Dernier amour : quand le film en costume sied bien à Benoit Jacquot...
Depuis le magnifique "Trois Cœurs" sorti il y a déjà cinq ans, on pensait avoir perdu totalement Benoit Jacquot, qui pourtant continuait d'aligner les longs métrages tous les ans de manière assez métronomique , le pire étant sans doute ses deux derniers longs métrages, le totalement abscons "A Jamais" et le catastrophique "Eva").
Heureusement, après trois expériences plutôt réussies dans le film historique ("Sade", "Les adieux à la reine" et "Journal d’une Femme de Chambre")., Benoit Jacquot a eu la bonne idée de revenir à nouveau aux drames en costumes avec ce "Dernier amour" inspiré des Mémoires de Casanova, que celui ci a rédigé de 1789 jusqu'à sa mort.
Une mort proche d'advenir, au moment où le film commence quand Casanova/ Lindon vient chuchoter à une jeune fan ses confidences sur son passé, et notamment le souvenir d'un amour sans retour pour une prostituée, la Charpillon, qui s'était donnée à tous les hommes, sauf Casanova en personne .
Le grand amant, séducteur invértéré, le charmeur qui jamais ne succombe, qui devient le jouet, la marionnette d'une prostituée a priori innocente, c'est tout l'intérêt de cette histoire qui a intéressé Jacquot et que celui ci parvient à rendre assez captivant dans son nouveau long métrage.
Accompagné à l'écriture par LA spécialiste française de Casanova, la romancière Chantal Thomas, avec qui Benoit Jacquot a déjà travaillé notamment pour les adieux à la reine, il réussit largement, avec des moyens visiblement assez limités de reconstituer un XVIIe siècle, ses bals, ses frasques, ses maisons de passe, dans une ambiance fin de siècle et crépusculaire assez étonnante et envoûtante.
Dans un formalisme plutôt épuré et sobre, mais jamais ennuyeux, Benoit Jacquot s’interroge à travers son Casanova en souffrance, sur notre rapport aux femmes et à l’amour, et sur la notion de passion, ce qui la caractérise et la différencie du désir et de la pulsion sexuelle..
On est au départ un peu réticent à l'idée de voir le corps massif et la diction si contemporaine de Lindon habiter les costumes de ce dandy italien, efféminé et délicat que Donald Sutherland notamment avait jadis porté sur grand écran, mais sincèrement, Vincent L interprète avec un vrai brio ce dragueur invétéré. .et puis définitivement Stacy Martin déjà adulée dans Amanda ou le redoutable possède un charme fou, sa moue boudeuse, son air a priori innocent, et l'on comprend aisément que notre cher Casanova en perde tous ses moyens...
Alors, certes, reconnaissons que ces affres du désir n'ont pas la puissance et la beauté de ceux de Mouret l'an passé mais le film de Jacquot se laisse voir avec un vrai plaisir d'esthète et donne encore envie de croire au cinéma de Jacquot..