Baz'art  : Des films, des livres...
1 février 2018

Une saison en France : un beau film sur la vie des migrants, vu de l'intérieur

 

saisonAuteur d'un Grigris sélectionné à Cannes en compétition officielle en 2013, le réalisateur tchadien  Mohamed Saleh Haroun est sans doute le cinéaste vivant africain le plus  connu et certainement le plus doué du cinéma africain.

Après avoir mis en lumière, par ses précédents longs métrages,  la société contemporaine africaine, Mohamed Saleh Haroun, qui réside en France depuis 1982, décide pour son dernier film en salles sorti hier,  "Une saison en France",  et vu en avant première au Comedia il y a une quinzaine de jours , de poser ses caméras en France.

Si le décor géographique change par rapport à ses oeuvres précédentes, les thématiques restent assez similaires puisque Haroun aborde  un sujet qu'il connait  fort bien pour l'avoir intimement vécu, l'exil et la vie  au quotidien de ceux qu'on appelle les migrants, lui qui a du fuir  la guerre civile tchadienne, à l’âge de 19 ans.

L'objectif de Mohamed Saleh Haroun semble assez clair  au vu de son dernier long métrage : au lieu de nous montrer comme le font souvent les fictions récentes ( Mediterranea,Fuocoammare, par-delà Lampedusa) comment des individus fuient leur pays pour arriver en terre étrangère, Une saison en France filme la vie au quotidien de ces exilés en attente d'une décision décidant de les régulariser ou pas.

Bien que Tchadien, Mahamat-Saleh Haroun a choisi la Centrafrique comme point de départ de sa fiction, essentiellement   pour des raisons d'actualité: le pays, embourbé dans un conflit meurtrier depuis 2013, est en proie à la violence et,  comme il nous l'a expliqué dans l'interview que j'ai pu faire avec lui ( à lire très bientot) , ce sont près de 400.000 Centrafricains qui se sont réfugiés justement au Tchad.

Le film nous plonge dans les pas d' Abbas, professeur de français en  République centrafricaine.,qui a perdu sa femme dans leur fuite  et qui vit désormais  France avec ses deux enfants. En attente du résultat de sa demande d’asile, il organise la survie de sa famille, travaille sur les marchés, scolarise ses enfants, entretient une relation avec Carole, une fleuriste collègue de travail.

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Au travers de cette chronique intimiste et sensible, Mohamed Saleh Haroun prend le temps de décortiquer le chemin de croix des demandeurs d’asile  sans jamais vouloir filmer l'administration; les décisions administratives se bornant à des courriers froids et abrupts qui rendent le quotidien d'Abbas de ses enfants, ainsi que d'Etienne, un autre centrafricain qu'ils voient régulièrement, particulièrement précaire et difficile à appréhender, rendant les moments de joie si fragiles et en même temps si précieux ( très belle scène à mi film d'un anniversaire).

Ce que nous montre également le film d'Haroun,  c'est à quel point la longueur des démarches et des procédures de demande d'asile peut épuiser et finit favoriser une machine de  sans-papiers qui semblent toujours vivre en suspens et surtout  qui n’ont plus le recours d’aller essayer de trouver refuge dans un autre pays.

Sans jamais donner la parole  aux puissances étatiques qui décident d'un sort d'êtres humains, Haroun privilégie les gros plans sur les visages  de ces gens qui nous ressemblent bien plus que ceuc que les médias peuvent nous montrer.

En  focalisant  son intrigue sur des intellectuels ( un professeur de français et un professeur de philosophie, le réalisateur tchadien nous montre de façon pertinente  des migrants tels que la télé ou la plupart des fictions ne nous montre jamais.

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En tentant de comprendre les problématiques de ces migrants, leurs angoisses et leurs douleurs rentrées, : Haroun porte un regard plein d'empathie et de douceur sur ces vies qui essaient tant bien que mal de vivre, ces personnages confrontés à une destinée et à des décisions qu'on devinent implacables .

Porté par la présence charismatique d'Eriq Ebouaney), solide  en apparence mais assez près  de vaciller à tout moment,et celle de Sandrine Bonnaire qui illumine le personnage de Carole  son seul soutien , avec un naturel déconcertant., cette chronique à hauteur de réfugiés parvient sans pathos et avec beaucoup de justesse  à dire la complexité des situations à travers les trajectoires de différents personnages qui n’ont pas eu d’autre choix que de fuir leur pays.

Une oeuvre éprouvante mais o combien salutaire à voir en salles dès ce jour.. et  à suivre très vite l'entretien avec son auteur..

 

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