Le Caire Confidentiel : le meilleur polar de l'été?
Je pense que mes plus grandes émotions cinématographisques de cet été 2017, je les dois à des films policiers, entre la ressortie du classique et génial Mémories of murders et de l'explosif polar espagnol "Que Dios Nos Perdone" , sur lequel je reviendrais bientôt , il est impossible de faire l'impasse sur un long métrage sorti en tout début d'été, à savoir "le Caire Confidentiel" de Tarik Saleh.
Auréolé de tout un tas de bonnes critiques de la presse et de prix variés, et notamment le Grand Prix de la World Competition au Festival de Sundance et surtout du Grand Prix au Festival international du film policier de Beaune (un Festival que je n'ai hélas pas pu couvrir cette année mais dont le grand prix m'a semblé bien au dessus de celui de l'an passé ( le un peu surestimé Man on High Heels)) , "le Caire Confidentiel" a connu un assez beau succès d'estime en salles en atteignant récemment les 300 000 entrées.
Tourné à Casablanca, avec des acteurs d'origine maghrébine ou proche orientale, interprété en arabe, cette production dano-suédoise se déroule au Caire quelques jours avant la révolution égyptienne.
L'intrigue- dont le titre comme l'intrigue sont d'évidentes références à L.A Confidential et à l'univers très James Elloryien - nous plonge avec délice dans un pays entièrement gangrené par la corruption à partir d’une simple enquête policière .
Tandis que la corruption est depuis plus de cinquante ans un moteur incontestable de tous les grands crus du film noir, entrainant souvent son lot de fantasmes très cinématographiques mais peu solubles dans la réalité, l'intrigue semble ici refleter assez fidèlement une certaine vérité politique et policière de l'Egypte en nous offrant un aperçu peu reluisant de la société égyptienne au moment de la fin du règne de Moubarak.,que le réalisateur connait visiblement bien.
Certes, le contexte géographique est profondément original et dépaysant, et la plongée dans cette société inégalitaire et franchement pervertie par l'argent est saississante, une société dans laquelle l’Etat qui, en toute impunité, intervient dans la sphère privée.
Ce décor si singulier est la toile de fond d'un vrai polar qui ne peut que séduire les fans du genre, avec enquête, rebondissements constants, jusqu' à la scène finale poignante qui voit petite et grande histoire se rejoindre de façon cruelle et tragique.
Avec ce film tendance néo-noir à la critique sociale acérée, Tarik Saleh. parvient à imbriquer différentes strates de narration et de codes (commissaire ripou, femme fatale, proxénète, magnat de l'immobilier...) de facture a priori ( mais a priori seulement) classiques, dans une intrigue solide menée par l'acteur Fares Fares, qui joue le rôle principal.
Ce comédien, vu dans les trois volets de la série Département V. impose sa présence charismatique à l'écran et surtout une gueule incroyable en homme au passé tragique qui s’enfonce dans une noirceur quotidienne, désabusée, mais dont la conscience finit quand même par allumer le voyant rouge, même s’il est sans doute déjà trop tard.
Un très grand film de cette année qu'on peut encore continuer de voir en salles ( le film joue encore dans près de 180 salles en France, ce qui est assez exceptionnel, près de deux mois après sa sortie, et pour un film sur le Moyen Orient).