Festival Lumière/ JE NE SAIS PAS SI C'EST TOUT LE MONDE :Vincent Delerm passe derrière la caméra !
Le Festival Lumière commence demain soir avec une onzième soirée d'ouverture d'une édition forcément très attendue, et toute la semaine à venir, nous allons mettre en avant des artistes ou des films qui seront à l'honneur à Lyon..
On commence par quelqu'un qui nest pas vraiment issu de la grande famille du 7eme art puisqu'il s'agit de l'immense auteur compositeur Vincent Delerm, qui viendra présenter dès ce dimanche à l'Institut Lumière le premier film qu'il a rélisé, "Je ne sais pas si c'est tout le monde".
"- Cela faisait pas mal de temps qu’on me proposait de réaliser un film et là j’ai enfin sauté le pas, mais bon en même temps c’est quand même quelque chose de vraiment chronophage, faire un film. Je n’avais pas envie en le faisant de me lancer dans un truc trop compliqué du genre : on passe trois ans à écrire un scénario , puis les producteurs le lisent, et nous disent que c’est pas mal mais qu’il faudrait développer l’histoire d’amour alors on le réécrit et ca va toujours pas.
- On m’avait pourtant affirmé que, maintenant, on peut faire des films avec des fonds privés sans être soumis à des contraintes de financeurs qui veulent intervenir sur l’écriture du film. Sauf que dans la réalité, cela ne se passe pas comme cela, on nous dit forcément à un moment donné « il faut penser à développer l’histoire d’amour » et là on se dit et merde… ( rires) …
L’idée de devoir réécrire un truc que j’ai déjà écrit juste pour me soumettre à des décisions résultant simplement d’un rapport de force me gonfle un peu, je ne sais pas si c’est de la prétention ou de l’orgueil de ma part, si sans doute c'est un peu cela ,mais c’est comme cela…
Franchement, au jour d’aujourd’hui je ne suis pas certain de repartir à l’abordage . Le film se fera ou pas, je n’en fais pas forcément une question de vie ou de mort..
Il faut savoir que personne dans ce projet n’a envie d’être le maillon faible et du coup tout le monde se renvoie la balle, on est du coup dans quelque chose de très borduré techniquement et je trouve que tout cela manque un peu de légèreté… même quand tu veux faire avec une toute petite équipe, ca coute toujours beaucoup d’argent et mobilise finalement pas mal de monde, c’est vraiment un monde très spécial auquel je suis peu habitué.. Enfin, je n’ai pas envie d’être le type qui crache dans la soupe, sans doute tout simplement je ne suis pas fait pour ce monde là, voilà tout."
Voila comment s'exprimait notre si aimé Vincent Delerm lorsque je l'avais interviewé il y a déjà trois ans sur ce projet de film qui faisait pas mal parler dans le milieu .
Ce qui est certain, c'est que depuis son premier album, Vincent Delerm n’a jamais caché l’influence du 7ème art sur son inspiration et que « Panorama », son septième album qui sort dans tout juste une semaine, deux jours après la sortie de son long-métrage sur les écrans, fait la passerelle entre ces deux modes d'expression artistique avec notamment une très belle chanson sur Agnès Varda, ode aux existences contemplatives et sans compétition.
D'autres titres de l'album sont directement liées avec son premier long métrage comme réalisateur, celui dont il parlait dans notre interview.
Ce premier film intitulé « Je ne sais pas si c’est tout le monde », titre très delermin s'il en est, mais qui est en fait tiré de L'Amant, de Marguerite Duras est enfin terminé.
Il sort en salles le 23 octobre prochain ( enfin pas dans beaucoup de salles, d'abord seulement au cinéma des cinéastes où il passera tous les dimanches pendant plusieurs semaines, puis après un peu en province accompagné de son auteur) et sera présenté ce week end au festival Lumière en présence de l'auteur compositeur photographe et désormais réalisateur .
