette sublimation de la femme, Frantz aborde un autre propos cher au cinéma d'Ozon, à savoir la thématique des mensonges et des tromperies, conscientes ou inconscientes, infligées à l’autre ou à soi-même et plus particulièrement le trouble entourant les inclinations sexuelles des unes et des autres et, si à ce niveau là, Frantz peut nous amener dans des fausses pistes ( mais chut ne spoilons pas trop).
François Ozon tisse un scénario qui est proche de ses thématiques, ce qui est d'autant plus remarquable qu'au départ il réalise un film vieux un peu oublié de Lubitsch de Broken Lullaby, réalisé par Ernst Lubitsch en 1932.
Un des grands atouts du scénario d'Ozon, est qu'avec ces deux parties en miroir, la première en Allemagne et la deuxième en France, il dépeint très bien les relations franco-allemandes de lentre-deux-guerres et permet de mesurer par comparaison avec celles d'aujourdhui combien cela a pu évoluer en un siècle.
Si le scénario frustre sans doute dans sa seconde partie parisienne légèrement moins brillante que sa géniale première partie allemande, on reste épaté par ce scénario aussi habile que vraisemblable, capable de nous mener sans problèmes vers des fausses pistes afin de mieux nous asséner des scènes merveilleuses et étonnantes.
Et visuellement ce Frantz, filmé dans un noir et blanc pointu et lumineux mais mélancolique à la fois , un Noir & blanc est parfait pour trouver l'ambiance de l'Allemagne d'après la première guerre, pour lui conférer un aspect conte un peu fantastique.
Au final ce choix du noir et blanc visiblement dicté à l'origine par des impératifs financier, offre un pari esthétique totalement réussi qui parvient tout en restant de l'esthétisme et une belle lumière d'exprimer toute la violence destructrice de la guerre, qui résume toute la grande beauté de ce qui sera sans doute un des plus beaux films de l'immense filmographie d'Ozon.