Des Hommes: un documentaire humain sur la prison qui met du Baume(ttes) au coeur
La prison des Baumettes porte assurément un nom aussi célèbre dans les maisons d'arrêt en France que celle de Fresnes ou Fleury Mérogis, mais c'est sans doute celle dont les mystères sont vraiment les plus impénétrables, porteurs de mythe et d'images désastreuses relayés par des rapports officiels bien peu reluisants.
Du moins, ils l'étaient avant que les documentaristes Alice Odiot et Jean-Robert Viallet ne décident de poser leur caméra pendant presque un mois complet - après trois ans de demande d'autorisation pour plonger en immersion totale dans cette maison d'incarcération
Dans la lignée de de la formidable 'exposition autour du monde carcéral proposée actuellement par le Musée des Confluences, et du livre de Christelle Robach, directrice de plusieurs prisons dont celui des Baumettes et qu'on voit d'ailleurs dans le film des Hommes lors de conseils de discipline où elle se montre dure mais juste, le documentaire d'Odiot et Viallet apportent une nouvelle pierre à l'édifice si fragile de la condition carcérale .
Dans " Des hommes" , l'objectif de Alice Odiot et Jean-Robert Viallet est de chercher avant tout à rendre, à travers la parole et les non dits, l’humanité de ces détenus, sans aller du côté de la curiosité malsaine ou le voyeurisme et sans évidemment chercher à porter de jugement sur ces détenus autre que celui que l'institution judiciaire a déjà rendu, parfois de façon assez arbitraire.
Ici ce n'est pas le spectaculaire ni le sensationnalisme qui interessent les réalisateurs , mais plutôt comment saisir avec leur caméra des bribes d'humanité que les détenus ont encore en eux malgré le pouvoir destructeur de l'univers carcéral.
Entre souffrance et séquences plus légères, le film- qui peut faire penser dans les scènes avec l'administration - à des films de Depardon est vraiment interessant dans son propos et son traitement.
Locaux délabrés, violence constante et sous jacente- avec ces meurtres qui ont lieu régulièrement au détour d'une promenade ou pendant la douche- sont évoqués à plusieurs reprises, solitude quotidienne, institution souvent froide et implacable (notifiant une erreur de jugement à deux ans près sans prendre la moindre précaution) : "Des hommes" ne nous dissimule rien des maux de l'univers carcéral, mais le fait toujours avec la promesse d'humanité évoquée par le titre.
Ces hommes, dont la parole est cadenassée depuis qu'ils sont enfermés entre quatre murs, ont des choses à nous dire, parfois avec la faconde marseillaise qui ravit, parfois de façon plus taiseuse et le duo de cinéastes capte leur parole avec le respect et la pudeur requises.
Complément idéal aux nombreuses fictions qu'on voit fleurir sur nos écrans ( petits et grands) ,ce formidable documentaire bénéficie également d'une image - Jean Robert Viallet a été chef opérateur notamment pour Lars Von Trier et cela se voit- et d'une bande sonore particulièrement soignée qui rappelle parfois l'esthétique de clips.
Bref, un documentaire étonnant qui mérite largement d'être regardé par le plus grand nombre pour mieux comprendre les problématiques liées à l'univers carcéral hexagonal.
Des hommes, de Jean-Robert Viallet et Alice Odiot, France, 1 h 30. en salles le 19 février 2020
vu au festival de Bron/ drôle d'endroit pour des rencontres
Des hommes Alice Odiot et Jean-Robert Viallet 25 jours en immersion dans la prison des Baumettes. 30 000 mètres carrés et 2 000 détenus dont la moitié n’a pas 30 ans. au cinéma le 19/02 un documentaire totalement saississant et poussant la réflexion pic.twitter.com/F9SnZpomP7
— Baz'art (@blog_bazart) February 3, 2020