Rencontre Musique : notre Interview de Clio, la chanteuse qui fonce vers le succès!
Après le urbain et pop rock Antoine Elie, on change de style pour notre seconde interview de la semaine, spéciale musiciens confinés.
Direction les chansons élégantes et sentimentales de la très talentueuse Clio qui est revenue l'été passé sur le feu de l'actualité avec son sublime "Déjà Venise.."
Une jeune chanteuse un peu timide au début de notre entretien mais qui sait assurément ce qu'elle veut et dont le mélange de détachement et de sensibilité apparents contribuent énormément à son charme, en tant qu'artiste et en tant que personne ..
Un très joli moment assurément qu'on vous fait partager dès à présent !
Baz'art : Bonjour Clio, tout d’abord permettez-moi de vous dire que je suis très heureux d'échanger avec vous car j'ai trouvé vos deux premiers albums vraiment formidables et c'est enfin l'occasion pour moi de vous le dire. En plus, vous avez un vrai beau succès alors que vous n'êtes pas très médiatisée... J'ai cru comprendre que vous n'êtes pas très axée promotion, du coup une interview, ce n'est pas forcément ce qui vous met le plus à l'aise, je me trompe ?
Clio : Merci pour vos remarques sur mes disques, cela me touche beaucoup ..
Il est vrai que j'ai un peu de mal avec le fait de devoir rappeler tous les jours qu'on existe en tant qu'artiste. Le côté communication du métier me pèse un peu, j'avoue.
Selon mon entourage professionnel, je ne suis pas assez présente sur les réseaux sociaux. Pour le coup, j'avoue que je ne joue pas vraiment le jeu en cette période de confinement, j'ai certes un compte Instagram mais je ne l'alimente pas du tout avec des Lives en direct ou des reprises, comme peuvent le faire d’autres artistes.
Pour moi, les réseaux sociaux ça sert avant tout à communiquer sur une actualité particulière, une sortie d'album, de clip, une tournée, mais pas pour raconter sa vie et combler le vide...
Là, comme tous mes collègues, tous mes projets musicaux sont tombés à l'eau, mes concerts ont été reportés ou annulés, on ne sait pas clairement quand on pourra recommencer à remonter sur scène, donc tant que c'est le flou total, cela ne me semble pas essentiel de faire des posts simplement pour montrer qu’on est là..
Cela étant dit, je vous rassure l'exercice de l’interview, j’aime plutôt ça (rires)…
Baz'art : Ah merci, ça me rassure, car j'avais peur de vous embêter un peu en voulant à tout prix vous parler. J’ai cru comprendre que même si on vous voit peu sur les réseaux, vous ne vous ennuyez pas pendant cette période de confinement car vous avez notamment de jeunes enfants à vous occuper, n'est-ce pas ?
Clio : Oui tout à fait, j'ai deux enfants, en bas âge si on peut dire, ils ont un an et demi et trois ans, ils ne sont pas autonomes du tout, donc je vous confirme que cela remplit bien mes journées...
Je compose aussi un peu pendant ce confinement , je crée de nouveaux morceaux, la période est quand même propice à cela..
Baz'art : Vous me semblez un peu à part quand même dans la star system :vous êtes une jeune maman qui passe pas mal de son temps à pouponner et vous ne vivez pas, enfin plus, à Paris, n'est-ce pas ?
Clio : En effet, j'ai quitté Paris il y a quelques mois pour venir revivre à Besançon, la ville de mon enfance.
C’est vrai que Paris est comme un passage obligé quand on veut se lancer dans une carrière musicale. et je me disais que c’était finalement plus simple de commencer dans une ville ou je ne connaissais personne.
Mais je suis très attachée à ma ville. d'enfance et j'avais très envie d'y retourner vivre ce que je me suis décidé à faire il y a quelques mois.
Baz'art : Les bisontins doivent être ravis du retour de l’enfant du pays qui revient de Paris auréolée de gloire, non ?
Clio : Oh, auréolée de gloire, vous exagérez un peu (rires).
Et puis en fait, quand je suis partie de Besançon je n'étais pas du tout chanteuse, c'est vraiment à Paris que j'ai commencé, je n'ai pas écumé les bars de ma ville, donc je ne suis pas vraiment repérée comme étant une chanteuse du cru. Ah si, j'ai quand même tourné un clip à Besançon, pour le premier album, celui des "Equilibristes", un chouette souvenir 'ailleurs ..
J’ai joué deux trois fois dans des salles de la ville depuis que je suis me suis installée là bas et sans doute que je vais faire plusieurs dates ici plus facilement maintenant que je suis sur place, mais c'est un peu tôt pour le dire.
