Baz'art  : Des films, des livres...
3 avril 2019

Rencontre Musique : Frédéric Lo /Interview pour Baz'art

hallejulah  En ce début d'année 2019, et presque 20 ans après son dernier album solo,  Frédéric Lo a- enfin!-  sorti son troisième disque bien à lui,  le bien nommé "Hallelujah"  (voir notre critique  de l'album ici même).

Comment,  celui qui était alors  surtout connu comme  producteur, réalisateur, compositeur et/ou arrangeur , auprès d'artistes aussi prestigieux que Daniel Darc (qui lui doit énormément  pour son album culte Crève-Cœur,)  Stephan EicherAlex BeaupainMaxime Le Forestier ou  encore  Alain Chamfort, a t- il géré cette nouvelle mise en lumière? .

Voilà ce que nous avons cherché à comprendre,  autour d'un entretien long et particulièrement détendu  que nous avons fait avec Frédéric Lo il y a quelques semaines de cela.

 L’interview de Frédéric LO pour  Baz'art

autour de son disque « Hallelujah !"

Frédéric Lo

Baz'art : Comment doit-on interpréter le titre de votre album « Hallelujah ! » : plutôt comme un clin d’œil à Leonard Cohen ou bien plutôt comme un cri de soulagement,parce qu’après près de vingt ans de silence discographique, vous ne croyiez plus à ce troisième disque solo ?

Frédéric Lo :  Les deux, à vrai dire ( sourires)…

Effectivement, j’adore Cohen depuis tout petit,  et ce titre est un des plus beaux qui soient, mais il est vrai aussi que j’avais envie de souligner avec une petite ironie combien "l’accouchement"  a été un peu difficile pour finaliser ce disque, que je portais en moi depuis de très nombreuses années…

Baz'art : Et justement, qu'est-ce qui a vraiment motivé ce retour à la lumière, pour vous qui avez passé justement toutes ces années à l’ombre des artistes (Daniel Darc, mais aussi, Alex Beaupain, Stephan Eicher et d’autres)? C'était vraiment quelque chose de vital pour vous, histoire de montrer à la terre entière que vous existiez autrement que par et pour les autres ?

Frédéric Lo : Ah non, pas du tout ce n’est pas le cheminement qui m’a poussé .à sortir un disque solo.  Hallelujah ! ,ce n'est pas du tout une manifestation d'égo mal calibrée , les gens qui me connaissent un peu savent que  je suis pas du genre à rouler les mécaniques vous savez ( sourires) …

Je me plais parfaitement dans cette position d"’homme de l’ombre",  comme vous dites ( sourires) ….

En fait, je vois ce disque comme  un cheminement global  de mon travail en tant que producteur/réalisateur. Pour moi ce ne sont pas deux choses totalement différentes et à dissocier, mais au contraire, cela correspond à une même logique, c’est assez fluide par rapport à mon parcours…

Alors c’est sûr que quand on se dit que mon dernier disque date de 2000, soit près de 20 ans, ça fait un peu peur, mais en fait on n'a pas ce recul quand on a la tête dans le guidon, en fait,  le  temps est passé très vite,  mais il n’y a jamais eu de rupture car je n’ai jamais arrêté mon art et j’ai toujours travaillé pour  des interprètes dans une même continuité.

 Ma passion, c'était et   c'est toujours la musique, sauf que c’était  plutôt enfermé en studio que je la vivais au moins pendant 20 ans  mais sinon  sortir un album où  on est l’interprète et réaliser l’album d’un autre, pour moi c’est le même métier et le même investissement. C’est simplement la démarche qui différencie quelque peu :   je me suis dit que pour une fois je n’allais pas être  au service de quelqu’un mais juste au service de moi-même (sourires).

Frédéric Lo

Baz'art : Et justement, cela fait quoi de se diriger soi-même, c’est si  différent que de collaborer avec d’autres ?

 Frédéric Lo : Ah oui, les deux approches sont quand même sacrément différentes si l'on y réfléchit un peu .

Quand on fait tout soi même, il y a un petit  côté schizophrène et ce n’est pas toujours évident et agréable à gérer (sourires)...

Vous n’avez pas toujours le bon équilibre  dans le niveau d’exigence requis : soit vous n’êtes pas assez exigeant avec vous-même, soit vous l’êtes  sans doute un peu trop.

C’est un peu comme un metteur en scène qui est également acteur de son propre film, il faut trouver le juste milieu entre les deux fonctions qui viennent parfois se chevaucher. et même parfois s'annuler.

