Rentrée littéraire 2023 : « Tasmania » : Paolo Giordano à la recherche de son havre de paix
"Il y a des moments où tout change. Une chose se produit, un clic, et la rivière dans laquelle nous sommes plongés depuis toujours commence à couler dans une autre direction. On appelle ça une crise."
Attention, événement de la prochaine rentrée littéraire, catégorie littérature étrangère .
Le surdoué des lettres italiens Paolo Giordano, que l'éditeur le Bruit du Monde a présenté en juin dernier à la Villa Gillet comme étant de l'autre coté des Alpes une rock star appliquée au monde littéraire sort en France son nouveau roman Tasmania, qui a bien cartonné en Italie.
Depuis La solitude des nombres premiers (Seuil, 2009), plus de deux millions d'exemplaires vendus en son pays, et équivalent du prix Goncourt en poche, tout ce que fait Paolo Giordano se transforme en or et on est allés le vérifier il y a quelques années.
Son dernier roman en date, qui marche un peu sur les traces d'un Michel Houellebecq transalpin, gros carton chez lui, continue de tracer cette même voie.
On y suit un narrateur qui semble très proche de l'auteur lui même.
Journaliste écrivain à l'aube de ses 40 ans, il semble un peu à la ramasse, en mal d'inspiration, de sujets, de désir.
La crise environnementale mais aussi celle que traverse son couple avec Lorenza qui semble plutôt fatiguée de ses inaccomplissements, les attentats islamistes partout en Europe, la peur de l'atome, la rivalité entre les universitaires : tout ou presque est abordé dans une réflexion proche de l'autofiction …
Désinvolte et d'un fatalisme lucide, notre narrateur va rencontrer des personnages tout aussi décalés et désillusionnés que lui : un climatologue spécialiste des nuages, un prêtre qui a rencontré la femme de sa vie , une reporter borderline ...
Peu optimiste, Giordano est pourtant convaincu d'une chose : chaque homme possède en lui sa propre Tasmanie, son île de liberté et de paix qu'il faut acquérir et défendre becs et ongles, malgré le climat anxiogène ambiant.
Et en ce qui le concerne, c'est au Japon, dans le souvenir terrible d'Hiroshima et Nagasaki, que notre anti héros désabusé trouvera quelques réponses à ses interrogations existentielles.
Un récit intelligent, à la fois drole et triste, où personne ne pleure jamais vraiment, mais qui vous laisse une subtile mélancolie, ce sentiment d’impuissance et d’inéluctabilité...
Dans "Tasmanie", Paolo Giordano se met à nu- littéralement - dans une histoire qui lui ressemble trop pour ne pas être un peu vraie, et qui ressemble parfois- souvent à la nôtre.
Paolo Giordano, « Tasmania » (Le bruit du monde); parution le 17 août 2023