Baz'art : Et votre entourage professionnel ne vous a pas découragé à l'idée de quitter la capitale, lieu idéal pour réussir dans la musique ?
Clio : Ah vous savez, pour ce genre de décision, c'est surtout moi que j'écoute ( rires)... Je sais bien qu'une grande majorité des artistes vivent à Paris, c'est évidemment là-bas que tout se joue, mais la ville parisienne n'était pas vraiment faite pour moi, j'avais envie d'élever mes enfants en dehors de la capitale...
Après je n'ai pas assez de recul au vu de mon récent emménagement pour vous dire si cela a un impact sur ma carrière de chanteuse.
Quand je suis en tournée, je n'ai pas forcément besoin d'être à Paris puisqu'on est dans toute la France, et puis je ne suis pas partie non plus à l'autre coin du Globe, en train, c'est tout à fait jouable de rejoindre Paris rapidement et de vivre entre ces deux villes.
J'aime beaucoup ces trajets Paris Besançon en train, je profite de l'occasion pour écrire pas mal, il faut dire que je n'ai pas mes enfants à ce moment-là, j'ai donc un sentiment de grande liberté (rires).
Baz'art : Quand on lit vos rares interviews, on a l'impression que le succès, avec votre premier album éponymz en 2016, vous est tombée dessus un peu par hasard sans que vous ne le recherchiez absolument. Cela aussi, cela vous distingue de vos collègues chanteuses qui rêvaient de gloire depuis leur jeunesse, non ?
Clio : En effet, j'ai commencé tardivement à écrire des chansons et les composer, cela s'est passé quand j'avais entre 22 et 25 ans. On ne peut pas dire que j’avais une envie viscérale de chanter en public et je ne me sentais pas vraiment légitime par rapport à d'autres.
Je n’envisageais même pas de chanter sur scène, c’est quelque chose qui m'intimidait vraiment.
Ce n'est qu'assez récemment, avec ce second album que j’ai vraiment accepté l'idée d'écrire et chanter moi-même mes textes, et c'est aussi avec la tournée suivant ce second album, avec mes musiciens qui m'entourent et qui avec qui je m'entends parfaitement que j'ai vraiment pris du plaisir à chanter devant un public et à m'amuser vraiment sur scène.
Baz'art : De manière générale, vos textes me semblent un ressenti de vos émotions intérieures; vous êtes plus dans l'introspection que dans l’observation, non? Du coup, le manque de contact extérieur ne vous empêche pas vraiment d’écrire n’est ce pas ?
Clio : En effet, mes textes, ce sont le plus souvent des petites histoires qui me sont arrivées et qui essaient de toucher à l’universel.
Je tente, à mon modeste niveau, de les inscrire, comme pouvaient un peu le faire les films de Rohmer et sans évidemment vouloir me comparer à lui, dans une grande aventure humaine.
On sent que ce second album, "Déjà Venise", vous l'assumez plus facilement que le premier que vous défendiez à l'époque de sa sortie plus timidement. Votre premier disque semblait moins correspondre à votre personnalité que celui-ci qui vous ressemble plus, je me trompe?
Clio : Oui, vous avez sans doute raison, mon premier album j'étais très contente qu'il sorte, mais je n'imaginais pas forcément qu'il connaisse ce succès, on l'a enregistré rapidement sans que je n’ai eu vraiment le temps d’affirmer mes envies et mes goûts, il était plutôt conçu pour donner un aperçu dès mon répertoire de façon assez simple.
C'est sûr que si j'avais pu deviner qu'on soit autant relayé par de gros médias, et qu'il ait pu avoir une telle visibilité, on aurait fait quelque chose de plus fouillé notamment au niveau des arrangements, qui sont quand même très simples.
Pour celui-ci, pouvant m'appuyer sur une certaine légitimité liée à la bonne réception du premier, j’avais envie de faire un disque qui me ressemble plus et qui mette vraiment en avant les textes et la voix.
J'ai pu travailler avec un duo d'arrangeurs Florian Monchatre et Augustin Parsy avec qui cela s'est très bien passé, et qui ont vraiment réussi à mettre en avant mes compositions et mes textes comme je l'entendais.
Baz'art : Oui, vous avez opté tous les trois pour des arrangements un peu électro qui réussissent à moderniser votre univers et à rendre vraiment justice à la qualité de votre écriture. Est-ce que cette approche est quelque chose que vous désiriez déjà de vous-même ou c'est plus Florian et Augustin qui vous ont poussé dans cette voie-là ?
Clio : Non, sincèrement, ce n’est pas un coup de foudre récent pour ce genre de sons, mais en fait, je n'osais pas totalement l'affirmer dans mes productions , du moins pas avant la rencontre avec Florian et Augustin.
