CEUX QUI TRAVAILLENT - critique cinéma : les effet pervers du capitalisme
La fiction (cinématrographique ou littéraire) n'en finit plus de nous donner des nouvelles du monde de l'entreprise et dans 99% des cas, elles ne sont guère reluisantes.
Très souvent, ces oeuvres stigmatise l’hyper compétitivité du monde du travail, à la fois au niveau individuel (un employé par rapport aux autres) et collectif (la rentabilité d’une entreprise par rapport aux autres) qui entraine souvent la perte d'une partie de notre humanité.
Dans la lignée de la formidable BD "Le travail m'a tué " qu'on a présenté il y a quelques semaines , Ceux qui travaillent premier long-métrage d'un jeune réalisateur suisse, Antoine Russbach vient nous rappeler les méfaits du capitalisme tout puissant et de la déshumanisation du monde de l'entreprise.
Comme pour le roman graphique, tout l'intérêt de ce film est de traiter ce sujet assez rabattu sous un angle différent de la plupart des fictions qui s'intéressent souvent aux dominés, comme dans les films de Loach ou de Brizé.
Ici, ce sont les dominants, ceux que l'on appelle parfois les cols blancs qui vont subir aussi les effets de ce système pervers en diable, et qui vont contrairement à ce qu'ils pourraient croire, se sentir aussi aliénés que ceux qui sont tous en bas de l'échelle.
Centré sur un mécanisme assez implacable, le film va voir vaciller toutes les convictions a priori établies d'un cadre d'une société de fret maritime ( type d'entreprise que le cinéma avait jusque alors peu exploité) et à travers elles la relation que les individus entretiennent avec la société de consommation et la rentabilité à tout crin, nobostant le facteur humain.
Frank Blanchet,va se rendre compte, à cause d'un coup du sort et d'une situation de crise qu'il va particulièrement mal gérer, à quel point il était aliéné par son travail. A travers son histoire, et à travers ce personnage d'autant plus complexe et ambigu qu'il est très souvent silencieux et laisse très peu paraitre de ses réflexions profondes , c'est toute une peinture cinglante du monde de l'entreprise qui interroge nos propres responsabilités dans cette société qui a tendance à effacer la dimension humaniste au détriment de la la toute puissance de l'argtent et du profit.
Un 'anti héros équivoque et pas forcément tres sympathique interprété par un Olivier Gourmet au delà des superlatifs , qui parvient à faire susciter une vraie empathie dans le regard du spectateur : alors que le cinéaste suisse assume une certaine amoralité dans la conduite de son récit, il évite les pièges du manichéisme en ne pointant jamais du doigt qui sont les bourreaux et qui sont les victimes
Antoine Russbach frappe fort, avec intelligence et finesse, dans une mise en scène particulièrement percutante et efficace qui tient jusqu'au bout le pari courageux de n'intégrer aucune musique , rendant aussi crédible que terrifiante cette douloureuse immersion dans ce que le management moderne a fait au monde de l'entreprise est assez terrifiante, et la vie de famille, où tout le monde semble avoir intégré le rôle du pater familias comme garant d'un haut niveau de vie qu'il doit sauvegarer coute que coute, ne l'est pas forcément moins...
Heureusement qu'une petite lueur d'espoir subsiste, à travers Nadine la benjamine de la famille, avec qui Franck entretient une relation particulière, plus désintéressée et qui pourrait bien être la planche de survie de cet homme en détresse
Antoine Russbach explique dans le dossier de presse a pensé son film comme le premier volet d’une trilogie explorant la société selon la tripartition médiévale e qu'on a tous appris à l'école, et : « Ceux qui combattent » puis « Ceux qui prient » devraient théoriquement suivre ce "ceux qui travaillent" , autrement dit on a hâte de découvrir la suite
Au cinéma le 25 Septembre
A noter que le film sera présenté le vendredi 20 septembre prochain au Comoedia