Certains ne voient le cinéma que comme un appel au rêve et à la détente, bref comme une échapée totale de leur quotidien. D'autres, en revanche, qui travaillent dans le social, et voient tous les jours des gens englués dans la précarité et les problèmes sociaux en tous genres, vont au cinéma voir des films sur des gens pris dans la spirale du surendettement. Evidemment, je suis de la seconde catégorie, je pense que vous l'aviez déjà deviné.
Car après Toutes nos envies, drame de Philippe Lioret sur les sociétés de crédit et les abus qu'ils établissent sur le dos des gens les plus faibles, je me suis rué, dès le mercredi de sa sortie, sur une Vie Meilleure, dont le sujet central est également le surendettement et ses effets tragiques. D'ailleurs, jamais le cinéma français n'a autant aborde la sphère sociale qu'en ce moment, où, pour cette première quinzaine de janvier, pas moins de 3 films français abordent la question de la précarité de manière frontale et authentique. Outre celui de Cédric Kahn, Louise Wimmer, sorti aussi mercredi dernier, et Dans la tourmente, qui sort demain essaient de tendre un miroir sur notre réalité sociale dans cette période d'intense crise économique.
N'ayant pas (encore) vu les deux autres oeuvres, je ne sais si elles seront d'un bon niveau, mais admettons que Cédric Kahn a placé la barre très haute. Contrairement à Toutes nos envies que j'avais également adoré, le film est plus aride, moins mélodramatique, et surtout plus tendu comme un arc. En effet, le metteur en scène choisit de filmer ses deux (anti)héros, ce couple peu fortuné qui tente d'ouvrir un restaurant, à hauteur d'homme(s), sans les lacher d'une semelle, et surtout sans jamais les juger.
En effet, bien que Yann choisisse de ne pas suivre les conseils de bon sens (éviter les crédits revolving) et foncer la tête la première dans tous les obstacles qui s'offrent à lui, et utiliser parfois des moyens que la loi réprouve, on ne peut qu'éprouver de l'empathie totale pour lui, car c'est un type bourré d'énergie et toujours intègre, qui décide d'aller au bout de ses rêves, malgré l'ascenseur social qui reste bloqué en bas, et malgré l'enchainement de coups durs, qui semble le mettre dans une situation de pire en pire.
Et sans raconter la fin, son cheminement est trés émouvant, puisqu'il saura se remettre en cause et abandonner ses illusions pour aller au bout de son histoire d'amour avec Nadia, et le fils de celle -ci. On a pu entendre ici et là que Guillaume Canet a trouvé avec ce personnage son meilleur rôle, et je suis tout à fait d'accord avec cet avis: on l'avait un peu perdu, mais ici, totalement investi dans ce rôle, il est absolument prodogieux, crédible dans le moindre des gestes de ce type qui ne veut pas perdre tout ce qui lui reste, sa dignité.
On peut être un peu frustré (en tout cas le grand romantique que je suis pourrait l'être) que Nadia disparaisse assez vite pour partir tenter sa chance au Canada, mais le film prend un autre virage, moins attendu, en s'axant sur la relation entre Yann et Slimane, son beau-fils dont il a la garde (magnifiques scènes de pèche en bateau, parenthèse improvisée qui sert un peu de respiration).
Certains critiques ont comparé la mise en scène de Cédric Kahn à celles des frères Dardenne dans sa manière de peindre une réalité sociale sans fioriture, mais personnellement j'avoue préférer Une vie meilleure aux films des belges bipalmés, car la caméra m'a semblé plus tendre, moins aride, Kahn ne refusant jamais l'émotion, notamment lors de la dernière partie à Montréal, vraiment trés jolie et où l'espoir affleure enfin.
Une vie meilleure n'est pas forcément un film que l'on peut vendre facilement car évidemment les spectateurs dont je parlais au tout début de mon article privilégieront toujours une comédie divertissante à un film qui leur renvoient une réalité si abrupte et pas toujours belle à voir, mais si je pouvais conseiller un ou deux hésitants à voir ce film absolument nécessaire et toujours passionnant, je n'aurais pas écrit ce billet pour rien.
La séquence ciné : Une vie meilleure
Pas de bande annonce, car je l'ai déja inclus dans ma sélection ciné de mercredi dernier, mais une passionnante analyse du critique Serge Kaganski d'une séquence clé du film.
J'avais déjà très envie d'aller le voir (un peu pour Guillaume Canet avant tout, j'avoue !!), et du coup, tu me motives encore plus !!
Bonne journée !