« Retour à Cuba ": le très réussi voyage littéraire de Laurent Bénégui
Laissez-vous tenter par un extraordinaire voyage à Cuba promis par Laurent Bénégui : une fresque historique et politique couvrant plus d’un siècle, qu'on présente le lendemain même de sa sortie :
« Depuis trente ans, je racontais des histoires, et je ne m’étais jamais penché sur la mienne. Pourtant, tous les ingrédients étaient réunis. Un grand-père désargenté, émigré au lendemain de la Première Guerre mondiale sur une île des Caraïbes où il avait prospéré au-delà de toute espérance. Une poignée de révolutionnaires barbus renversant un régime gangréné par la prostitution, le jeu et les narcotrafiquants. Deux superpuissances mondiales déplaçant leurs affrontements sur la scène de ce théâtre tropical. Mon oncle et sa famille coincé là-bas, prisonniers d’enjeux qui les dépassaient. Et moi, enfant, galopant sur un cheval dans la sierra, à une époque où aucun touriste n’y mettait les pieds. »
Nous sommes à la fin des années soixante, Laurent à huit ans lorsqu’il apprend qu’il a un grand-père enterré à Cuba. Durant trois années il passera les vacances d’été près de Guantanamo, une région sauvage et inconnue à l’époque. Dans l’immense plantation familiale il rencontrera même Raul, un ami de son oncle, qui lui cueillera des noix de cocos à la Kalachnikov.
Raul, ce joyeux luron n’étant autre que le frère du président Fidel et accessoirement ministre des armées.
Malheureusement pour Laurent Bénégui, lorsque les « cubains » viendront se réfugier en France, après la nationalisation de leur plantation par le régime castriste, tous ces formidables souvenirs seront brutalement rayés de l’histoire familiale par un désaccord entre son père et son oncle. Les deux hommes ne se parleront plus jusqu’à leur mort.
Mais lorsqu’une internaute lui envoie, par la poste, un triangle de métal qu’elle vient de déterrer dans un champ de l’Est de la France et qui porte le nom et le prénom de son grand-père, cette histoire, l’histoire de Léopold Bénégui, le romancier sait maintenant qu’il doit la raconter.
Un voyage dans le vingtième siècle en suivant les branches d’un arbre généalogique. D’un village du Béarn, aux tranchées de la Marne, d’une plantation de café à Cuba à un petit pavillon de banlieue en Seine et Marne, la famille Bénégui a pas mal bourlingué.
« En tout cas, continua-t-elle, dans la santeria, ils pensent que chacun doit accomplir le destin qui lui a été assigné à la naissance et que, pour cela, il est aidé par ses ancêtres. Ils communiquent avec eux lors de leurs cérémonies…Alors, j’en suis certaine, Laurent, c’est ton grand-père qui te dit d’écrire ce livre ! »
Patiemment , délicatement, Laurent l’écrivain - et aussi cinéaste, on se souvient de son très sympathique Au petit Margery en 1995- va dénouer les fils d’une brouille familiale survenue dans son enfance.
Récit autobiographique mais aussi roman d’aventure et essai géopolitique sur la guerre froide, «Retour à Cuba» est aussi drôle et passionnant que Tintin et les Picaros et avec un final presque aussi « angoissant » que "Sorcerers" le film de William Friedkin.
Le très beau voyage de ce début d’année.
Retour à Cuba, Laurent Bénégui, éditions Julliard, en librairie le 21 janvier 2021