Quand je réalise pour un artiste, il y a des moments où  je sais qu'il il faut  aller  un peu le forcer, gentiment l’ »engueuler » et d’autres où il a plus besoin d’encouragements.. Pour cela, il faut faire preuve d’une bonne dose de  psychologie  et de tact, or, quand on est face à soi-même, c’est un peu  plus complexe à appréhender.

Baz'art : Et quand sait-on, quand on réalise son propre disque moi-même, qu’une chanson est totalement terminée et bonne à être enregistrée  ?

Frédéric Lo :  Oh, tout ça reste un mystère,  qu’on fasse le disque pour soi ou pour les autres….

On va dire que j’ai une petite boussole à l’intérieur de moi qui me dit quand une chanson est terminée, mais  rien n'est infaillible évidemment.

Vous savez, la notion de « finie » n’est pas vraiment un aboutissement en soi, cela ne veut pas dire que le titre fini ne pouvait pas être autrement, c’est juste qu’il correspond à une proposition et que par rapport à ce qu’on a pu donner, on ne peut pas vraiment aller au-delà.

 Pour moi, une chanson réussie doit être à la fois simple et élaborée. La mélodie doit être si efficace qu’elle doit pouvoir être sifflée dans la rue et les paroles doivent pouvoir être intelligents et accessibles à tous!

Voilà , bref,   une fois que j’ai atteint tout cela que je considère la chanson comme finie, simple, n'est ce pas? (rires).

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 Baz'art : Par rapport à vos premières sorties d’album solo, comment vous-sentez vous, au moment de la sortie de l'album : est-ce que l’expérience acquise en tant que producteur a permis d’emmagasiner une certaine confiance en soi ?

Frédéric Lo :  Oui tout à fait, en tout cas plus qu'une confiance en soi, je dirais une certaine sérénité, ça c’est certain :  l’appréhension n’est plus du tout la même comparée à mes premières sorties lorsque j’étais plus jeune, je me mets beaucoup de moins de pression sur les ventes, ou autres , le plus important, c’est vraiment le  plaisir de partager mon travail, c’est cela le plus important … 

En plus il faut dire que l'accueil  de mon disque, jusqu'à présent du moins, est très positif donc ça aide à bien vivre tout cela,  c’est un double cadeau en quelque sorte.

Parallèlement, il est évident que mon travail de réalisateur producteur, et je pense bien évidemment au disque  "Crèvecœur "avec Daniel m’a donné l’expérience, qui me permet aujourd’hui d’être plus sage et de me concentrer avant tout sur le plaisir d’offrir…

Pour en revenir à mon état d'esprit serein, disons que je me considère simplement comme un artisan, je sais faire de la musique,… osons une comparaison un peu  étonnante, j'en conviens :  un boulanger sait faire une baguette, il n’a pas d’appréhension quand il la vend,  alors moi, je considère en toute humilité,  que je sais faire une chanson, donc pourquoi faudrait-il plus  me stresser  avec des états d'âme superflus? (sourires).

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Baz'art : Dans votre album, on retrouve des duos avec des artistes avec lesquels vous avez travaillé comme Beaupain ou Eicher et vous chantez des textes d’autres  avec lesquels vous avez collaboré comme Beaupain encore lui ou un autre de  Daniel Darc ..C’était si important pour vous de rester avec des artistes que vous connaissiez bien ?

Frédéric Lo : Ah oui,  tout à fait,   si j’ai invité tous les artistes qui figurent sur ce disque, c’est un peu en raison de la cohérence dont je vous parlais tout à l’heure, un peu  pour boucler une boucle.

Je  me suis construit une sorte de «  famille musicale », ce sont des personnes  avec qui je partage un univers commun, une vision similaire de la chanson et il était important pour moi de les avoir dans mon album, je tenais beaucoup à cette fidélité musicale et amicale si je peux dire.

Je suis très fier qu’ils aient participé à mon aventure comme j’étais déjà très fier de participer à la leur en bossant avec eux …

L’humain passe avant tout , en tout cas à mes yeux,  cela a toujours été une constante dans mon travail, je l’ai vu lorsque j’ai travaillé avec des gens dont je connaissais mal le travail au départ, comme Alex ( Beaupain)  ou Pony Pony Run Run  si au  niveau humain, ca se passe bien c’est vraiment l’essentiel.

 Baz'art : Dans ces duo, celui avec  Stephan Eicher, « Cet obscur objet du désir »  est étonnant, il a un rapport avec le film de Luis Buñuel ?