On a vraiment réussi, je l'espère en tout cas, à trouver des arrangements qui s'éloignent un peu de l'univers du premier album sans le trahir totalement, et qui s'inscrivent cette fois ci dans des paysages dans lequel je me reconnais tout à fait.
Baz'art : Ah oui, pour sûr, vous avez plus que réussi votre coup.. Et du coup, alors que votre premier album faisait quand même énormément penser aux premiers albums de Vincent Delerm- on en avait même parlé avec lui lors d'une interview, "Déjà Venise" s'affranchit de cet héritage sans doute un peu lourd à porter, c'était quelque chose de clairement assumé aussi ?
Clio : Disons que cela s'est fait de façon plus ou moins consciente. J'ai en effet énormément écouté Vincent Delerm quand j'étais jeune, et qu'inconsciemment ces textes ont imprimé mon écriture.
Mais en même temps, je pense que Barbara et Alain Souchon étaient ceux qui demeurent mes influences les plus importantes..
Il est évident que mes petites histoires que je raconte qui ausculte les émois amoureux et du quotidien peuvent faire penser à celles des premiers albums de Delerm.
Après j'accroche un peu moins à ses albums récents; ses deux trois derniers albums sont différents dans ce qu'il raconte et comment il le raconte, on a tous les deux évolué mais dans des directions différentes, donc c’est assez logique je pense que mon second album soit un peu moins « delermien » ( sourires) ...
Baz'art : Comme vous le dites, vos chansons parlent beaucoup d'amour, avec des histoires de couples qui sont rarement dans le bon tempo. Parfois c'est la femme qui aime plus que l'homme, à d'autres fois c'est le contraire, le type rame pour se faire aimer et la fille ne semble pas dans le même mood. Les chansons d'amour restent très majoritaires dans la production actuelle, contrairement aux films ou aux livres ou le sujet du couple est rarement central, c'est pour vous aussi le format idéal à vos yeux ?
Clio : Vous avez parfaitement raison, mes chansons racontent toutes à peu près la même chose, merci de me le signaler (rires).
Elles abordent toutes des histoires amoureuses pas vraiment reluisantes et explorent des sentiments qui nous traversent comme l’ennui, la joie ou le sentiment d’abandon.
C'’est quelque chose que j’ai pris plaisir à explorer sans vraiment me rendre compte que je tournais toujours autour du même sujet, mais c'est vrai que le format des chansons de 3/4 minutes me semble bien adapté à ces petites histoires d'amour de couple qui ne sont pas vraiment sur la même longueur d'ondes...
Comme je le dis dans ma chanson " amoureuse" que j’ai écrite il y a quelques années déjà, au moment du premier album mais que j’ai reprise dans un arrangement tout autre, j’aime bien tomber amoureuse et j'aime bien toutes ces histoires-là.
C'est à la fois plein de joie et plein de peine et je sens bien quand je les chante sur scène que le public adhère pas mal à ce genre de morceaux.
En tout cas à l'heure actuelle, je ne me suis pas lassée ni de ce format ni de ce thème-là. Ce sont des thématiques qui m’intéressent beaucoup, même dans les films que je regarde, entre les films de Rohmer que j'aime énormément, ceux de Christophe Honoré ou "César et Rosalie " que j'ai dû voir des centaines de fois, c’est le sujet qui m’attire le plus.
Quand il n’y pas d’histoire d’amour dans les chansons, je trouve cela toujours un peu ennuyeux.
Peut être qu’un jour, je me mettrais à la littérature, romans ou nouvelles, ça me trotte parfois dans la tête mais il est fort possible que je parle encore d’amour, désolé (rires)..
Baz'art : Ne vous excusez surtout pas, je suis exactement pareil (rires). Mais ce qui est bien avec vos chansons d’amour, c’est que vous réussissiez à transcender le côté trop sentimental trop romantique avec une pointe d’ironie, de dérision qui emporte le tout, ce n’est pas évident à maitriser ce style, je trouve.
Clio : Merci. Disons que, ces histoires d’amour, j’essaie toujours de les raconter avec légèreté.
Ce sont des histoires qui donnent du piment dans la vie de tous les jours .
Et puis lorsqu’on les vit on est toujours à fond, on souffre terriblement alors que si on prend un peu de recul, finalement, ce n’est pas si grave que cela, par rapport à plein d’autres choses, donc le coté dérision de ma plume vient sans doute un peu de là, oui …
Baz'art : Vous citiez un peu avant les films d’Éric Rohmer, cela me fait évidemment penser à ce beau morceau " Éric Rohmer est mort" tiré de votre premier album. Vous aviez quand même fait fort avec ce duo avec Fabrice Lucchini. Vous avez gardé contact avec lui ou votre relation n'a pas dépassé le moment de ce duo ?
