"Nous reviendrons mon amour", une si belle déclaration d'amour maternel à voir au Théâtre de la Croisée des chemins
On ne se lasse pas de la belle programmation du Théâtre de la Croisée des chemins ! Après Au départ, nous poursuivons notre découverte du "Cycle de femmes" initié par le théâtre avec Nous reviendrons mon amour, un drame émouvant écrit et mis en scène par Florian Michelli.
Le jeu des deux protagonistes commence avant même que la pièce n'ait commencé : les femmes incarnées par Nin-Gal Fidon et Ana Squillace sont aux petits soins avec nous, chanceux spectacteurs. Elles déambulent entre les rangs, s'assurent que nous sommes bien installés, tout en nous servant des tasses de thé et en nous tendant un plateau rempli à rabord de bons gâteaux. On se sent dans cette pièce sombre, baignant dans ces effluves d'encens, avec ces deux femmes bienveillantes qui nous sourient, nous touchent tendrement l'épaule en nous appelant "mon chéri" ou "ma chérie", comme dans un foyer. Chez nous, presque.
C'est dans ce cocon protecteur que vient s'immiscer la réalité de la guerre. Celle que les deux femmes vivent au quotidien, cloîtrées dans leur appartement, vivant au rythme des tirs d'obus, des bombardements, des couvres-feu et des trèves. L'une d'elle, essaie, dès qu'elle le peut de contacter son fils en études à Paris, dans une vie à des années lumière de la sienne. Le lien ténu avec cet ailleurs en paix, avec ce fils qui lui parle des beautés de la capitale française, de la grandeur de son opéra, c'est grâce à sa tablette qu'elle l'entretient. Quand le réseau le permet, elle se connecte sur Skip, alias Skype, s'assure qu'il va bien, qu'il mange bien, alors que c'est elle qui est en danger permanent, qui n'a guère de quoi manger. Elle fait tout pour le rassurer alors qu'autour d'elle, tout explose, tout est chaos, tout est ruines. Elle essaie même parfois de couvrir de sa voix l'enfer et le bruit des détonations qui grondent dehors.
On comprend alors ses attentions à notre égard : son amour, sa bonté, sa bienveillance débordent tellement qu'elle ne peut s'empêcher de nous materner, nous aussi. Nous qui, assis sur nos bancs de bois, sommes si proches d'elle. On aimerait, à notre tour, prendre soin de cette mère qui parle avec nous comme avec son fils : avec une tendresse infinie.
La mise en scène de Florian Michelli joue habilement sur les contrastes : proximité/éloignement, obscurité/lumière, guerre/paix.
Nous n'entendons la voix de son fils qu'à une seule reprise, sinon, c'est elle seule, qui savoure chacun de ses mots, n'en perdant pas une miette à travers ses écouteurs. Ces moments de conversations quasi-silencieux sont si forts qu'on craint de les déranger, on hésiterait presque à les laisser seuls, pour qu'ils profitent de ce trésor qui n'appartient qu'à eux.
Le jeu des lumières est très beau. Renforçant l'atmosphère intime de la pièce, seules les lueurs de la tablette et de quelques bougies viennent éclairer la scène. L'écran de la tablette illumine le visage de la mère qui, à son tour, irradie de bonheur en entendant la voix de son fils. Cette lumière, c'est son espoir.
Nin-Gal Fidon et Ana Squillace, les deux talentueuses protagonistes de la pièce, qui nous ont offert un très beau moment de théâtre, plein d'émotions et de pudeur. Bravo !
Nous reviendrons mon amour, le mercredi à 21h30 et le samedi à 18h, Théâtre de la Croisée des Chemins, 43, rue Mathurin Régnier, 75 014 PARIS.