Pour avoir vu le film dans sa version finalisée, on peut dire qu'en trois ans; de l'eau a coulé sur les ponts, car le résultat semble assez éloigné de ces propos d'alors .
Plus d'histoire d'amour du tout dans « Je ne sais si c’est tout le monde », et d'ailleurs; on pourrait même dire, plus vraiment d'histoire du tout; car contrairement à ce que j'avais cru comprendre lors de cette rencontre, le film n'est pas du tout une fiction, mais bien un documentaire experimental, situé quelque part pas loin de ces créations d'art contemporaine que l'on voit parfois dans les musées d'art moderne.
Son film, documentaire impressionniste, qui ressemble de près ou de loin à "Chronique d'un été" de Jean Rouch et Edgar Morin ( film de 1960, et allégrement cité dans un album précédent de Delerm, la boucle est bouclée) est une prolongation du travail du chanteur sur l’intime, la mémoire et le rapport aux autres .
Le chanteur-cinéphilen qui est également photographe et adore notamment le travail de Martin Parr, à qui on pense fortement ici, interroge alors le ressenti, le sentiment personnel dans ce qu'il a de plus évident et de plus complexe en même temps. et le rapport que tout individu entretien face au temps qui passe.
Delerm se questionne et nous questionne sur les pensées que chacun d'entre nous garde enfoui ainsi que sur les liens qui nous construit et ces émotions et sensations qui semblent appartenir qu'à nous et qui en fait sont partagées par un certain nombre d'individus.
Dans son documentaire, qui compile les références et les instantanés d'une vie et de moments fugaces, Delerm forme une sorte de petit Panthéon personnel, tant musical que cinématographique.
Un panthéon dans lequel l'insubmersible Alain Souchon ( Vincent Delerm lui confie adorer sa chanson "Lulu" , et nous aussi d'ailleurs) cotoie des artistes divers comme Vincent Dedienne, Vincent Duluc ( pour qui ignore qui est Vincent Duluc, voir ici) , la comédienne circasienne Aloïse Sauvage, Jean Rochefort ou Albin de la Simone, des artistes qui sont souvent collaborés avec Delerm à un moment ou un autre de sa carrière.
Si Vincent Delerm affirme qu'il a souvent l'impression de vivre à coté des autres sans vraiment réussir à les comprendre, ces fragments de plusieurs vies qui semblent anodins mais qui en fait comptent énormément ( une chanson qu'on écoute avant de changer d'établissement scolaire, des moments passés enfants avec des baby sitters, des carnets intimes qu'on remplit pendant 40 ans de sa vie...) permettent de créer un fil conducteur permettant de relier tout un chacun, ce grand maëstrom d'images, d'odeurs, de sensations qui nous construisent et nous unissent.
Et si ces rencontres serrent le coeur au détour d'un plan ( on pense notamment à cette séquence avec Jean Rochefort, son ultime plan de cinéma), Je ne sais pas si c'est tout le monde est aussi ( et surtout?) un autoportrait, de l'artiste qui vient compléter et donner une autre couleur à l'univers si singulier des chansons de Vincent Delerm.
« Je voulais faire un film comme on écrit des chansons.
Passer trois minutes quelque part. Avec quelqu’un.
Chercher à chaque rencontre un fragment.
Un fragment de la personne qui dit cette personne, entière.
Comme par un détour." ( Vincent Delerm)
Peinture par touches, photographie instantanée, le film de Delerm, allant allégrement de l’intime à l’universel, réussit à capter tendrement et joliment ces petits riens qui forment le grand tout.
JE NE SAIS PAS SI C'EST TOUT LE MONDE/ sortie en salles le 23 octobre
Vincent Delerm/ France / 1h / documentaire de création / couleur et noir et blanc
Festival Lumière
SEANCES dimanche 13 octobre 14h45 - Institut Lumière
Vincent Delerm publie en parallèle « Panorama », son septième album, auquel le long-métrage fait forcément écho et dont on parle très rapidement .