Frédéric Lo : Oui tout à fait, la chanson est directement inspirée du film: j’adore le film de Buñuel qui raconte l’histoire d’un homme âgé qui tombe amoureux d’une jeune femme. Cette dernière  est jouée par deux comédiennes, parce qu’il y a une dualité entre elle :  une,  prude et innocente et l’autre qui est  tout à fait son opposé.

Dès lors, je  trouvais intéressant qu'on inverse le postulat d'origine et que le narrateur soit interprété par deux hommes différents, conférant une dimension toujours schizophrène  mais cette fois ci masculine au titre..

Baz'art : Décidément, ce mot "schizophrène"  revient souvent dans votre bouche, puisque vous l'utilisiez déjà  tout à l'heure  terme pour qualifier votre travail de réalisateur / interprète..que doit on y comprendre, cher Frédéric? ( sourires) 

Frédéric Lo : Ah oui c’est vrai,  vous avez raison, c’est étonnant cette obsession.

Vous pensez que je dois me faire soigner ? (rires)

Baz"art : Oh non pas du tout, surtout ne changez rien!. Pour rester sur cette chanson, "Cet obscur objet du désir ", comme du reste beaucoup d’autres dans l'album, parle d’amour et de la difficulté des relations entre hommes et femmes . Pour vous qui abordez peu de sujets sociétaux ou politiques,  l’amour reste le thème aussi universel qu’indémodable ?

Frédéric Lo : Oui, en effet, on avait remarqué cela les premières fois  qu'on a échangé avec Alex  : nous avons en commun cette spécificité.

A travers ses textes, il raconte souvent des histoires d’amour, souvent contrariées d’ailleurs, sinon ca ne serait pas drôle à chanter ( sourires).. 

Je pense qu'à travers le couple et l’amour on exprime quelque chose de fort, pas loin d'une sorte d'engagement, même si ce n'est pas au sens militant et politique du terme.

Et puis je suis d’accord avec vous, je parle beaucoup d’amour dans mes textes, mais en même temps,   permettez-moi de vous dire que c’est parfois un peu plus compliqué sur cela, prenons  par exemple le premier single de l'album,  le titre "La clairière" : il  peut sembler être un texte d’amour et en même temps, il peut aussi parler de quelqu’un qui abandonne tout pour vivre en phase avec la nature.

Il  existe souvent des doubles lectures, dans les morceaux que je fais pour les autres,  et j’ai voulu retrouver cela dans mes propres morceaux.

 

 Baz'art : « Cet obscur objet du désir«  est le seul texte que vous avez écrit dans l’album : pourquoi avoir choisi de déléguer l'écriture de textes, alors qu'on sait que vous êtes doué aussi dans l'exercice, était-ce par besoin de vous ouvrir à d’autres ?

Frédéric Lo :  Oui tout à fait, je fais avant tout  de la musique pour le collectif , j’aime  énormément le fait de bosser  en équipe.

Prendre des auteurs m’a permis de ne pas rester dans une bulle isolée, qui était un des risques inhérents au fait  de produire mon album solo  

De  toute façon, cet album,  je  le réalise, l'arrange, compose,  et le produit,  cela fait déjà beaucoup et si j’avais du écrire les textes, j’aurais encore mis dix ans de plus je pense ( rires).

Frédéric et Alain

Baz'art  : Est-ce qu'à ce jour, une tournée est prévue, histoire de donner vie sur scène à ce bel album ?

Frédéric Lo : Un concert parisien est effectivement prévu  pour fin juin (au jour de l'entretien, la date n'était pas encore totalement définie) mais pour le reste rien n'est calé . Ce qui est certain, c'est que j’ai  vraiment envie de le jouer, cet album,  même en étant seul sur scène,  donc pourquoi pas dans une version totalement épurée en dispositif  guitare/voix.

Finalement, j’ai toujours chanté depuis mon adolescence,  et même pendant mes vingt ans de silence discographique je n'ai pas arrété de chanter sur scène, pour ici là faire un morceau dans un festival ou faire un duo avec un ami.

En fait,  la scène est un simple aboutissement de mes chansons, une manière de partager humblement ce que je fais, ce que je suis…

Forcément j'ai tendance à être un peu  plus à l’aise en studio, c’est plus mon univers à la base, mais en même temps je le répète, mon métier est de faire des chansons, donc forcément,  j’aime beaucoup le fait de les jouer en public.

Et bien cher Frédéric, dès que nous avons les dates de vos tournées, nous ne manquerons pas d'aller les partager avec vous!!

 Crédits photos : Thomy Keat

 

 

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