Clio : Oui, on garde quelques contacts de temps en temps. Nous ne sommes pas les meilleurs amis du monde, évidemment mais on continue d'échanger de temps en temps.
Pour la petite anecdote, pour mon second album, on avait prévu d'intégrer un extrait d'un film de Rohmer dans lequel il joue " Les nuits de la pleine lune ", donc on a eu l'occasion d'échanger à ce moment là, même si finalement, cela n'a pas pu se faire..
C'est sûr que ce duo ensemble est un souvenir merveilleux, et pour le coup, alors que j'étais quand même si timide et maladroite à l’époque, j’ai réussi à trouver l'audace de l'appeler et lui proposer le projet de ce duo, je me souviens de ma joie lorsqu'il l'a accepté...
Baz'art : Quand vous avez débuté dans la chanson, vous avez suivi les ateliers de Jérémy Kisling, un artiste qu'on aime beaucoup à Baz’art. Que vous a t-il exactement apporté au niveau de l'écriture : est- ce que sont des principes qui vous guident encore dans l'écriture de vos chansons ?
En fait ce n'est pas au niveau de l'écriture que Jeremy m'a aidé, car mes chansons elles étaient déjà écrites quand je suis allé le voir. Je cherchais quelqu’un qui puisse m’aider à faire des arrangements à mes chansons et dans ce domaine il m'a beaucoup apporté.
On a travaillé pendant un an ensemble et il m'a aidé à mettre plus de rigueur dans mon petit bazar (rires), mes mélodies étaient trop libres, elles ne respectaient pas vraiment le bon tempo.
C'est quelqu'un que j'estime énormément et oui, de manière inconsciente, même si on stoppé la collaboration au bout d'une année ensemble, ses mots continuent d'imprégner ma façon d'écriture.
Baz'art : Dans votre morceau Amoureuse, vous écrivez " je tombe Amoureuse parce qu'avec toi, j'en ai eu qu'une de première fois". Est-ce que le frisson de la première fois est quelque chose qui vous rend assez nostalgique un peu comme cette première scène que vous avez fait aux trois baudets qui semble vous avoir fait plus d'effet que les suivantes ?
Clio : Ah oui cette toute première scène aux Trois Baudets, je m'en souviens parfaitement, j'avais un trac fou mais finalement, c’était vraiment quelque chose de très fort.
J'ai ressenti au fond de moi cette impression formidable de donner quelque chose au public qui venait de moi.
Vous avez raison, quand j'y réfléchis un peu, j'ai une tendresse particulière pour la magie du premier soir., c'est quelque chose après lequel on court en vain ensuite et qu’on ne retrouve jamais après, c'est vrai que c'est quelque chose qui me plait bien comme idée (rires)...
Baz'art : Vous avez été institutrice avant d'être chanteuse et vous êtes toujours en disponibilité de l’éducation nationale. Est-ce que vous avez dans un coin de votre tête cette perspective d'abandonner totalement la chanson et de revenir à vos premiers amours ?
Clio : Oui bien sûr, je n'élude pas du tout cette perspective. J’ai fait le choix de laisser mon métier d’institutrice pour me consacrer à 100% à la chanson. Mais j'ai beaucoup aimé cette expérience dans l'éducation nationale.
Je sais bien que mon statut d'intermittente est précaire, ce n'est pas la vente des albums qui permet aux artistes de gagner leur vie, mais bien les concerts et les droits d’auteurs, grâce au passage des chansons en radio, surtout pour les auteurs compositeurs, tout cela est très peu fiable quand même.
Si un jour ça marche moins bien, je n'aurais pas d'appréhension à revenir en tant qu'institutrice, je me dirais que j'ai vécu une très belle expérience mais qu'à un moment ça s'est arrêté.
Je me dis parfois que si j'ai une certaine distance et un certain détachement sur ma carrière, c'est sans doute car je sais que je ne me retrouverais pas à la rue si jamais je n'ai plus de succès .
J’ai eu un début de parcours rapide, voire idéal., mais la roue peut vite tourner, on voit beaucoup ce genre de destinée dans le monde de la musique, il me semble...
Baz'art : On est encore très loin de cette perspective il me semble chère Clio, je suis certain que votre succès ne fait que commencer !
Merci à vous pour ce long entretien et bon confinement !
Clio, nouvel album « Déjà Venise » disponible : https://clio.lnk.to/DejaVenise