Festival de Cannes 2019 : Le jeune Ahmed, Les Dardenne, les dieux cannois sont avec eux
On était bien évidemment derrière notre écran samedi soir pour suivre la cérémonie de cloture du dernier festival de Cannes, tant cette année, de l'avis de l'ensemble des observateurs présents sur la croisette, la sélection officielle était bien plus prometteuse et alléchante que les années précédentes et le palmarès particulièrement incertain...
On n'a évidemment pas encore vu toute la sélection (à ce jour, grâce aux films sortis en salles et ceux vus à la sélection Pathé à Lyon, on a pu en voir 5, soit un quart), donc il est difficile de donner un avis précis sur ce palmarès qui aura un peu déçu non pas sur sa palme d'or, Parasite, qui a fait l'unanimité comme rarement mais pour l'oublis de certains films et pour certains prix pas forcément adéquats..
Parmi ceux ci , le prix de la mise en scène pour le dernier film des Frères Dardenne peut poser un peu question eu égard du film qu'on a vu dès mercredi matin en salles
Lauréat du Prix de la mise en scène acquis samedi soir, , Jean-Pierre et Luc Dardenne ont définitivement assis leurs statuts de chouchous du festival tant ils repartent très rarement les mains vides (assez paradoxalement ils n'avaient rien obtenu avec un de leurs meilleurs films en 2014, Deux jours une nuit; ) cette récompense acquise samedi dernier étant leur 7e prix à Cannes.
Ce dernier film, sorti en salles mercredi dernier, suit la radicalisation d'un jeune musulman en Belgique, s'insrivant ainsi dans d'autres films francophones sur le sujet « Le ciel attendra », « La désintégration », et récemment le très beau « L’adieu à la nuit » de Téchiné.
S'il convient de saluer le courage de ses auteurs à aborder un sujet épineux, le jeune Ahmed déçoit justement par sa mise en scène certes en mouvement collée aux basques de son personnage principal, comme ils ont l'habitude de le faire, mais en même temps un peu trop insistante et répétitive, sans que l'on ressente une implication particulièrement prégnante des cinéastes.
Précision documentaire sans faille pour capter la vérité des hommes, mais en contrepoids, aucune musique ( additionnelle), caméra à l'épaule sans cesse en mouvement, naturalisme à outrance, tragédie sans espoir: les frères Dardenne ne change pas de style et si les membres d'un jury international qui n'ont pas forcément vu les autres films du duo fraternel peuvent être séduits par cet univers, ce n'est pas forcément le cas pour les cinéphiles européens que nous sommes qui voient leur Dardenne régulier une fois tous les deux ans.
On peut aussi penser, sans avoir encore vu les autres films de la compétion, que les mises en scène plus virtuoses de Tarantino, Bellechio, Dinan ou Malick auraient pu être primés en comparaison avec ce Jeune Ahmed.
Quant à la narration qui suit donc à la trace ce très jeune garçon prêt à tuer sa professeure au nom de ses convictions religieuses, elle est un peu trop minimaliste pour qu'on adhère au parti pris de départ.
En effet, si ce portrait implacable d'une radicalisation sans retour est forcément salutaire pour comprendre le mécanisme de la radicalisation, il est assez malaisant de tenter de comprendre cet individu se murant dans la haine froide, sans que jamais l'identitification et l'empathie ne soit possible.
Les cinéastes ont eux même confié lors de la conférence de presse qu'ils pensaient pas lors de l'écriture du scénario que leur personnage soit si fermé, et sans possibilité de construction dramatique pour le rattraper, le faire sortir de sa folie meurtrière, et ce parti pris, aussi radical soit il laisse un spectateur passablement frustré et un peu ennuyé par le récit un peu froid qui se propose à lui.
Extrêmement pessimiste pendant tout le film, les Dardenne propose avec ce "Jeune Ahmed" un cinéma réfléchi et engagé mais peu engageant..
Heureusement que la fin, qui laisse entrevoir un motif d'espoir ( certes un peu trop rapidement amené), fait du bien dans le cinéma si sombre et nihiliste des deux cinéastes belges.
Bande-annonce du film LE JEUNE AHMED
Prix de la mise en scène pour les frères Dardenne... Inarittu apprécie visiblement le style 100 % naturaliste bien éloigné du sien ... ouf les Dardenne ne feront pas la palme de 3 pour un film qui est loin d'être le meilleur #cannes2019 #LeJeuneAhmed pic.twitter.com/dORJysrsRz
— Baz'art (@blog_bazart) 25 mai 2019