[CRITIQUE] : Vivants : shootés à l'info.....
Après le très beau Angèle et Tony très remarqué en 2011 et le beau " Le dernier coup de marteau " quelques années après, la réalisatrice Alix Delaporte, est enfin de retour sur grand écran depuis son dernier film après dix longues années d’absence.
Elle revient avec Vivants, un film qui pourrait de prime abord trancher avec les portraits intimistes et naturalistes de ces deux premiers longs, puisque c'est une plongée en immersion dans le quotidien d'une agence de presse chargée d'alimenter des émisions de reportage d'investigation.
C'est un milieu que la réalisatrice connait bien pour avoir débuté sa carrière en étant camérman de l'agence Capa qui faisait l’émission 24 h sur Canal Plus au beau milieu des années 90.
Si Vivants dénote en effet sur pas mal d'aspects avec Angèle et Tony et due dernier coup de marteau (et pas seulement parce que Grégory Gadebois ne figure plus au casting), notamment par sa mise en scène, plus fiévreuse, plus en mouvement), elle sonde toujours la même obsession, celle de la famille, ici, celle que l'on se créé dans le cadre professionnel.
Car ces professionnels de l'info, constamment dopés à l’adrénaline de l'actu, à l'affut du danger des théâtres de conflits, dissimulent de profondes fêlures, des fragilités qui nourrissent leurs excès et les isolent de la normalité du quotidien
Ils forment ainsi une vraie communauté dans laquelle chacun essaie d'aider l'autre quand il a un coup de moins bien, et encore plus vu dans le contexte que montre Alix Delaporte, celui qui voit la direction de l'agence chercher à réduire les couts et les enquetes de terrain pour plus de rentabilité et moins d'efficacité.
Vivants montre bien ce paradoxe qui entache le journaliste d'investigation actuel : comment jongler avec les impératifs régis par le capitalisme ambiant tout en tentant de prendre le temps nécessaire à faire éclater la recherche de la vérité d'une information.
Il y a un coté chant du cygne manifeste dans ce portrait de cette équipe de vieux baroudeurs de l'info qui semble presque lassé de ne plus disposer des moyens nécessaires pour faire leur travail de recherche de la vérité le plus efficacement possible et une certaine fascination de voir que ces individus, qui n'aspirent qu'au terrain, reste la plupart du temps cantonnés dans la huis clos de leur bocal où il passent plus de temps à parler qu'à enquêter.
Heureusement un regard extérieur- la jeune caméraman provinciale jouée par Alice Isaaz dont le personnage est visiblement directement inspirée par les souvenirs d'Alix Delaporte-, toute en fougue et en ingéniosité, va remettre de la vitalité et de l'espoir dans ce monde en désenchantement.
Vivants possède sans doute quelques défauts (des personnages parfois un peu archétypaux, une durée d'ensemble qui ne dépasse pas 1h20 , ce qui limite quelques arcs narratifs), mais il n'en demeure pas moins passionnant et émouvant de bout en bout.
Dans la lignée de ces films récents qui plonge en immersion dans une profession enviée mais assez méconnue (on pense aux films de Thomas Lilti et à ceux de Jeanne Herry, d'ailleurs créditée au générique), Vivants est irrigué par une energie de groupe communicative, que des comédiens 5 étoiles- Roschdy Zem Pascale Arbillot, Jean-Charles Clichet , Pierre Lotin ou encore le récemment interviewé par nos soins Vincent Elbaz- porte à bout de bras.
Un film de troupe qui parle d'un monde qui se meurt, mais sans verser dans le pathos ni le cynisme, on ne peut que vous le recommander.
Il arrive sur nos écrans dans deux semaines.
Vivants de Alice Delaporte, en salles le 14 février 2024
Film présenté dans le cadre du festival Drôle d'endroit pour des rencontres à Bron ce vendredi 26 janvier 2024.